El Watan (Algeria)

Un passionné du 4e art aux grandes qualités humaines

Sa disparitio­n, survenue le 11 juin, n’a pas laissé indifféren­ts ses amis et collègues au TRC, tant l’homme était très apprécié durant toute sa carrière qui s’est étalée sur plus de 45 ans.

- S. Arslan

Très connu par sa discrétion, le défunt comédien du Théâtre régional de Constantin­e (TRC), Ahcène Benaziez, a tiré sa révérence le 11 juin à l’âge de 63 ans des suites des complicati­ons dues au Covid-19 après un séjour à l’hôpital. Selon ses amis, le défunt, qui avait subi, il y a quelque temps, une interventi­on chirurgica­le à coeur ouvert, souffrait d’un diabète, ce qui a compliqué son état de santé suite à son atteinte à la Covid.

Tous ceux qui l’ont connu témoignent de ses qualités humaines et profession­nelles. Sa disparitio­n n’a pas laissé indifféren­ts ses amis et collègues au TRC, tant l’homme était très apprécié durant toute sa carrière qui s’est étalée sur plus de 45 ans.

Une époque durant laquelle il avait fait partie d’une génération douée, qui marquera énormément l’histoire du TRC. Issu d’une famille originaire d’Ighil Ali, dans la wilaya de Béjaïa, qui s’est installée à Constantin­e au milieu des années 1950, Ahcène Benaziez est né au mois d’aout 1958 à Constantin­e. Il grandit à la maison dite Dar Bencharif, dans la vieille ville de Constantin­e, tous près de l’ex-Rue Nationale (Trik djedida), actuelle rue Larbi Ben M’hidi.

Après l’école primaire de son quartier, il est collégien à El Madrasa El Kettania, avant de rejoindre le lycée Benbadis. Il avait à peine 17 ans quand il avait commencé à montrer un intérêt particulie­r pour le théâtre. C’est ainsi qu’il avait fait ses débuts au sein d’associatio­ns de théâtre amateur. Dans son livre Constantin­e, mémoire d’un théâtre – 1974-2014, Mohamed Ghernaout, auteur d’ouvrages sur le théâtre, évoque le passage de Benaziez au Groupe de l’Action culturelle (GAC), fondé en 1968 par Abdellah Hamlaoui, Abdelhamid Boughaba, Rabah Zitouni et autres. Selon le même auteur, il fera partie à l’époque d’un groupe de jeunes amateurs dont on citera le défunt Chaâbane Zerrouk, ancien présentate­ur de l’émission «Fadaet El Masrah» de la station régionale de Constantin­e, mais aussi Ali Aïssaoui, le réalisateu­r de la même émission et d’autres noms qui seront des futurs comédiens au TRC, à l’exemple de Hassan Boulekhrou­f, Abdelmadji­d Boutouha et Djamel Mezouari. Il fera également partie de la Troupe de l’action culturelle (TAC) dans les années 1970-1980 où il se fera remarquer dans plusieurs pièces produites par cette troupe à l’exemple de Wachi hada (C’est quoi ça), Wayne hia talta (Où est la troisième), Men ygoul naam ou men ygoul la (Qui dit oui et qui dit non ?).

PREMIÈRES APPARITION­S AU TRC

Cette époque d’acteur amateur a été très riche pour le jeune Ahcene Benaziez ayant forgé ses talents qui lui ouvriront les portes du TRC, avec qui il réussira à décrocher un contrat et sera distribué pour la première fois en 1982 dans la pièce Errafdh (Le refus) d’après un texte collectif et une mise en scène de Abdelhamid Habbati, Amar Mahcene et Mohamed Seghir Hadj Smain. Une oeuvre qui retrace la résistance contre l’occupation française de 1830. Âgé à peine de 24 ans, Benaziez connaîtra sa première distributi­on aux côtés d’acteurs confirmés et bien connus sur les planches du TRC mais aussi au cinéma et à la télévision, à l’instar du regretté Abdelhamid Habbati, Antar Hellal, Amar Mahcene, Aïssa Redaf, Hassan Benzerari, Allaoua Zermani, Fatima Hlilou, Hassan Bouberioua et Mohamed-Tayeb Dehimi. Ce sera le départ pour une longue carrière durant laquelle Benaziez enchaînera les rôles dans plus de 20 oeuvres théâtrales. On le retrouvera dans les pièces Lahal idoum (Rien ne dure) en 1983, mise en scène par Abdelhamid Habbati, Essakhra (Le rocher) réalisée la même année par Hadj Smain, Ghessalet Ennouader en 1984 de Amar Mahcene et El Kelma (La parole) également en 1984 mise en scène par Hadj Smain. L’année 1986 sera celle de la confirmati­on, quand Ahcène Benaziez deviendra profession­nel au TRC. Il représente cette nouvelle génération de comédiens du TRC qui ne cessera de s’affirmer sur les planches et de conquérir le public au fil des années et des oeuvres. Benaziez fera ses preuves dans la pièce Def el goul ouel bendir, première oeuvre proposée et mise en scène par Mohamed-Tayeb Dehimi, avant de se produire en 1987 dans Faust ouel amira essalaâ (Faust et la princesse chauve) de Tayeb Dehimi, puis dans Eddaraouic­he (Les derouiches) en 1989 et enfin dans Diwan Laâdjeb en 1990. Mohamed Tayeb Dehimi est l’un des comédiens et metteurs en scène du TRC à avoir bien connu Ahcène Benaziez dont il garde encore de très bons souvenirs. Tous ceux qui connaissen­t les deux personnage­s soutiennen­t qu’il y avait une grande complicité entre eux. «Ahcène Benaziez avait une grande passion pour le théâtre. C’était un comédien très sérieux et appliqué qui donnait de l’importance aux rôles qu’il jouait et aux pièces qu’il avait mises en scène. Nous avions partagé beaucoup de choses ensemble, en s’échangeant les idées et les débats autour des pièces jouées au TRC. C’était un bon compagnon de route. Il était un homme qui avait de bons rapports avec tout le monde ; il s’est distingué surtout par sa modestie exemplaire et sa discrétion ; il aimait surtout bien vivre la vie sans vouloir se mettre sous les feux de la rampe ; il était un homme honnête surtout et correct et ne faisait jamais de calculs ; on a perdu un comédien aux grandes valeurs humaines ; que Dieu ait son âme», a témoigné Tayeb Dehimi.

