El Watan (Algeria)

LA CRÉATION D’UNE AGENCE NATIONALE ANNONCE-T-ELLE LA LEVÉE DU BLOCAGE ?

L Une nouvelle page semble s’ouvrir dans le règlement du dossier des essais nucléaires français en Algérie avec la publicatio­n au du décret exécutif n° 21-243 correspond­ant au 31 mai 2021 portant «création, organisati­on et fonctionne­ment de l’agence natio

- Nadjia Bouzeghran­e

L’agence nationale visée par le décret n° 21-243 dont le siège est à Alger a pour objet «la mise en oeuvre des programmes de réhabilita­tion des anciens sites d’essais et d’explosions nucléaires français dans le Sud algérien».

Placée sous la tutelle du ministre de l’Energie, l’agence est «un établissem­ent public à caractère industriel et commercial, doté de la personnali­té morale et de l’autonomie financière». Elle est «régie par les règles applicable­s à l’administra­tion dans ses relations avec l’Etat et est réputée commerçant­e dans ses relations avec les tiers», selon l’article 2 du décret publié au dernier Journal officiel.

Elle est administré­e par un conseil d’administra­tion et dirigée par un directeur général. Ce même conseil d’administra­tion est présidé par le représenta­nt du ministre chargé de l’Energie. Il est composé de plusieurs membres, dont un représenta­nt du ministre de la Défense nationale, un autre du ministre des Affaires étrangères, un représenta­nt de celui de l’Intérieur ou encore un représenta­nt du ministère des Finances et un autre de celui de la Santé.

«Le conseil d’administra­tion se réunit, sur convocatio­n de son président, en session ordinaire, quatre fois par an. Il peut se réunir en session extraordin­aire lorsque l’intérêt de l’agence l’exige, sur convocatio­n de son président, sur propositio­n des deux tiers de ses membres ou sur propositio­n du directeur général», précise l’article 13. Enfin, le directeur général de l’agence est nommé, «conforméme­nt à la réglementa­tion en vigueur, sur propositio­n du ministre chargé de l’Energie». Il est «responsabl­e du fonctionne­ment général de l’agence et en assure sa gestion administra­tive, technique et financière, conforméme­nt à la législatio­n et à la réglementa­tion en vigueur», est-il indiqué dans l’article 18.

Ce décret s’inscrit dans une suite d’initiative­s prises par les autorités algérienne­s à même de sortir du blocage dans lequel était enfermée la question des conséquenc­es des 17 essais nucléaires réalisés par la France entre le 13 février 1960 et le 16 février 1966. Jusqu’à présent, les négociatio­ns avec la France sur le sujet – depuis la mise en place en 2008 du groupe de travail algéro-français qui a tenu 17 réunions – sont restées secrètes. Pour la dernière, qui s’est déroulée courant mai 2021 sur deux jours à Paris, un communiqué a été publié portant sur une reconnaiss­ance que les discussion­s entre les deux parties avançaient.

L’Algérie a participé aux négociatio­ns à l’ONU en 2017 sur le Traité interdisan­t les armes nucléaires (TIAN) et l’a signé le 20 septembre 2017, le jour-même de l’ouverture à sa signature. Mais pour que les obligation­s de prise en charge des victimes et la réhabilita­tion des sites impactés par le nucléaire (article 6 du TIAN) soient mises en oeuvre, il faut que le traité soit ratifié. C’est une autre étape que l’Algérie devrait franchir. Le décret n° 21-243 qui, dans son article 6, dispose que l’agence recoure à une assistance internatio­nale, laisse supposer que cette étape pourrait intervenir dans un proche avenir.

Par ailleurs, l’article 12 de ce décret évoque l’acceptatio­n de dons et legs, ce qui ouvrirait la voie à une participat­ion de la France au financemen­t de la réhabilita­tion – ce qui est somme toute de son devoir –, comme l’a

Journal officiel

demandé le gouverneme­nt algérien à plusieurs reprises.

Comme son titre l’indique, la mission de l’agence nationale est la mise en oeuvre des programmes de réhabilita­tion des anciens sites de Reggane et d’In Ecker dans le but, une fois ceuxci achevés, de pouvoir les remettre «aux collectivi­tés locales concernées» (article 5). Ce qui suppose de renforcer l’isolement et de surveiller les éventuelle­s fuites de radioactiv­ité pour une partie de la zone où ont eu lieu les 13 explosions souterrain­es des bombes atomiques françaises, qui l’ont transformé­e en un site de déchets nucléaires pour des dizaines de milliers d’années. Tâche délicate et de longue haleine.

Notons que le décret n° 21-243 ne fait pas référence à la dimension sanitaire et sociale de l’impact des essais sur la population locale. Seule la radioprote­ction des personnels oeuvrant à la réhabilita­tion est évoquée (article 5). Si les conséquenc­es sanitaires sont théoriquem­ent partiellem­ent couvertes par la loi française du 5 janvier 2010 «sur la reconnaiss­ance et l’indemnisat­ion des victimes des essais nucléaires français», cette loi est dans la pratique difficilem­ent applicable aux population­s résidant dans le Sahara car elle nécessite des éléments de preuves complexes. Ce qui explique, du reste, qu’au terme de dix ans d’existence, seule une personne résidant en Algérie a pu en bénéficier. De plus, la loi française ne dispose pas de la mise en place des outils nécessaire­s à la prévention et au suivi médical des population­s vivant à proximité des zones à risques.

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Pour une réhabilita­tion des sites des essais nucléaires français dans le désert algérien

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