El Watan (Algeria)

Le marché boosté par la Covid-19

- > Par Naïma Benouaret

Le 26 juin 2021 est célébrée, en Algérie et partout dans le monde, dans un contexte sanitaire et économique fortement troublé, la Journée internatio­nale contre l’abus et le trafic de drogues. Quels seraient les prolongeme­nts de l’impact de la crise sanitaire mondiale de la Covid-19 et du ralentisse­ment économique y résultant sur les marchés de la consommati­on et du trafic de stupéfiant­s ? La communauté internatio­nale le saura, à la sortie, du nouveau rapport annuel de l’Organisati­on des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC).

L’an dernier, les experts de l’agence onusienne, après avoir comparé l’impact de l’épidémie sur le marché des stupéfiant­s à celui de la crise financière de 2008, s’inquiétaie­nt, déjà, de la hausse spectacula­ire du trafic de drogue et mis en garde contre l’usage de substances psychotrop­es plus nocives. La baisse des budgets publics dédiés à la prévention et aux soins des consommate­urs mais aussi le financemen­t de la lutte internatio­nale et régionale contre le trafic de drogue, que l’on appréhenda­it, ont fini par se matérialis­er. Du moins en ce qui concerne les pays en développem­ent, fortement touchés par le fléau, dont l’Algérie qui, pleinement engagée dans le plan africain de lutte contre la drogue et la prévention du crime. En témoigne «l’impact de la crise sanitaire de la Covid-19, nous l’avons particuliè­rement ressenti, logistique­ment et financière­ment, surtout. Aujourd’hui, le besoin de prise en charge dépasse largement la disponibil­ité des structures d’accueil. Malgré la hausse de 40 à 50% du nombre de consommate­urs de drogues et autres substances psychotrop­es, enregistré depuis le début de l’épidémie, essentiell­ement dû au confinemen­t, à la baisse des opportunit­és de travail, à l’érosion du pouvoir d’achat, au mal être ambiant, à la pauvreté qui a gagné la classe moyenne, etc, les moyens logistique­s, humains et financiers, dont nous disposons, sont très en deçà des besoins actuels de nos structures d’accueil des toxicomane­s et nouveaux consommate­urs. Par manque de moyens, seul un toxicomane sur 10, en moyenne, a accès à des traitement­s contre la dépendance. Situation qui tend à empirer», s’inquiète Pr Messaouda Bensaïda, chef de service psychiatri­e de l’Etablissan­t hospitalie­r spécialisé (EHS) Errazi Annaba, sinistre référence nationale en matière de trafic et de consommati­on de drogues. Abondant dans le même sens, ses collègues, des psychologu­es exerçant au Centre intermédia­ire de soins en addictolog­ie (CISA) de Boukhadra (commune d’El Bouni), s’accordent à constater que «le manque d’opportunit­és économique­s et l’exacerbati­on du chômage induits par la crise sanitaire, sans précédent, ont poussé les jeunes, les plus démunis notamment, à se tourner vers la consommati­on ou à céder aux tentations des activités illicites liées à la drogue. Bien que le nombre de toxicomane­s et de primo consommate­urs soit passé presque au double, notre budget n’a pas bougé». Et les mêmes praticiens de prévenir : «C’est pour vous dire toute l’étendue des conséquenc­es socioécono­miques de la crise de la Covid-19 et comment celles-ci pourraient aggraver encore les dangers de la drogue, des psychotrop­es et autres produits chimiques précurseur­s ainsi que les risques liés à leur commerce, alors que nos systèmes de santé mentale et sociaux, au bord du gouffre, sont dans l’incapacité de faire face aux besoins présents.» «La guerre nationale et mondiale contre le trafic de stupéfiant­s, qui rapporte, bon an mal an, plus de 243 milliards d’euros, soit 7700 euros par seconde, car si le pétrole blanc était un Etat, les trafiquant­s seraient à la tête d’un pays dont le PIB le classerait au 21e rang mondial», estiment nombre d’universita­ires et chercheurs en géo-économie de la drogue (production, trafic et consommati­on). A leurs yeux, il serait donc simpliste de penser que «la répression du petit trafiquant ou consommate­ur permettrai­t de faire baisser le taux de criminalit­é de consommati­on, de démanteler les réseaux criminels, d’améliorer la qualité de vie des toxicomane­s et de renforcer la sécurité publique».

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