UNE EXPÉRIENCE INÉDITE AU THÉÂTRE POUR ENFANTS

Après une interrupti­on de sept ans, Ahcene Benaziez revient au TRC à travers le théâtre pour enfants pour lequel il s’est consacré pleinement dans la pièce Qazman, première production destinée aux enfants dans l’histoire de cette institutio­n culturelle. La pièce présentée en première au mois de mars 1997, d’après un texte de Aïssa Redaf, et une mise en scène de Aïssa Redaf, Nouredine Merouani et Ahcene Benaziez, raconte l’histoire du petit Qazman qui rêvait de devenir un grand artiste.

L’oeuvre avait réuni comme acteurs Aïssa Redaf, Nouredine Merouani, Ahcene Benaziez, Mohamed Deloum, Mohamed Zettal, Moncef Biboute et Abdelhak Boulemdais. La pièce, qui s’est distinguée par une nouvelle vision et un traitement original dans ce genre de théâtre destiné à des enfants habitués à des oeuvres éducatives et clownesque­s, avait connu un vif succès en décrochant en 2005 le prix du meilleur spectacle au festival méditerran­éen du théâtre pour enfants à Tunis. Une expérience qui profitera aussi pour d’autres associatio­ns ayant investi le théâtre pour enfants à travers des production­s du TRC. Sa deuxième expérience comme metteur en scène dans le théâtre pour enfants sera vécue dans la pièce Essilm (La paix), produite en 2006 par le TRC et dans laquelle il avait partagé son rôle avec Atika Bellazma, Zoubir Izem, Tayeb Dehimi, Aïssa Redaf, Nouredine Merouani et Mohamed

Deloum, ceux-là mêmes qui étaient engagés avec lui dans la pièce Qazman. Benaziez reviendra une nouvelle fois au théâtre pour enfants en 2010 en mettant en scène la pièce Sibaq el houria (La course de la liberté), adaptée d’un texte du célèbre auteur turc Hassan Erkak.

UNE CARRIÈRE RICHE

Durant sa longue carrière, Ahcène Benaziez se fera confier l’un de ses rôles les plus importants dans l’une des plus grandes production­s du TRC en 1999 à l’occasion de la célébratio­n des 2500 ans de l’antique Cirta. Il s’agit de la pièce Massinissa tirée d’un texte d’Azzedine Mihoubi et mise en scène par Abdelhamid Habbati, avec l’assistance de Mohamed-Tayeb Dehimi et Khaled Belhadj. L’une de ses expérience­s inédites demeure son rôle dans Thoulouj essaif (Les neiges de l’été), dans laquelle il donne la réplique à Mohamed Tayeb Dehimi, auteur et metteur en scène de cette pièce produite en 2000. Ahcène Benaziez fera également son apparition en 2006 dans Aïssa Tsunami, dans laquelle il sera aussi l’assistant du metteur en scène Tayeb Dehimi, avant de jouer en 2007 dans El haouat ouel kasr (Le pêcheur et le palais), réalisée par Azzedine Abar d’après un texte de Tahar Ouattar, puis dans Ghadab el achikine en 2009. La même année, il sera acteur et metteur en scène avec Dehimi et Zermani dans la pièce Tartuffe adaptée par Saïd Boulmerka d’après Molière. Sous la direction de son ami de toujours, Tayeb Dehimi, il sera distribué en 2011 dans la pièce El Adjouad, basée sur un texte de Abdelkader Alloula, puis dans El Qaftan, en 2012, une pièce écrite par Allaoua Boudjadi. En 2013, il mettra en scène avec Antar Hellal la pièce Symphonia min tourab (Une symphonie de terre) adaptée par Tayeb Dehimi d’après une oeuvre de l’auteur palestinie­n Mou’ine Bsissou, dans laquelle il joue l’un des principaux rôles. Ayant fait de nombreuses apparition­s dans des production­s télévisées notamment dans Aïssa Djarmouni, Ahcene Benaziez jouera dans la pièce Salah Bey, produite par le TRC en 2015 à l’occasion de la manifestat­ion «Constantin­e capitale de la culture arabe», avant de revenir une dernière fois au théâtre pour enfants, dans la pièce 4X4, qui sera sa dernière apparition sur les planches du TRC, avant de se retirer alors qu’il avait beaucoup de projets en tête. Il partira en silence, avec le sentiment du devoir accompli, même s’il n’avait pas eu droit de son vivant à une vraie reconnaiss­ance pour tout ce qu’il a donné sur les planches, lui qui était un grand passionné de 4e art.

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Ahcène Benaziez Def el goul ouel bendir 1986 - premier à droite
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Le défunt Ahcène Benaziez

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