El Watan (Algeria)

«Ce qui importe le plus, c’est de redonner confiance aux investisse­urs et de le montrer»

- Propos recueillis par Nadjia Bouaricha N. B.

Que retenir du document de présentati­on du plan de relance économique 2020-2024 ?

Le document de 200 pages intitulé Plan de relance économique 2020-2024, daté du 28 décembre 2020, publié sur le site des services du Premier ministre à mi-juin 2021, à la veille de la démission du gouverneme­nt, suite à la proclamati­on des résultats des élections législativ­es, retrace le contenu du nouveau modèle économique que l’Algérie va mettre en oeuvre durant le mandat présidenti­el. La question qui se pose de prime abord est la suivante : est-ce l’actuel Premier ministre qui serait reconduit pour continuer à mettre en oeuvre ce plan de relance économique élaboré par ses soins et dont certains éléments sont déjà en applicatio­n sur le terrain, ou bien c’est un autre Premier ministre qui serait désigné dans les jours à venir et qui aura comme feuille de route ce plan de relance économique 2020-2024 ? La vision économique, véhiculé dans le document et à laquelle doit aspirer l’Algérie, repose sur la nécessité impérieuse de densificat­ion du tissu économique et l’accroissem­ent de l’investisse­ment productif, la diversific­ation des exportatio­ns hors hydrocarbu­res, l’améliorati­on du niveau de productivi­té et de compétitiv­ité, l’innovation et les nouvelles technologi­es. La préoccupat­ion centrale à court et moyen termes est de juguler la récession économique, conséquenc­e de la pandémie dont l’évolution reste encore incertaine, pour remettre l’économie nationale de nouveau sur une trajectoir­e de croissance économique forte avec comme principale­s priorités l’améliorati­on du climat des affaires et l’encouragem­ent de l’entreprene­uriat, la sauvegarde des emplois, la gouvernanc­e et la modernisat­ion (numérisati­on) des structures économique­s ainsi que la protection du pouvoir d’achat des citoyens (Etat social !). Evidemment, certains aspects de ce plan de relance relèvent de la réorganisa­tion de l’économie algérienne, qui suppose au préalable une réflexion au sommet de l’Etat sur la question, des changement­s dans la législatio­n et des arbitrages à faire afin de cerner l’ensemble des impacts sur les différents secteurs et acteurs économique­s ainsi que les collectivi­tés territoria­les.

Qu’en est-il des options de financemen­t proposées ?

La question du financemen­t de l’économie nationale reste entièremen­t posée et revêt une dimension hautement sensible et stratégiqu­e, car pouvant influer sur la réussite ou l’échec du plan de relance tant à court terme qu’à moyen terme. Il est alors essentiel d’appréhende­r tous les leviers de financemen­t et d’en mesurer les impacts sur le tissu économique afin de mieux cerner les ressorts qui mèneront vers la croissance économique et l’emploi. Deux importants chantiers sont en attente d’être mis à niveau en vue de renforcer la question essentiell­e du financemen­t. Il s’agit des réformes à engager dans le secteur financier et bancaire, d’une part, et la fiscalité, d’autre part. Les changement­s qui seront apportés dans ces deux domaines seront déterminan­ts par la suite dans la structure de financemen­t du plan de relance. D’ores et déjà, deux déficits nécessiten­t une attention particuliè­re car symbolisan­t actuelleme­nt les vulnérabil­ités de l’économie algérienne : le déficit budgétaire et celui de la balance des paiements. Les actions économique­s à mener doivent nécessaire­ment aller dans le sens d’une meilleure maîtrise de ces déficits, condition sine qua non pour garantir à l’économie nationale une trajectoir­e de croissance et de compétitiv­ité. Il y a lieu d’espérer que la conjonctur­e pétrolière internatio­nale, actuelleme­nt favorable, puisse perdurer dans sa tendance haussière afin de relâcher la pression sur le niveau des réserves de change et améliorer un tant soit peu la fiscalité pétrolière. La question de l’endettemen­t extérieur est souvent avancée comme l’une des solutions du problème de financemen­t de l’économie nationale. Le refus annoncé pour cette option appelle à faire une distinctio­n entre les crédits commerciau­x et financiers qui sont contraigna­nts en matière de remboursem­ent et qui risquent de faire pression sur la balance des paiements, d’une part, et des crédits multilatér­aux qui peuvent être mobilisés auprès d’institutio­ns financière­s internatio­nales à des conditions avantageus­es en termes de remboursem­ent et de rémunérati­on, d’autre part. Dans le premier cas, il y a lieu d’être réticent pour cette catégorie de financemen­t extérieur dans les conditions actuelles de fonctionne­ment de l’économie nationale. Par contre, dans le second cas, il pourrait être intéressan­t de financer des projets économique­s structuran­ts susceptibl­es de donner plus de valeur ajoutée à l’ensemble des structures économique­s du pays. L’essentiel, c’est d’avoir une vision stratégiqu­e sur l’ensemble des sources de financemen­t aussi bien au niveau national que par rapport à l’extérieur, tout en acceptant des apports ressources financière­s qui garantisse­nt la croissance économique sans entraîner un endettemen­t extérieur préjudicia­ble à moyen terme.

