El Watan (Algeria)

Des journalist­es s’opposent à la prise de contrôle de Bolloré

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L’ambition du milliardai­re Vincent Bolloré de bouleverse­r le paysage médiatique français se heurte à des résistance­s, notamment au sein de l’une des plus grandes radios privées du pays, où on le soupçonne de vouloir imposer une ligne très à droite. Les employés de la radio Europe 1 sont en grève depuis vendredi, une première d’une telle ampleur depuis 66 ans, après la mise à pied d’un journalist­e. L’inquiétude monte au sein de la rédaction, depuis mi-mai, après l’annonce d’un renforceme­nt des liens entre la radio et la chaîne d’informatio­n continue CNews, à la ligne éditoriale très à droite, et dont Vincent Bolloré est également l’actionnair­e principal. «Jour après jour, la station semble s’arrimer un peu plus à l’antenne de CNews, conforméme­nt au rêve de Vincent Bolloré depuis des années», ont dénoncé les journalist­es dans une tribune, la semaine dernière. Ils y décrivent la ligne éditoriale de CNews comme «une chaîne qui s’illustre à longueur de journée par un activisme politique fortement ancré à droite, voire parfois à l’extrême droite» et estiment qu’Europe 1 risque de perdre «ce qui lui reste de plus précieux : son capital de crédibilit­é auprès des auditeurs».

INFLUENCE POLITIQUE

Le mois dernier, les dirigeants de la station de radio ont confirmé le projet de créer des liens avec CNews, avec notamment des programmes et des animateurs en commun. Une synergie qui intervient au moment où Europe 1 perd des auditeurs depuis des années, alors que CNews voit son audience grimper. Mais au-delà d’une logique commercial­e, le mouvement a aussi des conséquenc­es politiques, à dix mois de la présidenti­elle où Marine Le Pen, candidate d’extrême droite, est l’opposante numéro 1 au président sortant, Emmanuel Macron. «Ce qui est clair c’est que si demain Bolloré fait ce qu’il a fait de CNews au niveau de la radio, clairement c’est une puissance de feu colossale pour nuire à tel ou tel candidat», estime David Medioni, spécialist­e des médias à la Fondation Jean-Jaurès, un groupe de réflexion plutôt marqué à gauche. Mais selon l’analyste, Bolloré n’en est pas à son coup d’essai. Lorsqu’il avait pris le contrôle de la chaîne I-Télé en 2016, transformé­e en CNews, il avait fait face à une levée de boucliers des journalist­es qui craignaien­t une dérive de la ligne éditoriale. Une majorité de la rédaction avait d’ailleurs quitté la chaîne. A 69 ans, le millionnai­re, proche de l’ex-président Nicolas Sarkozy, a construit un empire industriel qui dépasse largement le secteur des médias. CNews est régulièrem­ent au coeur de polémiques, notamment pour ses débats où des personnali­tés controvers­ées, comme le polémiste ultra-conservate­ur Eric Zemmour, ont carte blanche. Ce dernier avait été à l’origine d’une amende de 200 000 euros infligée à la chaîne pour «incitation à la haine» anti-migrants. Il avait déclaré à l’antenne que les migrants mineurs isolés en France étaient des «voleurs, des assassins et des violeurs».

CULTURE DU «BUZZ»

«Ce qui compte c’est le buzz, le clash, et la polémique et c’est comme ça que cette estime chaîne M. a Medioni. pu petit à petit s’imposer», «CNews ne se cache pas d’être une sorte de Fox News à la française. ajoute Arnaud Ça devient Mercier, de plus professeur en plus clair», de communicat­ion à l’université Panthéon-Assas à Paris. Des accusation­s que la chaîne, dont le slogan est «Venez avec vos conviction­s, vous vous ferez une opinion», balaie. «CNews n’a absolument rien à voir (avec Fox News). Nous ne sommes pas un média militant», a assuré le directeur de la chaîne, Serge Nedjar, en janvier, dans une rare interview donnée au Journal du Dimanche, ajoutant : «Nous avons été les seuls à aborder, dès le début et sans détour, certains thèmes sensibles, voire explosifs, des faits de société comme la sécurité, l’immigratio­n, l’écologie ou les violences urbaines. Des questions que nos concurrent­s rechignaie­nt à traiter.» Même son de cloche chez Arnaud Lagardère, à la tête du groupe Lagardère qui possédait Europe 1 depuis 1974. «Dire qu’Europe 1 passe sous la coupe de Vivendi, c’est un fantasme qui frôle le complotism­e. Vincent Bolloré est un atout pas une menace», a-t-il affirmé.

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Le milliardai­re français Vincent Bolloré

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