El Watan (Algeria)

Foot, dispute d’enfants ou coq à l’origine de conflits

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Duels au sabre, échanges de tirs et «prix du sang». En Irak, les conflits tribaux sont fréquents et ont parfois pour origine quelques centimes, un différend footballis­tique ou même... un canard ! Face aux coutumes ancestrale­s des puissantes tribus armées fortement ancrées dans le pays, la justice de l’Etat ne fait pas le poids. Car les policiers, qui redoutent de se retrouver embarqués dans des conflits tribaux, intervienn­ent très rarement. Il y a deux semaines dans la province de Missane, dans le Sud chiite rural et tribal, un enfant a été tué et quatre personnes ont été blessées dans une bataille rangée à coups de kalachniko­v et de roquettes. L’origine du scandale ? Un enfant de la tribu des Al Faratsa a refusé de rendre à un camarade de la tribu des Al Bou Ali 1000 dinars qu’il lui avait empruntés, soit... 57 centimes d’euros ! Le père a frappé l’emprunteur et le conflit a dégénéré. Le pire dans cette histoire, affirme à l’AFP Sattar Jabbar, patron d’une ONG locale d’aide à l’enfance, c’est que les cinq victimes étaient des passants qui n’avaient rien à voir avec la bagarre et «aucune d’elles n’appartenai­t à ces deux tribus-là !»

SABRES, BALLES ET GRENADES

Dans la même province, quelques jours plus tard, un autre conflit éclatait entre deux branches d’une même tribu, parce que l’une avait insulté un religieux vénéré de l’autre. Bilan des duels au sabre : trois morts, deux blessés graves, sept arrestatio­ns et des dizaines de policiers mobilisés pour faire barrage. Un peu plus à l’est, près de la frontière iranienne, un match de foot entre les tribus Al Freijat et Al Rissetem s’est terminé sur un score... d’un mort et cinq blessés. Pour en finir avec un conflit qui n’a cessé de s’envenimer même après le coup de sifflet final, un conseil tribal a été convoqué. Et le prix du sang pour le mort a été fixé à plus de 20 millions de dinars, soit 11 000 euros, a indiqué un policier à l’AFP. Plus au nord, à Kout, un jeune homme est mort sous les balles pour... un canard valant moins de trois euros. «Deux femmes se disputaien­t sa propriété et leurs tribus, les Hassaniya et les Zoubeid, ont tiré balles et grenades», a rapporté à l’AFP un responsabl­e local qui a requis l’anonymat, tant le sujet est sensible. Car, sur le papier, la loi est intraitabl­e. Ces affronteme­nts armés sont du «terrorisme» et font risquer jusqu’à la mort. L’institutio­n religieuse chiite, très respectée en Irak et particuliè­rement dans le Sud, a elle aussi mis son poids dans la balance contre les conflits tribaux. Pour le grand ayatollah Ali Sistani, référence religieuse de la plupart des chiites d’Irak et d’ailleurs, ces batailles rangées «plongent le pays dans une spirale d’instabilit­é et de sous-développem­ent».

UN COQ EN RUT

Pour le député Abboud Al Issaoui, de la Commission parlementa­ire de la coexistenc­e, ces conflits sont surtout «le résultat de l’écroulemen­t de l’Etat en 2003», après l’invasion de l’Irak par les troupes américaine­s qui ont renversé le régime de Saddam Hussein. Et «de la proliférat­ion des armes et de leur commerce» dans un pays où, selon le Small arms survey, on comptait, en 2020, 177,6 millions d’armes légères pour 39 millions d’habitants, dont 40% ont moins de 14 ans. Et sûrement beaucoup plus, non déclarées. Mais les tribus, dont de nombreuses ont aidé les forces irakiennes dans la guerre contre les djihadiste­s ces dernières années, n’ont pas que des armes légères. Régulièrem­ent, des vidéos sur les réseaux sociaux montrent des dizaines de tirs de roquettes, de mitrailleu­ses lourdes et même des blindés parfois mobilisés pour des conflits tribaux. Si certains sont spectacula­ires mais rapidement réglés, d’autres peuvent perdurer. Une affaire de localisati­on des égouts qui a fait trois morts et quatre blessés dure depuis quatre mois et «un différend autour d’un prêt de 16 000 euros a fait sept morts et 14 blessés depuis 8 ans», affirme à l’AFP le cheikh Yaarab Al Mohammedao­ui. «L’Etat doit contrôler les armes en circulatio­n et la société doit faire taire les armes pour adopter la culture du dialogue», prône ce dignitaire tribal de Bassora, province à la pointe sud du pays, où les conflits tribaux sont les plus sanglants. Alors, peut-être, le drame de Diwaniya ne se reproduira plus. Dans cette province rurale connue pour ses oeufs et volailles, un conflit tribal a fait deux morts. La raison ? Un coq en rut entré sans autorisati­on sur les terres d’un voisin... à la recherche de ses poules !

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de Radwaniyah, à l’ouest de Baghdad
Des membres d’une tribu irakienne réunis lors des funéraille­s en septembre 2020 dans le district de Radwaniyah, à l’ouest de Baghdad

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