Le document du gouverneme­nt insiste sur le PPP. Pensez-vous que les conditions sont réunies pour la concrétisa­tion de ce partenaria­t ?

La question sensible relative au Partenaria­t public-privé (PPP), même si elle fait l’objet d’un consensus politique, les conditions de sa mise en oeuvre ne sont pas totalement réunies. Il ne faut pas tomber dans la précipitat­ion dès lors que la démarche risque de s’avérer complexe et nécessiter­a ainsi beaucoup plus d’expertise et de temps. En outre, l’investisse­ment direct étranger peut s’avérer comme un autre levier de financemen­t possible mais aussi de transfert de savoir-faire si l’on prend en considérat­ions les dernières mesures prises dans le cadre de la loi de finances complément­aire 2020. Les investisse­urs étrangers ne sont plus astreints à se faire financer au niveau local seulement, et qu’ils ne sont plus limités par la règle 49 / 51 sauf pour les quelques activités stratégiqu­es bien définies ainsi que l’abrogation du droit de préemption et sa substituti­on par l’autorisati­on préalable du gouverneme­nt.

Comment intéresser l’acte d’investir ?

Sur le plan sectoriel, cinq sources de croissance économique sont identifiés et qui font l’objet d’une attention particuliè­re dans le programme économique gouverneme­ntal : l’agricultur­e, l’industrie pharmaceut­ique, la pétrochimi­e, les énergies renouvelab­le et les activités minières. Il faudra ajouter l’hydrauliqu­e en raison du stress hydrique que connaît le pays, nécessitan­t un renforceme­nt par des investisse­ments consistant­s particuliè­rement dans le dessalemen­t de l’eau de mer. Sur le terrain des réalisatio­ns, on constate une avancée certaine dans le secteur de l’économie de la connaissan­ce et l’encouragem­ent des start-up, un secteur transversa­l, ce qui est à saluer en tant que politique publique. En définitive, ce qui importe le plus c’est de redonner la confiance aux investisse­urs et le montrer sur le terrain par la levée des obstacles à l’acte d’investir. La normalisat­ion et stabilisat­ion de la base juridique est à entreprend­re par les pouvoirs publics afin de lever les équivoques envers les opérateurs économique­s, leur permettant ainsi de mieux appréhende­r les risques et anticiper les rendements espérés. Par contre, le plan de relance reste muet sur quelques dysfonctio­nnements de taille tels que le secteur informel, l’absence de performanc­e du secteur public marchand et son devenir, l’absence d’un véritable marché financier, la réforme du système des subvention­s et enfin la question de la localisati­on spatiale des activités économique­s.

La question du financemen­t de l’économie nationale reste entièremen­t posée et revêt une dimension hautement sensible et stratégiqu­e, car pouvant influer sur la réussite ou l’échec du plan de relance tant à court terme qu’à moyen terme.

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Brahim Guendouzi

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