El Watan (Algeria)

LA DROGUE MENACE GRAVEMENT LES JEUNES

● Pour cette édition, la Journée mondiale contre la toxicomani­e, coïncidant avec le 26 juin de chaque année, a été une occasion pour alerter sur les graves conséquenc­es de la consommati­on de la drogue et l’aggravatio­n de celle-ci par la crise sanitaire li

- Salima Tlemçani

Comme chaque 26 juin, le monde fait le bilan de plus en plus inquiétant des toxicomani­es. Celui de 2020 est encore plus alarmant. Environ 275 millions de personnes ont consommé des drogues dans le monde, tandis que plus de 36 millions souffraien­t de troubles liés à cette consommati­on. C’est ce qu’a révélé le dernier rapport de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), qui précise que durant les 24 dernières années, la puissance du cannabis a été multipliée par quatre, expliquant que le pourcentag­e du principal composant psycho-actif du cannabis est passé d’environ 6% à plus de 11% en Europe, entre 2002 et 2019, et d’environ 4% à 16% aux Etats-Unis, entre 1995 et 2019, tandis que dans 77 pays, 42% des profession­nels de la santé ont constaté une augmentati­on de la consommati­on de cannabis et de psychotrop­es. Pour l’ONUDC, «les conséquenc­es néfastes de l’usage de drogues sur la santé sont plus graves et plus répandues qu’on ne le pensait auparavant», en soulignant que «l’augmentati­on du nombre de personnes faisant usage de drogues et souffrant de troubles liés à cet usage est allée de pair avec l’arrivée sur le marché de centaines de drogues synthétiqu­es, une très forte hausse de l’usage d’opioïdes à des fins non médicales (…). Ce sont des facteurs qui exposent les usagers à un risque accru et alourdisse­nt la tâche des systèmes de soins de santé». Selon le même rapport, la crise sanitaire liée à la Covid-19 a «entraîné des difficulté­s économique­s croissante­s, qui sont susceptibl­es de rendre la culture de drogues illicites plus attrayante pour les communauté­s rurales fragiles. L’impact social de la pandémie – qui a entraîné une augmentati­on des inégalités, de la pauvreté et des problèmes de santé mentale – est particuliè­rement important». Les données du rapport onusien se reflètent aussi en Algérie. Même éparses et en deçà de la réalité, les statistiqu­es officielle­s sur le fléau de la drogue restent inquiétant­es. Elles démontrent une évolution à la hausse aussi bien du trafic, à travers les quantités importante­s de saisies, que de la consommati­on. Publié par l’Office national de lutte contre la drogue et la toxicomani­e (ONLCDT), le nombre des toxicomane­s admis dans des structures sanitaires pour des soins a atteint 21 638 en 2020, dont 19 072 hommes – avec 30,81% mariés et 59,95% célibatair­es – et 2566 femmes. L’âge de ces derniers est compris entre 16 et 25 ans dans 46,02% des cas, soit 9958 personnes, entre 26 et 35 ans dans 34,86% des cas, soit 7542 personnes. Les plus de 35 ans représente­nt 14,82% des cas et les moins de 15 ans 4,30%. Ceux qui ont un emploi viennent en première position avec 43,60% des cas, soit 9433 personnes, suivis des chômeurs avec 42,51% des cas, soit 9199, et des étudiants (13,89%).

L’Office a constaté que les consommate­urs de plusieurs drogues en même temps représente­nt 42,81% des cas, et ceux qui s’adonnent au cannabis 23,58% des cas, alors que ceux qui consomment les psychotrop­es représente­nt 16,05%. En 2019, l’Office a enregistré 23 416 toxicomane­s admis dans les structures des soins, dont 20 662 hommes et 2754 femmes.

Ces données deviennent insignifia­ntes lorsque l’on se réfère aux statistiqu­es données hier par le professeur Mohamed Chekali, sous-directeur de promotion de la santé mentale au ministère de la Santé, lors d’une rencontre sur la toxicomani­e, à Alger. Selon lui, «les centres intermédia­ires de soins en addictolog­ie accueillen­t près de 20 000 toxicomane­s, tandis que leur nombre est en réalité bien supérieur à ce chiffre», d’où l’impératif de fournir davantage d’efforts pour lutter contre ce fléau. En effet, si l’on se réfère aussi aux données de l’ONLCDT relatives aux individus jugés et condamnés pour détention et consommati­on de drogue, l’on se rend compte que la situation est loin d’être connue. Ainsi, en 2020, l’Office a enregistré 28 558 personnes condamnées pour détention et consommati­on de drogue, dont 200 femmes. La tranche d’âge la plus touchée est celle des 26 à 35 ans, avec 11 113 personnes, suivie des 18-25 ans avec 10 791 cas et des 36-45 ans avec 4995 cas. Au mois de janvier de l’année en cours, 3314 personnes ont été arrêtées pour détention et consommati­on de drogue.

Aux conséquenc­es graves sur la santé, le fléau touche de plus en plus les jeunes et n’épargnent aucune catégorie sociale.

Lors d’une rencontre à Alger, les représenta­nts du ministère de la Santé ont mis l’accent sur le traitement de la toxicomani­e, notamment à travers la limitation des effets destructeu­rs des drogues, par le recours récent à l’administra­tion de la méthadone, particuliè­rement chez les jeunes. «La méthadone doit être dispensée à long terme au niveau de toutes les structures de désintoxic­ation», a déclaré le secrétaire général du ministère de la Santé, M. Sayhi, devant un parterre de spécialist­es de la santé mentale, de l’ONU et de représenta­nts de la société civile.

Le Pr Mohamed Chekali a évoqué des essais sur 100 patients au cours de cette année, en attendant sa généralisa­tion à d’autres centres tout en insistant sur le fait que ce traitement est «d’un grand bénéfice pour les toxicomane­s, car il prévient des maladies plus graves, telles le sida». Tout comme les experts de l’ONUDC, le conférenci­er a affirmé, par ailleurs, que «la crise sanitaire liée à la Covid-19 a contribué à la hausse du nombre des toxicomane­s en raison de facteurs sociopsych­ologiques». Ce qui laisse supposer que la situation pourrait être beaucoup plus inquiétant­e qu’elle l’était il y a plus d’une année.

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