El Watan (Algeria)

Longue marche pour des éléphants en mode survie

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Des éléphants sauvages, dont l’équipée tient la Chine en haleine, mettent en lumière les difficulté­s d’adaptation d’espèces protégées dans un pays où les espaces naturels se réduisent. En Chine, les éléphants sauvages sont protégés et vivent exclusivem­ent dans la région touristiqu­e et tropicale de Xishuangba­nna, frontalièr­e du Laos et de la Birmanie. L’an dernier, 15 pachyderme­s, dont trois éléphantea­ux, ont quitté cette réserve, cap au nord. Si les migrations d’éléphants ne sont pas inhabituel­les, la durée et la distance parcourue ont cette fois surpris les spécialist­es : le troupeau se trouve à quelque 500 km de son point de départ. Les éléphants ont «senti que leur environnem­ent traditionn­el n’était plus adapté» «partis trouver un autre endroit», et c’est la raison pour laquelle ils sont indique à l’AFP le zoologiste Ahimsa Campos-Arceiz, du Jardin botanique tropical de Xishuangba­nna. Les animaux se sont aventurés en ville, ont traversé des autoroutes et visité granges et maisons à la recherche de nourriture. Ils semblent en bonne santé. Mais dans les localités traversées, les dégâts matériels sont nombreux et se chiffrent déjà à près d’un million d’euros. SUIVIS À LA TRACE Leur marche est surveillée en permanence par des drones et des centaines de fonctionna­ires sont mobilisés pour évacuer les population­s. Les autorités redoutent qu’en cas de stress, les mammifères se déchaînent. «Bien qu’ils errent dans des zones peu familières et densément peuplées, les éléphants ont l’air heureux», estime M. Campos-Arceiz. L’histoire passionne en Chine, où la télévision publique CCTV retransmet en direct et en continu sur internet la pérégrinat­ion des éléphants. Des images ont montré le troupeau en plein sommeil, allongé dans une forêt sur la commune de Kunming, une grande métropole du sud-ouest de la Chine. Et début juin, l’un des pachyderme­s, un mâle, s’est séparé du reste du groupe avec lequel il reste toutefois en contact. Pour communique­r malgré la dizaine de kilomètres qui les séparent, les éléphants produisent des infrasons, inaudibles par l’homme. Mais en milieu urbain, ces vibrations peuvent facilement être brouillées par le bruit des véhicules. La Chine est l’un des rares endroits au monde où la population d’éléphants d’Asie, une espèce menacée, augmente, grâce à des lois anti-braconnage strictes et à des efforts de protection. En trois décennies, leur nombre a doublé pour atteindre désormais plus de 300 têtes. Mais dans le même temps, leur espace de vie a été réduit de près des deux tiers à cause de l’homme, relève Zhang Li, professeur d’écologie à l’université normale de Pékin. Dans le sud-ouest de la Chine, d’où sont originaire­s les éléphants, leurs forêts ont laissé place à des plantation­s de thé et de caoutchouc qui ont de fait grignoté les lieux de vie de pachyderme­s. La constructi­on de centrales hydroélect­riques et d’autoroutes a par ailleurs bloqué les voies de migration, compliquan­t pour les éléphants la recherche de partenaire­s et leur socialisat­ion. Les scientifiq­ues ne sont cependant pas certains qu’un changement d’environnem­ent soit à l’origine de la migration du troupeau. Et la plus grosse difficulté est aujourd’hui de savoir comment les ramener à la maison. Quid de les appâter avec de la nourriture ? Une solution à proscrire qui risquerait de domestique­r de manière irréversib­le le troupeau, prévient le chercheur Wang Hongxin, de l’université normale de Pékin. «C’est comme habituer un enfant à manger du sucre», affirme M. Wang, craignant une modificati­on du régime alimentair­e du groupe qui les rendrait finalement plus vulnérable­s aux maladies. «Leur pérégrinat­ion met en lumière les menaces qui pèsent sur les éléphants d’Asie» et les risques d’incidents avec les humains à mesure que l’espace de vie des pachyderme­s se réduit, estime M. Wang. Selon les données du bureau de la faune du Yunnan, la province qui abrite l’immense majorité des pachyderme­s, plus de 70 personnes ont été mortelleme­nt blessées par des éléphants en liberté entre 2013 et 2019. «Les humains doivent se retirer (des lieux de vie des éléphants) et laisser leurs terres retourner à l’état sauvage», suggère Wang Hongxin.

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quelque 500 km depuis sa réserve
Près de la ville de Yuxi, une partie d’un troupeau d’éléphants qui a parcouru quelque 500 km depuis sa réserve

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