El Watan (Algeria)

Prise de risque, danger de mort et conduite aléatoire

- Rachid Larbi

Après avoir arpenté l’ouest la semaine dernière, vous avez été nombreux à nous contacter par email, pour nous demander de faire la route de l’est. Nous avions décidé au préalable de démarrer et vu l’engouement suscité chez de nombreux lecteurs, nous nous sommes préparés au pire et avons décidé de partir, vendredi dernier, vers le constantin­ois. Pour ce trajet, nous avons décidé de prendre notre véhicule personnel. Une Golf 6 GTI modifiée et préparée en 370 chevaux. Nous prenons la route en gardant en tête que les pneumatiqu­es sont frais, mais en 18 pouces, ils ne seront pas à l’abri d’une hernie. Nous gardons aussi à l’esprit que la caisse est très basse et que les secousses seront terribles à la fois pour le véhicule et pour notre personne. Cependant, l’expérience, même si elle est mauvaise, mérite d’être vécue.

LA ROUTE DE L’ENFER !

Avant de prendre la route, nous avons pris la peine de nous arrêter à la stationser­vice du Caroubier, point de départ de milliers de bus vers le reste du pays. Contrairem­ent au relais routier de Mouzaïa, que nous avons visité la semaine précédente, la station service, cette fois-ci, est impeccable. Casquette sur la tête et tenue réglementa­ire, le pompiste représente très bien l’enseigne pour laquelle il travaille. Le pompiste étourdi ou choqué, nous dit à voix basse «2850DA le plein». Nous remontons en voiture, le portemonna­ie endolori et démarrons vers l’inconnu. Si depuis la grande mosquée jusqu’à Boumerdès, tout va moyennemen­t bien avec quelques bosses et des trous, les vrais problèmes commencent au niveau de la wilaya de Bouira. Cette wilaya, connue pour son agricultur­e maraîchère est aussi connu pour l’état de ses routes. Une wilaya aussi importante que celle-ci, comment peut-elle se permettre d’avoir une réputation pareille ? Les premiers coups de volant arrivent au niveau de Lakhdaria et plus exactement au niveau du dernier relais routier où s’arrêtent de nombreux bus interwilay­as. Ce relais passé, le bitume devient difforme et l’adhérence est un mot qui n’a pas lieu d’être. Avec la chaleur, le goudron est devenu aussi glissant que du carrelage, au grand malheur des automobili­stes. Des fissures, des ornières, des trous composent la route. Les quatre roues se retrouvent en l’air à quelques endroits. Il est impossible de décrire la sensation. Cependant, ceux qui arpentent cette route à longueur d’année savent de quoi nous parlons. Nous commençons à regretter d’avoir pris cette voiture comme outil de test, car les secousses malmènent la suspension qui est extrêmemen­t dure en raison du paramétrag­e de la géométrie. La vitesse est également basse, environ 100km/h en moyenne, voire moins. La montée d’El Jebahia se profile au loin et comme nous le savons, les malheurs arrivent avec elle. A quelques mètres du premier tunnel, les coups de volant se font plus insistants. Le bitume est totalement défoncé. L’entretien de la chaussé n’est pas la priorité, semble-t-il. A l’intérieur du premier tunnel, l’air est lourd et chaud, la ventilatio­n n’a pas l’air d’être au point. Le bitume lui aussi n’est pas très au point. La conduite devient saccadée et les travaux y sont monnaie courante. Entre le second et le troisième tunnels, la situation ne s’améliore pas. Notre conduite n’est pas bonne, la GTI n’apprécie pas les coups de freins et les relances brusques. Un véritable carnage. Sortir des tunnels est synonyme de paix et un grand ouf sort du plus profond de notre être qui a souffert sur ce tronçon. Cependant, le bonheur est de courte durée et même si la situation permet quelques pointes de vitesse, le bitume n’inspire aucune confiance. La file de droite est ravagée par les poids lourds qui ont littéralem­ent creusé un sillon sur plusieurs kilomètres. Les malfaçons des travaux sont visibles. Même les chauffeurs de taxi inter-wilayas lèvent le pied et doivent s’armer de patience et de courage lorsqu’il faut traverser la wilaya de Bouira. Les malheurs continuent jusqu’à la bretelle conduisant vers Oued El Berdi, Hammam Ksana.

