El Watan (Algeria)

En Syrie, des escrocs profitent du désespoir de familles de prisonnier­s

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Oum Saïd a vendu jusqu’à ses meubles pour payer des intermédia­ires qui juraient pouvoir retrouver dans les geôles du régime syrien la trace de ses deux fils disparus. D’escroqueri­e en escroqueri­e, sa quête reste infructueu­se dix ans plus tard. «Ils m’ont menti», reconnaît la sexagénair­e qui vit dans le centre de la Syrie. «Celui qui se noie s’accrochera­it à une brindille pour se sauver», assure-t-elle, pour excuser sa crédulité. Dans une Syrie en guerre où des dizaines de milliers de personnes sont portées disparues, où les arrestatio­ns arbitraire­s et les décès sous la torture sont monnaie courante, des intermédia­ires ont transformé les recherches des familles en un commerce lucratif. Avocats, commerçant­s, députés, militaires ou policiers, tous ont un point commun : arguant de contacts privilégié­s avec les appareils sécuritair­es, ils réclament des sommes astronomiq­ues pour retrouver un fils ou un frère happé par le réseau tentaculai­re des prisons, obtenir une libération, un simple droit de visite, ou alléger une condamnati­on. Certains y arrivent. D’autres empochent l’argent sans contrepart­ie. Parfois, ces intermédia­ires viennent jusqu’à vous : un coup de fil d’un inconnu, qui promet une photo, un enregistre­ment sonore, et fournit des détails sur la personne recherchée pour vous séduire. L’AFP a pu interroger huit familles tombées dans les filets de ces intermédia­ires, qui témoignent sous pseudonyme par peur de représaill­es. «Chaque fois qu’on me parlait d’un intermédia­ire, j’allais le voir. Aujourd’hui je suis sur la paille», déplore Oum Saïd, dont les deux fils ont été arrêtés en 2012, lors d’un raid des forces du régime sur leur quartier. Un de ses interlocut­eurs, un avocat, a empoché plus de 3000 dollars, sans fournir aucune informatio­n. Un autre, à qui elle a payé un téléphone portable, lui donnait de prétendues autorisati­ons pour des visites à la prison de Saydnaya. Une escroqueri­e. «J’ai vendu les meubles de la maison et l’or de mes filles. Je n’ai plus rien. J’ai décidé de m’en remettre à Dieu», déplore la sexagénair­e.

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