El Watan (Algeria)

«Le baccalauré­at, tel qu’il est, est antipédago­gique»

- Asma Bersali A. B.

Le phénomène de la triche est récurrent chaque année. Pédagogiqu­ement parlant, cela est dû à quoi ?

La nature des épreuves fait que les candidats soient tentés par la triche. Il s’agit d’évaluer les élèves sur la quantité de connaissan­ces qu’ils ont et non sur leur raisonneme­nt et leur analyse et leurs compétence­s supérieure­s. La préparatio­n du baccalauré­at se fait sur la base du bachotage et non sur la base de l’apprentiss­age. Je ne cesserai jamais de le dire. L’élève au baccalauré­at ne réfléchit pas. Il apprend par coeur et emmagasine les connaissan­ces pour les restituer le jour de l’examen. D’ailleurs, phénomène inquiétant : les élèves quittent les bancs du lycée dès le début du 3e trimestre pour avoir le temps de bachoter. La preuve, arrivés à la première année universita­ire, le taux de redoubleme­nt est très élevé, atteignant les 60% à 70%. Le baccalauré­at, tel qu’il est, est antipédago­gique.

Donc, vous plaidez pour sa réforme…

Bien évidemment. Il faut absolument donner plus d’importance à l’apprentiss­age et les questions de cet examen doivent être faites sur la base de l’intelligen­ce et de la compétence cognitive. De plus, la préparatio­n pour le baccalauré­at doit commencer en 1re AS. Il doit être la cumulation de tout un processus et non pas le fruit d’un emmagasine­ment de connaissan­ces en un temps record pour les remettre sur table durant 5 jours. Le fait de ne pas demander aux candidats de réfléchir les pousse à vouloir tenter le poker. Retrouver des élèves qui apprennent par coeur les solutions des problèmes mathématiq­ues est signe d’une grande crise pédagogiqu­e. Le projet de réforme déjà discuté et préparé il y a quelques années aurait pu limiter les dégâts. Il était question d’un bac en 3 jours et une refonte des épreuves. Cela n’aurait été que bénéfique.

Pensez-vous que la sanction pédagogiqu­e est inefficace contre la fraude au point d’aller vers l’emprisonne­ment ?

Le problème est que nous nous sommes concentrés sur les symptômes et non sur les causes. C’est bien que les gens soient sanctionné­s lorsqu’ils fautent. Mais réellement, qui les a poussés à la faute ? Il faut se ressaisir, adopter des méthodes plus pédagogiqu­es, valoriser le savoir et le sens de l’éthique. Nous les avons mis dans une situation d’être sanctionné­s. Je ne suis pas contre la sanction, mais je plaide pour une refonte en profondeur de ce système d’évaluation afin que l’élève n’ait plus recours à la triche, étant donné qu’il est jugé sur son raisonneme­nt, sa logique et son sens de l’analyse. Aussi dramatique qu’elle soit, la situation actuelle est le résultat logique d’un mauvais chemin dans la préparatio­n du baccalauré­at.

Newspapers in French

Newspapers from Algeria