DÉBUT DU BONHEUR

A l’heure de la prière du vendredi, nous sommes au bon moment, au bon endroit. Les plaques indiquent Bordj Bou Arréridj, Setif, Constantin­e. A cet instant, l’autoroute est presque vide. Nous sommes seuls. Le bitume est bon et l’adhérence aussi. Les Bridgeston­e Tourenza 005 montrent leur potentiel. Sans citer l’endroit, à mi-régime de sixième rapport, la boîte de vitesse en mode séquentiel, la voiture pique à plus de 200km/h chose facile pour 370 chevaux. Cependant, le risque n’est pas à prendre avec n’importe quel véhicule. Jusqu’à la fin de la prière du vendredi, l’autoroute est totalement déserte, les seuls chauffeurs que nous croisons sont assis à 3 mètres de hauteur et n’ont que l’horizon pour vue. Les 2850 DA de sans-plomb commencent à s’évaporer à vitesse grand V. Les plaques défilent, en l’espace de quelques minutes, on est passé de l’enfer à une route normale avec un goudron de bonne facture. Les kilomètres défilent et un détail vient troubler la conduite, il s’agit des plaques indiquant la limitation de vitesse de 120 km/h. Pour un véhicule d’une cylindrée moyenne, la vitesse indiquée est raisonnabl­e et en parfaite adéquation avec les potentiali­tés de la mécanique. Par contre, les grosses cylindrées ne peuvent rouler à un rythme aussi bas. La mécanique ne l’entend pas de cette oreille et elle le fera comprendre à son conducteur par n’importe quel moyen. Décidé à faire une jolie pointe de vitesse, on lâche d’un coup les 370 chevaux et commençons à rentrer dans la zone rouge à chaque rapport. Le rupteur étant décalé électroniq­uement à 7200 trs/ mn, les pistons, les bielles et les coussinets forgés, on peut pousser la mécanique, et le turbo K04 de chez Borgwarner atteint un pic de 1,8 bar de pression. Le couple de 452nm se ressent. La poussée est continue, linéaire et stable. Quant au carburant, les 2850 DA ont été dévorés par la pompe HP qui pousse à 135 bars. Les injecteurs de l’Audi RS4 et la pompe basse pression de la TTRS et l’échangeur gros volume de chez Forge Motorsport, complètent la préparatio­n pour un rendement optimal.

RETOUR VERS L’ENFER

On a rebroussé chemin et les kilomètres défilent. L’Edition 35 a eu droit à un plein d’essence pour la seconde fois en une journée. Le portefeuil­le est vide. Bouira vous souhaite la bienvenue. En voyant cette pancarte, des frissons se font sentir. Allons-nous revivre un autre supplice ? La question ne se pose même pas. Les tunnels arrivent, l’obscurité avec, et les premières secousses ne tardent pas à se faire sentir. Notre compagnon de voyage se sent mal. Son visage est pâle. A faible vitesse, la route semble interminab­le. A allure soutenue, c’est-à-dire 80km/h, la Golf donne l’impression qu’elle est sur le point de se disloquer. La descente arrive. Nous l’abordons avec le plus grand soin, car bon nombre de lecteurs, nous ont clairement expliqué que la descente d’El Jebahia est la plus dangereuse. Les camions de toute taille l’arpentent, la dégradant encore plus. Des trous qui ressemblen­t plus à des impacts d’ogive sont éparpillés aux quatre coins de la route. La sortie du troisième et dernier tunnel se fait à pas de velours. Un énorme trou bloque les files de droite et du milieu obligeant les chauffeurs de poids lourds à déboîter sur la voie de gauche, ce qui ravit les gendarmes qui n’attendent que cela pour retirer les permis. Rafik K., spécialist­e dans le dépannage lourd, en a fait les frais. Ce dernier a expliqué aux gendarmes ce qu’il y avait, mais le permis lui a été suspendu, le privant ainsi de son outil de travail, «‘‘Va te plaindre au wali’’, me dit le gendarme», explique le routier avec un fou rire. La route de tous les dangers aura encore fait une victime. Sur Info trafic, il n’est pas rare de voir des accidents sur cet axe routier. L’intensité du trafic doit être prise en charge dans les plus brefs délais. Des vies sont en jeu à chaque instant et la responsabi­lité incombe aux autorités locales.

RÉSULTAT DES COURSES

Ouf ! Ce fut un long et éprouvant voyage. Après et avant Bouira, tout va bien. La route est bonne, les suspension­s font leur job sans forcer et la consommati­on reste stable, sauf au moment où on tape sur l’accélérate­ur. A Bouira, rien ne va plus. On se croirait au casino, jouant à la roulette tout en priant pour tomber sur le bon numéro. Bouira est semblable à ce schéma. Sortir de la voie de gauche vous fera tomber dans un trou. Sortir de la droite vous fera percuter un bloc de goudron sorti de nulle part. Une fois stationné et une rapide inspection des pneumatiqu­es faite, la mauvaise nouvelle tombe. Le pneumatiqu­e avant droit n’a pas survécu et nous le montre avec une hernie de la taille du pouce. Pour précision, le pneumatiqu­e Bridgeston­e en 225.40.18 revient à 25 000 DA sans équilibrag­e. Le voyage aura été une catastroph­e pour le porte-monnaie.

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 ??  ?? L’autoroute de l’Est
L’autoroute de l’Est
 ??  ?? Tunnel d’El Jebahia (wilaya de Bouira)
Tunnel d’El Jebahia (wilaya de Bouira)

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