Retour sur un examen à revoir
● Insensé, excessif et démesuré ! C’est par ces mots que les Algériens sur les réseaux sociaux ont qualifié le dispositif «sécuritaire» déployé pour le bon déroulement de l’examen du baccalauréat.
Achevées ce jeudi, les épreuves du baccalauréat ont mis sous pression toute une population : les candidats et leurs parents à cause des sujets et 40 millions d’Algériens à cause des perturbations du débit internet. Malgré ce passage en zone blanche, 161 personnes ont été traduites en justice pour «fraude au bac».
Insensé, excessif et démesuré ! C’est par ces mots que les Algériens sur les réseaux sociaux ont qualifié le dispositif «sécuritaire» déployé pour le bon déroulement de l’examen du baccalauréat. Il ne s’agit pas de la présence policière, mais plutôt du dispositif draconien pour éviter la fraude. Des coupures d’internet durant toute la semaine dernière ont frustré plus d’un. Une mesure prise pourtant malgré les déclarations du président de la République quant à l’abandon de cette tradition adoptée depuis 5 ans. En plus de cet embargo technologique, des mesures ont été adoptées dans les centres d’examen. Interdiction de tout appareil connecté, fouille au corps et à l’aide de détecteur de métaux dès l’entrée au centre ont été de vigueur. Est-ce que la mission contre la fraude a été réussie ? A en croire les chiffres communiqués par le ministère de la Justice, la réponse serait négative. Le nombre d’individus poursuivis pour «fraude aux épreuves du baccalauréat, session juin 2021», a atteint, au niveau national, 161 prévenus, dont 64 ont été condamnés à des peines de 6 mois à 3 ans de prison ferme. «Les efforts des pouvoirs publics en matière de lutte contre la triche aux épreuves du baccalauréat depuis le début de l’examen à ce jeudi, dernier jour, se sont soldés par le lancement de poursuites judiciaires à l’encontre de 161 individus, dont 73 ont été placés en détention tandis que 9 autres ont été placés sous contrôle judiciaire», a indiqué un bilan du ministère avant de souligner que des peines d’emprisonnement ferme de 6 mois à 3 ans assorties d’amendes de 100 000 à 500 000 DA ont été prononcées à l’encontre de 64 d’entre eux. Les tricheurs ont été épinglés dans les wilayas de Tébessa, Ghardaïa, Sétif, Tissemsilt, Chlef, Béchar, Djelfa, Laghouat, M’sila, Guelma, Mila, Tipasa, Blida, Bouira, Mascara, Mostaganem, Boumerdès, Batna, Tlemcen, Béjaïa, El Oued, Jijel et Illizi. Ils sont accusés de diffusion de sujets d’examen et de corrigés types du bac par le biais de moyens de communication à distance, à savoir les réseaux sociaux. «La triche est devenue un sport national et un problème sociétal. Nos élèves trichent, car ils subissent un stress énorme durant cinq longs jours. Le Satef n’as pas cessé de revendiquer une refonte radicale du système éducatif et, par voie de conséquence, la réorganisation de tous les examens officiels. Nous avons travaillé durant toute une année (2015-2016) sur la réorganisation du baccalauréat et, malheureusement, nos propositions ont été jetées à la poubelle par l’ex-Premier ministre, Abdelmalek Sellal», déclare Boualem Amoura, secrétaire général du Syndicat autonome des travailleurs de l’éducation et de la formation (Satef).
Selon lui, les sujets sont basés sur la mémorisation obligeant les élèves à se défaire de leur intelligence et surtout à pratiquer la paresse. «Il faut revoir la conception de nos sujets d’examen et supprimer définitivement les sujets au choix. Pour les sanctions contre les tricheurs, le Satef n’a jamais encouragé l’emprisonnement d’adolescents, et leur place n’est pas en prison ! Le Satef est contre l’impunité, mais nous sommes pour une radiation à vie de ces tricheurs et c’est déjà une sanction extrême ! Nous demandons aux pouvoirs publics de les libérer et de les bannir à vie de l’examen du baccalauréat. Pour ce qui est des gens en dehors du milieu scolaire, qui publient des sujets, nous sommes pour leur emprisonnement, car c’est un acte de sabotage», ajoute-t-il. Un avis partagé par Meziane Meriane, coordinateur national du Syndicat des professeurs de l’enseignement secondaire et technique (Snapeste). Pour lui, la prison pour des enfants est inacceptable. Ce n’est pas le cas pour les personnes externes qui méritent toutes les sanctions possibles. Sinon pour les candidats, il y a un règlement de l’Office national des examens et concours (ONEC) que nous devrions appliquer. Il s’agit de la suspension de 5 ans. Nous pourrons aller vers 10 ans tout au plus, mais jamais la prison pour des enfants, notamment que la racine du problème est ailleurs. «L’enfant algérien évolue dans un environnement de triche. En attendant de s’attaquer à la racine du mal, la réforme du baccalauréat s’impose comme une urgence. Avec des questions d’intelligence, nous pourrons diminuer les risques de la triche de plus de 50% sans avoir à couper internet, étant donné que Google ne peut pas donner les réponses», atteste-t-il.
Il est à rappeler que le projet de réforme du baccalauréat adopté au temps de l’ex-ministre Nouria Benghebrit a fini par être mis aux oubliettes. Il devait entrer en vigueur pour la session 20192020. Pour le moment, plus de 731 000 candidats continuent à passer cet examen dans les conditions les plus traditionnelles et surtout stressantes possibles.