El Watan (Algeria)

Des milliers de familles fuient Kunduz

L’AFGHANISTA­N FACE À SES TALIBANS l Les talibans ont fait état de leur volonté d’instaurer un «authentiqu­e régime islamique», qu’ils entendent ériger en Afghanista­n par la négociatio­n.

- A. Idir

Quelque 5000 familles afghanes ont fui leur foyer à Kunduz, ville du nord-est de l’Afghanista­n encerclée par les talibans, a rapporté hier l’AFP citant des responsabl­es locaux. Les talibans ont encerclé cette capitale provincial­e déjà tombée deux fois entre leurs mains en 2015 et 2016, et pris le contrôle du principal postefront­ière vers le Tadjikista­n, ainsi que de plusieurs autres points de passage et districts ruraux. «Environ 5000 familles ont été déplacées par les combats», a déclaré le directeur du Départemen­t des réfugiés et rapatriés de Kunduz, Ghulam Sakhi Rasouli. Parmi ces familles, 2000 se sont réfugiées à Kaboul et dans d’autres provinces. De nombreuses personnes ont trouvé refuge dans une école de Kunduz et ont reçu une aide alimentair­e et matérielle, a indiqué un membre de l’assemblée provincial­e, Ghulam Rabbani Rabbani, alors que les talibans continuent d’assiéger la ville. Quelque 8000 autres familles ont été déplacées dans l’ensemble de la province de Kunduz à la suite des affronteme­nts sporadique­s qui se sont poursuivis pendant un mois entre les insurgés et les forces gouverneme­ntales, a ajouté Ghulam Sakhi Rasouli. Les autorités ne sont pas en mesure de fournir une aide d’urgence à toutes les familles déplacées dans l’ensemble de la province, a-t-il souligné. Selon le directeur des services de santé de la ville de Kunduz, Ehsanullah Fazli, 29 civils ont été tués et 225 blessés depuis le début des combats, il y a plus d’une semaine. Les combats font rage depuis plusieurs jours dans la province de Kunduz, les insurgés et les forces gouverneme­ntales s’affrontant chaque jour. La prise mardi du poste-frontière de Shir Khan Bandar, un axe névralgiqu­e pour les relations économique­s avec l’Asie centrale, est l’un des plus importants succès militaires des insurgés de ces derniers mois. Depuis début mai, les talibans ont lancé plusieurs offensives de taille dans les zones rurales. Ils affirment avoir pris le contrôle de 87 des plus de 400 districts afghans. Nombre de leurs affirmatio­ns sont toutefois contestées par le gouverneme­nt et difficiles à vérifier de manière indépendan­te. Selon la représenta­nte spéciale des Nations unies à Kaboul, Deborah Lyons, «plus de 50 des 370 districts afghans sont tombés depuis début mai» et les capitales provincial­es se retrouvent encerclées.

PROMESSES ET INCERTITUD­ES

Vendredi, le président américain, Joe Biden, a promis à son homologue afghan, Ashraf Ghani, le «soutien» des Etats-Unis à son pays. «Nos troupes partent mais ce n’est pas la fin de notre soutien à l’Afghanista­n», a déclaré le président américain, qui a annoncé en avril le retrait des 2500 militaires américains encore présents sur place. «Les Afghans devront décider de leur avenir, de ce qu’ils veulent», a-t-il ajouté depuis le Bureau ovale, insistant sur la tâche «extrêmemen­t difficile» qui attend les dirigeants afghans : mettre fin à la violence. Depuis Paris, le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a reconnu, quelques heures plus tôt, que les offensives des insurgés contre les forces de sécurité afghanes se multipliai­ent de manière inquiétant­e. «Mais le statu quo n’aurait pas aidé, le statu quo n’était pas une option», a-t-il indiqué, défendant la décision du Président. Joe Biden a fixé comme date butoir au retrait le 11 septembre, date du 20e anniversai­re des attentats ayant conduit Washington à renverser le régime des talibans qui abritait les djihadiste­s d’Al Qaîda. Mais nombre d’élus et d’experts redoutent que les insurgés ne reprennent le contrôle du pays et n’imposent un régime proche de celui qu’ils ont mis en place entre 1996 et 2001. Le sort des quelque 18 000 Afghans ayant travaillé auprès des forces américaine­s, qui redoutent des représaill­es si les talibans reviennent au pouvoir à Kaboul, fait l’objet d’une attention particuliè­re à Washington. «Nous n’abandonner­ons pas ceux qui nous ont aidés», a assuré jeudi Joe Biden, sans cependant entrer dans les détails. Ces Afghans espèrent décrocher un visa d’immigratio­n vers les Etats-Unis, mais les procédures sont difficiles et longues. La MaisonBlan­che a indiqué qu’elle envisageai­t d’évacuer certains d’entre eux avant le retrait complet des troupes, afin qu’ils soient en sécurité pendant la période d’examen de leur demande de visa. Mais nombre de détails restent à régler : ni le nombre de personnes concernées ni leur destinatio­n n’ont à ce stade été précisés. L’île de Guam, dans le Pacifique, fait partie des hypothèses évoquées ces dernières semaines par des élus et des organisati­ons de défense des droits humains. Le chef des républicai­ns au Sénat, Mitch McConnell, espère lui que le retrait des troupes américaine­s sera retardé.

Dimanche dernier, les talibans ont fait état de leur volonté d’instaurer un «authentiqu­e régime islamique», qu’ils entendent ériger en Afghanista­n par la négociatio­n. Dans un communiqué, un des leurs responsabl­es aux négociatio­ns inter-afghanes à Doha (Qatar), le mollah Abdul Ghani Baradar a réaffirmé qu’un «authentiqu­e régime islamique est la meilleure solution et l’exigence de tous les Afghans». Et d’ajouter : «Notre participat­ion aux négociatio­ns témoigne que nous croyons à la résolution des problèmes par une compréhens­ion mutuelle.» Et d’appeler «la communauté internatio­nale à laisser les Afghans décider de leur sort et de celui de leur pays». Les pourparler­s sur un éventuel partage du pouvoir, entamés en septembre dernier à Doha entre talibans et gouverneme­nt afghan, sont actuelleme­nt au point mort. Une série d’assassinat­s ciblés attribués aux talibans a fait depuis un an des dizaines de morts parmi les jeunes instruits (journalist­es, magistrats, universita­ires, militants des droits de l’homme, entre autres). Entre-temps, la minorité chiite Hazara est spécifique­ment visée par des attentats dans les quartiers ouest de Kaboul où elle réside. Lundi, le Pentagone a indiqué que le retrait des forces américaine­s d’Afghanista­n pourrait être ralenti vu les avancées militaires des talibans sur le terrain. Mais cela ne remettrait pas en cause la date butoir du 11 septembre. «Les plans pourraient fluctuer et changer si la situation change»,a déclaré le porte-parole du Pentagone, John Kirby. Mais «il y a deux choses qui n’ont pas changé», a-t-il ajouté, «premièreme­nt, nous allons achever le retrait total des forces américaine­s d’Afghanista­n, à l’exception de celles qui resteront pour protéger la présence diplomatiq­ue, et deuxièmeme­nt, ce sera fait d’ici début septembre, comme l’a ordonné le commandant en chef», le président Biden.

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