MANQUE D’AMBITION ET DE FINANCEMENT
Dix mois après la conférence nationale sur le plan de relance socioéconomique, place à l’évaluation et à l’actualisation des mesures arrêtées dans ledit plan qui, faut-il le rappeler, avait suscité au lendemain de son annonce moult interrogations sur le mode d’emploi et sa faisabilité du point de vue financier.
Dix mois après la conférence nationale sur le plan de relance socioéconomique, place à l’évaluation et à l’actualisation des mesures arrêtées dans ledit plan qui, faut-il le rappeler, avait suscité au lendemain de son annonce moult interrogations sur le mode d’emploi et la faisabilité du point de vue financier. Mais surtout sur les enjeux du programme, notamment en ce qui concerne l’équilibre entre les mesures d’urgence liées à la prise en charge de l’impact de la crise sanitaire et les actions à moyen terme.
Tel qu’élaboré initialement, le document soumis au débat lors de la conférence d’août 2020 contenait des mesures urgentes prévues avant la fin de l’année 2020 et d’autres à court terme (2021). L’objectif étant de réduire à 20% la contribution du secteur des hydrocarbures dans l’économie nationale. Parallèlement, pour le moyen terme, la mise en oeuvre devrait intervenir durant la période de 2022-2024. Mais la réalisation de tous les points arrêtés dépend de plusieurs autres, c’est-à-dire, comme expliqué dans le communiqué rendu public à l’issue de la conférence, les priorités, les coûts nécessaires, les incidences, les acquis, les risques et les difficultés. Cela était prévisible. Les experts et les observateurs de la scène économique nationale ont d’ailleurs affiché un certain scepticisme quant à la réussite d’un tel plan et au respect des délais de réalisation. C’est ce qu’un rapport du Conseil national économique social et environnemental a confirmé récemment (mi-juin) dans un rapport d’évaluation remis au chef de l’Etat. Un total de 279 actions inscrites dans les recommandations de la conférence a été réalisé sur l’ensemble des 755 préconisées. L’on compte au total 279 actions achevées (37%), 165 en cours de réalisation (22%), 73 en attente de lancement (10%) et 161 (21%) en retard d’aboutissement. Le rapport note, par ailleurs, que 31% des actions répertoriées sont considérées comme des actions à court terme impliquant une mise en oeuvre allant jusqu’au 31 décembre 2021. Justement, pour ces actions qualifiées d’urgentes, «seulement 47% ont été achevées, alors que 40% d’entre elles sont en cours de réalisation». Si certains secteurs, comme l’industrie pharmaceutique, ont mené à bon port les mesures d’urgence, ce n’est pas le cas pour d’autres qui sont à moins de 50% du taux de réalisation. C’est le cas du ministère du Commerce (48%), celui de l’Agriculture et du Développement rural (44%), des Postes et des Télécommunications (32%), le département des Travaux publics et des Transports (27%), le ministère de l’Industrie (23%), celui des Ressources en eau (17%), et enfin le ministère des Finances (10%). Ce qui montre l’ampleur du travail qui reste à faire au niveau de ces secteurs qui accumulent déjà d’énormes retards et qui ont été fortement impactés par la crise pour laquelle l’Etat a alloué des dotations budgétaires, pour l’exercice 2021, de près de 530 milliards DA. A titre illustratif, une enquête du Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (CREAD) a conclu que les entreprises algériennes (sondées) ont perdu en moyenne 50% de leurs Chiffres d’affaires (CA) en 2020 à cause de la pandémie, dont une majorité de PME. Par secteur, ceux des services et de la manufacture ont été les plus touchés. Le transport de marchandises a connu par ailleurs une perte de 90% du CA en 2020, suivi des services et du secteur de l’industrie agroalimentaire.
L’ESPOIR D’UN REDÉMARRAGE
En dépit de ces maigres résultats de la première phase du plan d’action du gouvernement, le ministère des Finances table sur une reprise progressive de l’activité économique cette année. Affichant de l’«optimisme», il prévoit un rattrapage des pertes subies en 2020 allant jusqu’à parler d’une «atténuation des déséquilibres des comptes de l’Etat». La reprise de l’activité économique en Algérie est reflétée, d’après le ministère, par le niveau des recouvrements fiscaux effectués par l’administration des impôts par une hausse de 9,5% à 807,65 milliards de DA à fin avril 2021 par rapport à la même période de 2020 (737,69 milliards DA).
D’un autre côté, les crédits à l’économie alloués uniquement par les banques publiques ont atteint, à fin mars 2021, un encours de plus de 9711 milliards DA (en hausse de 67 milliards DA par rapport à fin décembre 2020), dont 4087 milliards alloués au secteur privé. La part des crédits d’investissement représente 75% du total des crédits accordés par les banques publiques, avec une évolution de 5 mds DA, selon un bilan du ministère des Finances rendu public récemment sur situation économique et sociale du pays durant les 5 premiers mois de l’année. Concernant les crédits d’exploitation, ils ont enregistré une hausse de 64 milliards DA. «L’année 2021 devra être consacrée à la stabilisation des fondamentaux de notre économie, à travers un retour progressif de l’activité économique à des niveaux permettant le rattrapage des pertes subies en 2020 et une atténuation des déséquilibres internes et externes des comptes de l’Etat», indique ledit document. Pour la même source, cette performance s’explique par des signes fondamentaux d’une reprise de l’économie mondiale en relation avec le reflux de la pandémie. Ainsi, la croissance économique de l’Algérie devrait se situer, selon le ministère des Finances, à +4,2% en 2021, alors que la croissance du secteur des hydrocarbures devrait grimper à 10,1%. La croissance hors hydrocarbures se situerait à +3,2%. Mais ces estimations restent dépendantes de l’évolution de la crise sanitaire. Quel que soit le scénario, la croissance reste tirée par les hydrocarbures. Pour rappel, en 2019, la part de l’industrie dans la valeur ajoutée nationale n’a été que de 6,2% contre 21,21% pour le secteur des hydrocarbures. A rappeler aussi que sur les 19 secteurs d’activité définis par l’ONS, 86% de la valeur ajoutée en 2019 a été réalisée dans cinq secteurs : les hydrocarbures, l’agriculture, le commerce, le BTPH, les transports et communications.