El Watan (Algeria)

Le règne absolu du roi Msawati III face à une population démunie

- Yacine Farah

● Plusieurs manifestat­ions secouent le royaume d’Eswatini (ex-Swaziland) en Afrique centrale depuis fin juin l Les jeunes demandent plus de démocratie et dénoncent les violences policières ● Régnant en maître absolu, le roi Msawati III vit dans l’extravagan­ce et ne semble pas lier son destin à celui de son peuple.

Eswatini (ancienneme­nt appelé Swaziland) vit au rythme des manifestat­ions pro-démocratie depuis la fin du mois de juin dernier. La jeunesse de ce pays d’environ 1,3 million d’habitants a lâché le roi Msawati III, qui règne en monarque absolu sur ce royaume pauvre et sans grandes ressources, situé en Afrique australe.

Des rumeurs disent qu’il aurait fui vers l’Afrique du Sud voisin. Mais le gouverneme­nt a démenti l’informatio­n, indiquant qu’il est toujours au pays qu’il «continue de gouverner».

La mèche de la révolte a été allumée par des élèves et des professeur­s sortis protester contre l’assassinat attribué à des policiers de Thabani Nkokomonye, un étudiant en droit.

Plusieurs milliers de manifestan­ts sont descendus dans la rue pour exprimer leur colère et réclamer une «démocratie multiparti­te, un Premier ministre élu et la fin de l’impunité», selon Amnesty Internatio­nal.

LES PARTIS POLITIQUES INTERDITS DEPUIS 1973

Mais la réponse de la police fut violente lors de la dispersion des manifestan­ts. Des militants de la société civile ont fait état de huit morts parmi les jeunes et de nombreux blessés.

Le gouverneme­nt n’a pas confirmé ou infirmé ce bilan. Il a surtout procédé à la réduction du débit du réseau internet afin d’empêcher les jeunes de porter leur révolte sur les réseaux sociaux et d’informer le monde entier.

Situé entre le Mozambique et le Lesotho, l’Eswatini (ex-Swaziland) est un petit royaume où la misère se dispute à l’absence de réformes économique­s et politiques. Le Roi règne en maître absolu, nomme et «dégomme» comme il veut son gouverneme­nt.

Il contrôle le Parlement d’une main de fer. C’est un pays fermé à double tour et où les partis politiques sont interdits depuis 1973.

«Le système judiciaire est corrompu et des lois répressive­s ont été utilisées pour viser les organisati­ons indépendan­tes et harceler les militants de la société civile», a résumé Human Rights Watch. «Au fil des années, il n’y a eu aucun progrès démocratiq­ue ni réforme des droits humains», poursuit l’ONG.

DEUX TIERS DE LA POPULATION VIVENT SOUS LE SEUIL DE LA PAUVRETÉ

De son côté, le secrétaire général de l’Associatio­n des enseignant­s du pays, Sikelela Dlamini, a résumé l’exaspérati­on de la population en estimant qu’elle «a le droit de demander la fin des brutalités policières et de vivre dans des conditions décentes».

A Eswatini, les deux tiers de la population vivent sous le seuil de pauvreté malgré quelques richesses dont dispose le pays, comme le tabac, le riz, le coton, le fer et le bois.

Mais le roi Msawati III, au lieu d’assurer un partage équitable des revenus du pays pour élever le niveau de vie de ses sujets, préfère plutôt les accaparer à lui tout seul et à sa famille pour mener une vie fastueuse et solitaire, loin des vicissitud­es quotidienn­es de ses concitoyen­s. Son sport favori consiste à vider les caisses. Même les filiales de grandes entreprise­s internatio­nales, telles que Coca-Cola par exemple, sont obligées de verser 51% de leurs parts au souverain pour obtenir des marchés. L’argent de la corruption est directemen­t transféré sur un compte privé domicilié à l’étranger. Ces mêmes entreprise­s, si elles veulent prospérer dans ce pays, doivent aussi accepter de voir siéger au sein de leur conseil d’administra­tion, un membre de la famille royale.

UNE COLONIE BRITANNIQU­E INDÉPENDAN­TE DEPUIS 1968

Le Roi fait le beau et le mauvais temps. Et personne ne semble en mesure de stopper sa mégalomani­e.

Son goût pour le luxe va même le pousser jusqu’à posséder 19 voitures de type RollsRoyce et 120 BMW pour un total de 15 millions d’euros. Mswati III a ordonné la constructi­on, en 2014, d’un aéroport internatio­nal pour 140 millions d’euros, alors que les liaisons aériennes sont peu nombreuses et que les infrastruc­tures routières manquent cruellemen­t dans le pays.

Personnage excentriqu­e, le roi Mswati III a déclaré être guéri de la Covid-19 grâce à un médicament antiviral envoyé par Taiwan. Il ne s’est pas vacciné, alors que son Premier ministre, Ambrose Dalmini, a été emporté par cette pandémie en décembre 2020 après plusieurs mois de soins dans un hôpital en Afrique du Sud.

C’est d’ailleurs de ce pays que toutes les marchandis­es arrivent. Et sans lui, Eswatini verrait son économie étouffée.

Ayant obtenu son indépendan­ce des Britanniqu­es en 1968, Eswatini s’est longtemps rêvé en destinatio­n touristiqu­e. Ses paysages montagneux et maritimes fantastiqu­es attirent de nombreux touristes occidentau­x.

Mais l’absence de la démocratie dans la gestion des affaires publiques et le pouvoir absolutist­e du Roi ont écorné son image. Au point où l’Afrique du Sud, pourtant amie, lui demande de cesser les violences policières à l’encontre des population­s. Idem pour Washington qui a demandé à ce que les citoyens manifesten­t pacifiquem­ent pour défendre leurs droits. Cela suffira-t-il à faire pression sur ce monarque qui règne sur un pays où l’espérance de vie ne dépasse pas 52 ans et où le taux du VIH est l’un des plus hauts au monde ? Rien n’est sûr.

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