Chaque génération a sa mission
Les Algériennes et les Algériens célèbrent cette année le 59e anniversaire de l’indépendance de leur pays dans un contexte de crise multidimensionnelle et d’incertitudes. Dans un pays où le besoin se fait de plus en plus sentir pour savoir comment il s’est constitué, le récit de l’histoire algérienne est tout à fait d’actualité ! L’été 1962 marque à la fois la fin d’un douloureux siècle de colonisation et le début d’une nouvelle page de l’histoire du pays. Abane, Ben M’hidi, Ferhat Abbas, Boudiaf, le Colonel Lotfi et beaucoup d’autres héros ont accompli leur noble mission en menant la glorieuse guerre avant d’arracher l’indépendance du pays au prix de lourds sacrifices. Depuis 1962, une autre génération d’Algériennes et d’Algériens a hérité d’une nouvelle mission tout aussi noble que celle de ses aînées : celle de militer pour un projet de société progressiste. Un projet de société qui s’appuierait sur le triptyque : démocratie, laïcité et Etat de droit, et où les libertés d’opinion, de religion, de pensée et d’expression seront enfin une réalité. Tout comme seront garanties l’égalité entre les femmes et les hommes ainsi que la promotion des cultures et des identités de la nation dans toutes leurs diversités, à l’image de tamazight et l’arabe algérien. Sur le plan économique, le bilan de près de six décennies illustre malheureusement une Algérie qui manque d’ambition, car elle ne dispose d’aucun plan national visant à accéder à l’émergence à court, moyen ou long termes. Les objectifs traditionnellement mis en avant de réduction de la pauvreté ou d’amélioration des indicateurs socioéconomiques n’ont pas encore laissé place à l’ambition d’émergence. Le pays mono-producteur d’hydrocarbures n’a pas profité des cours élevés pour diversifier son économie et reste prisonnier de l’évolution aléatoire du marché pétrolier. Dans un pays qui peine à être une destination des investissements directs étrangers, la gouvernance économique a besoin d’une dynamique de rupture pour permettre aux entrepreneurs d’innover et de créer de nouveaux biens et services. Pour attirer les investissements, l’économie algérienne a besoin d’un environnement politique et institutionnel stable et apaisé. Au moment où l’environnement économique nécessite une stabilité juridique et fiscale, la gouvernance institutionnelle doit intégrer les critères universels de management. Le cap doit être aussi mis sur les importations massives de techniques étrangères. Les réformes administratives doivent être axées sur l’encouragement de l’investissement dans le capital humain. La formation de la main-d’oeuvre devrait être une priorité réelle au lieu d’être un paravent cosmétique. Parmi les secteurs les plus névralgiques, figurent le système de santé et l’éducation. Des secteurs trop importants pour les abandonner à la seule gestion bureaucratique d’un Etat trop centralisé. Les écoles et les hôpitaux du secteur public, qui baignent dans un monde illusoire de la gratuité de systèmes trop largement collectivisés, gagneraient à être gérés comme des sociétés privées. Plus généralement, la Fonction publique ferait mieux d’intégrer un système de paiement à la performance. Toutes ces réformes nécessitent une élite politique courageuse, patriote et éclairée qui abandonnerait définitivement le grand déni qui a caractérisé ces six dernières décennies post-indépendance.