Ode au compositeur thèque Martinů
A l’occasion du 40e anniversaire de la Fête de la musique, la médiathèque de l’Institut français à Alger accueille une exposition intéressante consacrée à un grand nom de la musique classique tchèque et universelle, le compositeur Bohuslav Martin (1890-1959). C’est une rétrospective intitulée «Le phénomène Martinu». Elle a été inaugurée le mercredi 24 juin et se poursuivra jusqu’au 7 juillet.
Cette exposition est un hommage à un compositeur au parcours exceptionnel de l’histoire de la musique savante universelle. Elle a été étrennée par Mme Lenka Pokorna, ambassadrice de la République tchèque en Algérie et M. François Gouyette, ambassadeur de la République française en Algérie, en présence de convives de marque. Elle offrira au visiteur un vaste choix de photographies portant sur les domaines de la musique, des arts plastiques et du théâtre. C’est une collection comportant 20 panneaux s’articulant autour de la vie mouvementée du compositeur, son oeuvre phénoménale, d’une part, sa réflexion scénographique, ses réalisations scéniques et une vision comparative entre passé et présent, d’autre part. «Cet événement, intitulé ‘‘Le phénomène Martinu’’ que l’Institut français d’Alger abrite, tient à rendre hommage à cet illustre compositeur né tchèque, Bohuslav Martin (1890–1959) qui a baigné dans le folklore de son pays. Il étudiera en France et épousera même une Française. Il s’exilera aux Etats-Unis, puis retournera en Europe, il séjournera en Suisse, en Italie…», présentera Mme Lenka Pokorna, ambassadrice de la République tchèque en Algérie.
«C’EST UN GÉNIE SAUVAGE»
M. François Gouyette, ambassadeur de la République française en Algérie, brossera un portrait musical de Bohuslav Martin avec maints détails pour ne pas dire avec une érudition mélomane infaillible : «Bohuslav Martin est considéré comme le quatrième grand compositeur tchèque de musique classique. C’est un génie sauvage et rebelle. Il était le reflet des vicissitudes de son pays, un éternel exilé. Il menait une vie de bohème. Un autodidacte abondamment marqué par la découverte de Debussy. Il a été le disciple d’Albert Roussel. Il mit de l’ordre dans l’imaginaire de son pays. Avec une autre découverte, celle de Stravinsky. Son séjour en France dura 17 ans. Il s’était même marié à une Française. Il figurait sur la liste noire des nazis. Sa musique fut interdite, ses partitions égarées puis récupérées. Il s’exilera 12 ans aux Etats-Unis à partir de 1941. La ville de New York était une source s’inspiration pour son art…Il puisa dans le folklore de son pays avec élégance et concision. Bohuslav Martin chantait la joie. Ses oeuvres se terminent avec une note d’espoir…». Une projection d’un extrait d’un concert de chambre interprétant une oeuvre de Bohuslav Martin et une séquence du Ballet «Špalícek».
«L’ORDRE, LA CLARTÉ, LA MESURE, LE GOÛT»
Bohuslav Martin est un compositeur tchèque, naturalisé américain, né à Policka en Bohême le 8 décembre 1890 et mort à Liestal en Suisse le 28 août 1959. Son père est le sonneur de cloches de Policka. Enfant prodige du violon, il est admis au Conservatoire de Prague, mais très rêveur, il se fait renvoyer au bout de deux ans. Il s’inscrit alors dans la classe d’orgue d’où il est également renvoyé, alors qu’il produit ses premières compositions. Il poursuivra donc son chemin en autodidacte. En 1920, il entre comme second violon au tout nouvel Orchestre philharmonique tchèque. Il y découvre le grand répertoire et la musique française contemporaine, notamment Achille Claude Debussy, Maurice Ravel et Albert Roussel. En 1923, il obtient une bourse pour étudier à Paris ; il choisit Roussel comme professeur : «Ce que je suis venu chercher chez lui, devait-il déclarer, c’était l’ordre, la clarté, la mesure, le goût et l’expression directe, exacte et sensible, les qualités de l’art français que j’ai toujours admirées.» Il comptait passer quelques semaines à Paris, il y demeurera dix-sept ans. Dans les années 30, les nazis décrètent ses oeuvres dégénérées et les interdisent partout où ils sont au pouvoir. Quand ils investissent Paris, Martinu se réfugie en zone libre puis émigre aux Etats-Unis en 1941. Au début des années 1950, il pense revenir en Tchécoslovaquie, mais échoue et s’installe dans le sud de la France et en Suisse où il mourra. Il est le quatrième grand nom de la musique tchèque après Bedrich Smetana, Antonin Dvorak et Leoš Janàcek mais, contrairement à eux, c’est vers la France qu’il s’est tourné : il fait partie de ce qu’il est convenu d’appeler l’Ecole de Paris avec notamment le Roumain Marcel Mihalovici, le Polonais Alexandre Tansman ou le Russe Alexandre Tcherepnine. Son oeuvre, riche de près de 400 numéros, reflète diverses influences : le folklore tchéco-morave, la révolution debussyste, le contrepoint chantant du madrigal anglais de la Renaissance et surtout le concerto grosso de l’époque baroque, qui lui a inspiré une trentaine de concertos. On peut citer par exemple son Double concerto pour cordes, piano et timbales (1938) proposé en introduction musicale (écouter un autre extrait). De la violence rythmique et polytonale de ses premières oeuvres, il passe progressivement au lyrisme plus ample et plus détendu de la période américaine, puis au néo-impressionnisme empreint de liberté de ses ultimes années. Citons notamment les Fresques de Piero della Francesca (1955 : écouter le début). Il a aussi écrit une douzaine d’opéras, six symphonies, et beaucoup de musique de chambre.