Pureté des traits et sensualité des couleurs
Depuis le 26 juin dernier, et ce, jusqu’au 17 juillet 2021, l’exposition «Chuchotements des oasis» de l’artiste Abdelhalim Selami est proposée dans l’écrin de la galerie d’art Dar El Kenz de Chéraga à Alger.
L’artiste peintre Abdelhalim Selami prend ses quartiers à la galerie d’art privée Dar El-Kenz de Chéraga – qui vient de rouvrir après deux ans de fermeture forcée – pour dévoiler sa dernière collection de peinture. Une collection, comme à son accoutumée, regorgeant de couleurs, de sensibilités et d’émotions à la fois. Après une absence de deux ans, Abdelhalim Selami revient en force sur la scène artistique avec une collection riche de 58 imposantes oeuvres. Intitulée «Chuchotements des oasis», cette exposition de peinture, l’artiste peintre l’a dédiée en hommage à sa regrettée et douce maman, décédée récemment avec cette idée, quand un vieux meurt, c’est toute une bibliothèque qui meurt. Il nous explique, avec beaucoup d’émotion, que cet adage est aussi valable pour les femmes qui ont toujours été gardiennes des us et traditions. «Ma défunte mère aimait la sincérité du travail bien fait. Cette collection est un hymne à ma défunte mère. Les personnages de ma peinture lui ressemblent beaucoup, toutes mes soeurs et mon épouse.» L’ensemble des oeuvres exposées ont été réalisées entre 2017 et 2021. Entre pureté des traits, sensualité des couleurs, des décors et parfois quêtes oniriques, le visiteur est convié à entrer dans le monde de l’artiste peintre. Il faut avouer qu’Abdelhalim Selami s’est toujours passionné pour l’architecture de sa ville natale, Touggourt, pour le désert, pour la vie au Sahara, en partageant des tranches de vie bien réelles. Dans une perspective à la fois esthétique, historique et culturelle, l’artiste se plaît à peindre fidèlement à travers ses yeux tout ce qu’il voit. Pour lui, cet acte est un devoir de mémoire pour les générations futures car «la peinture parle aux sens, enrichissant profondément les thèmes de la peinture algérienne», dit-il. Il suffit d’admirer cette belle collection colorée pour constater que le plasticien détient tous les secrets de la technique mixte. En effet, il utilise aussi bien l’acrylique que la peinture à l’huile. De même qu’il usite plusieurs produits, dont les pigments et les vernis, pour obtenir une pâte ou un relief, donnant des couches de finition plus lumineuses. Il profite aussi de la peinture des bâtiments, donnant un relief transparent. La peinture d’Adelhalim Selami prône le berbéro-africain avec ces signes et ces motifs géométriques qui nous rappellent le Maghreb et l’Afrique. Si l’architecture revient en force dans la peinture de l’artiste, à travers les ksour et les oasis, il n’en demeure pas moins que des silhouettes de femmes stylisées en mouvement se donnent à voir avec intérêt. Ces silhouettes, souvent en groupe, sont habillées avec des couleurs chatoyantes. Preuve en est avec la toile à l’huile grandeur nature baptisée «Les parfums des ruelles». L’oeil est en face d’une peinture semiabstraite avec des personnages attachants. Il s’agit, en fait, d’une procession de femmes emmitouflées dans la tenue traditionnelle du Sud, annonciatrice de la célébration prochaine d’un mariage. «Dans le temps, c’était la maman ou la grande soeur qui allait d’une maison à l’autre pour annoncer et donner les détails d’un mariage donné dans la ville de Touggourt. En signe de remerciements, les familles invitées aspergent leurs hôtes de parfum. Dès que ces annonciatrices de mariage sortent des maisons, elles embaument le quartier. L’odeur renseigne sur la circonstance de la visite pour les personnes non invitées. Aujourd’hui, ces traditions sont hélas perdues», se désole l’artiste. Dans un autre tableau intitulé «Les strates du passé», on découvre les empreintes africaines, voire cette invitation à la méditation africaine. Cette peinture représente des motifs géométriques abstraits, notamment de la broderie que l’on retrouve dans le Sud algérien. Des motifs qui donnent cette envie au voyage. «La ville de Touggourt était, jadis, traversée par les caravanes qui partaient à la Mecque ou à Tombouctou. Il y avait un réel commerce transsaharien des pays méditerranéens et l’Afrique subsaharienne, tout particulièrement l’Afrique de l’Ouest, à travers le Sahara. Cette ramification et cet attachement vers le continent africain et du Maghreb est profond dans le brassage des populations. Il y a un mariage entre le Maghreb et le Sud saharien, jusqu’aux rythmes musicaux africains. Pour ma part, je le perçois dans ce sens là. Il faut savoir, par ailleurs que j’exploite les motifs de la broderie sur la gravure», note notre interlocuteur. Abdelahalim Selami, qui a beaucoup reproduit, par le passé, des peintures d’Etienne Dinet, avoue aujourd’hui qu’il n’arrive pas à se détacher de ce clivage entre l’abstrait et le figuratif. Un style semi-figuratif à la limite de l’abstraction. «Après, je ne me contrôle plus. Je laisse les choses venir. Si c’est abstrait, je le fais. Si c’est figuratif, je le réalise aussi. Ce vagabondage, ce nomadisme dans ma peinture, je le perçois comme cela. C’est une couleur orientaliste mais sans l’exotisme», détaille-t-il. Il est à noter que cette passion pour la peinture, l’homme la cultive depuis plus de trente ans. Il est diplômé de l’école supérieure des Beaux-arts d’Alger. Il a décroché, en 2012, un magister, option arts et science de l’art. Actuellement, il enseigne en qualité de conseiller principal les arts plastiques à l’Institut de formation supérieure des cadres de la jeunesse à Ouargla. Il a participé à plusieurs expositions individuelles et collectives en Algérie et à l’international. En outre, il a décroche plusieurs prix dont, entre autres le 1er Grand Prix International des arts contemporains du Salon du Luberon à Pertuis en 1995 en France, le 1er Prix national du 8e Festival des arts plastiques à SoukAhras en 1999 et le 3e Prix du Festival des arts plastiques de la ville de Sétif en 1997.