«Le baccalauréat, tel qu’il est, est antipédagogique»
Le phénomène de la triche est récurrent chaque année. Pédagogiquement parlant, cela est dû à quoi ?
La nature des épreuves fait que les candidats soient tentés par la triche. Il s’agit d’évaluer les élèves sur la quantité de connaissances qu’ils ont et non sur leur raisonnement et leur analyse et leurs compétences supérieures. La préparation du baccalauréat se fait sur la base du bachotage et non sur la base de l’apprentissage. Je ne cesserai jamais de le dire. L’élève au baccalauréat ne réfléchit pas. Il apprend par coeur et emmagasine les connaissances pour les restituer le jour de l’examen. D’ailleurs, phénomène inquiétant : les élèves quittent les bancs du lycée dès le début du 3e trimestre pour avoir le temps de bachoter. La preuve, arrivés à la première année universitaire, le taux de redoublement est très élevé, atteignant les 60% à 70%. Le baccalauréat, tel qu’il est, est antipédagogique.
Donc, vous plaidez pour sa réforme…
Bien évidemment. Il faut absolument donner plus d’importance à l’apprentissage et les questions de cet examen doivent être faites sur la base de l’intelligence et de la compétence cognitive. De plus, la préparation pour le baccalauréat doit commencer en 1re AS. Il doit être la cumulation de tout un processus et non pas le fruit d’un emmagasinement de connaissances en un temps record pour les remettre sur table durant 5 jours. Le fait de ne pas demander aux candidats de réfléchir les pousse à vouloir tenter le poker. Retrouver des élèves qui apprennent par coeur les solutions des problèmes mathématiques est signe d’une grande crise pédagogique. Le projet de réforme déjà discuté et préparé il y a quelques années aurait pu limiter les dégâts. Il était question d’un bac en 3 jours et une refonte des épreuves. Cela n’aurait été que bénéfique.
Pensez-vous que la sanction pédagogique est inefficace contre la fraude au point d’aller vers l’emprisonnement ?
Le problème est que nous nous sommes concentrés sur les symptômes et non sur les causes. C’est bien que les gens soient sanctionnés lorsqu’ils fautent. Mais réellement, qui les a poussés à la faute ? Il faut se ressaisir, adopter des méthodes plus pédagogiques, valoriser le savoir et le sens de l’éthique. Nous les avons mis dans une situation d’être sanctionnés. Je ne suis pas contre la sanction, mais je plaide pour une refonte en profondeur de ce système d’évaluation afin que l’élève n’ait plus recours à la triche, étant donné qu’il est jugé sur son raisonnement, sa logique et son sens de l’analyse. Aussi dramatique qu’elle soit, la situation actuelle est le résultat logique d’un mauvais chemin dans la préparation du baccalauréat.