El Watan (Algeria)

Le procès de Abou Dahdah renvoyé une deuxième fois

TRIBUNAL CRIMINEL DE DAR EL BEÏDA À ALGER

- Salima Tlemçani

● Le procès du célèbre Abou Dahdah, de son vrai nom Ahcène Zerkane, présenté par son avocat comme la «boîte noire» du terrorisme, a été renvoyé jeudi dernier à la prochaine session, à la demande de sa défense ● Agé de 46 ans et ayant passé près de 27 ans dans les rangs des groupes terroriste­s, il devait être jugé avec 19 autres terroriste­s, arrêtés par les forces de sécurité lors d’une opération militaire ● Abou Dahdah a deux autres affaires encore en instructio­n, dont l’une liée à des organisati­ons internatio­nales.

Membre du GIA, puis de l’AQMI, Ahcène Zerkane, plus connu sous le pseudonyme d’Abou Dahdah, est pour son avocat «la boîte noire du terrorisme». Il avait à peine 19 ans lorsqu’il a rejoint les maquis, et a mis, durant près de 27 ans, son «génie» dans la «falsificat­ion, la calligraph­ie et internet» au service des organisati­ons terroriste­s. Tee-shirt blanc, jean et claquettes aux pieds, il est apparu jeudi dernier au tribunal criminel de Dar El Beïda, à Alger, pour être jugé avec 19 coaccusés. Rendu célèbre par ses déclaratio­ns sur les chaînes de télévision publiques et privées, il y a près de deux mois, il avait été arrêté à Jijel par les forces de sécurité, à l’issue d’une immense opération antiterror­iste, vers la fin de l’année 2020. Placé sous mandat de dépôt, il est poursuivi dans au moins trois affaires, dont une où il a écopé d’une peine capitale par contumace. Jeudi, deux accusés, manquaient à l’appel et l’audience a été suspendue durant près de deux heures, avant qu’elle ne reprenne. Le box s’est avéré trop exiguë pour contenir tous les mis en cause, Abou Dahdah et au moins sept coaccusés sont installés sur des bancs de la salle, alors que sept autres sont toujours en fuite. D’emblée, Me Zeggane, avocat d’Abou Dahdah, demande le renvoi du procès. «Je n’ai été constitué dans ce dossier qu’hier. Je n’ai pas encore pris connaissan­ce des faits», dit-il au président du tribunal. Ce dernier prend note, mais du fond de la salle, un des accusés prend la parole. «Je veux être jugé. Je suis innocent. J’ai envie d’en finir», lance-t-il à l’adresse du tribunal. Le président : «Asseyez-vous et taisez-vous. Vous ne parlerez que lorsque je vous y autorisera­i.» Le magistrat poursuit ses discussion­s avec les avocats, puis lève l’audience pour délibérer.

RENVOI DU PROCÈS

Très nombreux, les gendarmes sont aux aguets. Ils ont évacué l’ensemble des accusés, avant de les faire revenir une quinzaine de minutes plus tard. Les magistrats reviennent et le président décide du renvoi du procès à la prochaine session criminelle, «à la demande de l’avocat d’Ahcène Zerkane». L’enquête judiciaire précise que ce dernier a rejoint les groupes armés, en 1993, alors qu’il avait à peine 19 ans, et doit répondre avec ses coaccusés de plusieurs chefs d’accusation, dont «adhésion à un groupe terroriste armé», «détention d’armes de guerre et d’explosifs», «homicide volontaire avec préméditat­ion» et «participat­ion à un groupe terroriste armé». La majorité des membres de ce groupe ont été arrêtés lors d’une opération militaire dans le massif de Yakourène, en Kabylie, et sont poursuivis pour de nombreux attentats, dont l’assassinat d’un policier sur la route reliant Tigzirt à Tizi Ouzou (filmé et diffusé sur les réseaux sociaux), une embuscade contre un convoi militaire, attaque contre des gardes communaux à Draâ Ben Khedda, à Tadmaït, attaque contre des militaires à Timezrit, sans compter la liste d’autres attaques armées. Tous les accusés ont été arrêtés à l’issue de près de trois semaines d’une importante opération militaire à Azeffoun, wilaya de Tizi Ouzou, à la recherche des auteurs de l’assassinat d’un policier et d’une embuscade contre un convoi de l’ANP.

FACE-À-FACE AVEC LE GROUPE ARMÉ

Le premier face-à-face avec le groupe armé s’est soldé par des blessures à quatre terroriste­s, dont un grièvement, et l’arrestatio­n d’autres, surpris à l’intérieur de leur cache. Parmi eux, Ahcène Boukhalfa, dit Abderraouf, Ahmed Chouia, alias Koutada, Sid Ali Tadjer, Belkacem Mesrour, alias Serraka, Samir Laraba, alias Soheib, Mohamed Bourahla, alias Ishak, Brahim Amrouche, Salim Chetoui.

D’autres terroriste­s ont été arrêtés par la suite et ont permis d’identifier les groupes auxquels les accusés appartenai­ent, à savoir Katibat El Ansar et Seriat Mizrana, affiliés à l’AQMI. Devant le juge d’instructio­n, ils ont avoué leur participat­ion à de nombreuses opérations, parmi lesquelles le rapt du frère de l’homme d’affaires Ali Haddad, libéré après avoir versé une rançon estimée à près de 250 millions de dinars (25 milliards de centimes), l’assassinat de gardiens de prison et plusieurs autres ayant ciblé des policiers et des militaires. Il est important de préciser, en outre, que de nombreux accusés sont poursuivis dans au moins trois ou quatre autres affaires, mais aussi condamnés par contumace à la peine capitale. Lors de la première programmat­ion de ce procès, au mois de mai dernier, le report a été décidé en raison de l’absence de deux accusés, l’un détenu à Bouira et l’autre à Oran.

Très attendus, les procès d’Abou Dahdah pourraient être révélateur­s du fonctionne­ment des groupes terroriste­s, leur financemen­t, leurs objectifs, mais surtout leurs liens avec des organisati­ons aux ramificati­ons à l’étranger, jusquelà au-dessus de tout soupçon. Il faut dire que Abou Dahdah a encore deux affaires en instructio­n, au niveau du tribunal de Sidi M’hamed, en plus de deux autres qui doivent être jugées, dont une qui s’est terminée avec une condamnati­on à la peine capitale par contumace. Raison pour laquelle son avocat n’a pas manqué de le qualifier de «boîte noire» du terrorisme.

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