Lutte entre Ankara et Washington pour l’extradition d’un homme d’affaires sulfureux
Un homme d’affaires turc détenu en Autriche fait l’objet d’un bras de fer entre la Turquie et les EtatsUnis qui souhaitent tous deux son extradition, un dossier potentiellement explosif qui risque de raviver les tensions entre Ankara et Washington. Homme d’affaires touche-à-tout, Sezgin Baran Korkmaz est au coeur de plusieurs scandales financiers qui ont déjà coûté sa place à un présentateur vedette de la télévision turque et plongé un puissant ministre du président Recep Tayyip Erdogan dans la tourmente. Après avoir fui la Turquie en décembre, il a été arrêté le 19 juin en Autriche à la demande des Etats-Unis et doit comparaître aujourd’hui devant un tribunal autrichien qui se prononcera sur la demande d’extradition déposée par Washington, a indiqué son avocat. Les procureurs américains reprochent à M. Korkmaz et des complices aux Etats-Unis d’avoir blanchi plus de 112 millions d’euros frauduleusement obtenus par le biais de comptes bancaires en Turquie et au Luxembourg. Ils accusent l’homme d’affaires d’avoir utilisé cet argent pour acheter la compagnie aérienne turque Borajet, des hôtels en Turquie et en Suisse, un yacht baptisé le Queen Anne, ainsi qu’une villa et un appartement à Istanbul surplombant le Bosphore. Rendu public le mois dernier, l’acte d’accusation américain rédigé à l’encontre de M. Korkmaz inclut les chefs d’inculpation de «complot pour commettre un blanchiment d’argent», d’«entrave à une enquête judiciaire» et de «fraude électronique». Mais dans une interview accordée depuis sa prison à un journaliste turc, M. Korkmaz, qui rejette ces accusations, a indiqué qu’il souhaitait être renvoyé en Turquie où il est aussi recherché. Un responsable turc de l’ambassade à Vienne, qui a requis l’anonymat, a dit à l’AFP qu’Ankara voulait juger M. Korkmaz pour «blanchiment d’argent». Selon l’agence de presse turque DHA, Ankara a transmis à Vienne une demande officielle d’extradition. Si M. Korkmaz était renvoyé en Turquie, l’éventualité d’une extradition future aux Etats-Unis s’évaporerait en raison de différends judiciaires opposants les deux pays, notamment le refus de Washington de livrer à Ankara le prédicateur Fethullah Gülen, ennemi de M. Erdogan. Et une éventuelle bataille juridique au sujet de M. Korkmaz compliquerait davantage les relations turco-américaines qui sont déjà empoisonnées par de nombreux dossiers.