El Watan (Algeria)

L’Arabie Saoudite face à la montée du «misyar»

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Se marier sans trop s’engager : en Arabie Saoudite, le «misyar», une union sans contrainte souvent passée sous secret, connaît un grand succès auprès d’hommes à court d’argent. Mais les critiques dénoncent une pratique qui facilite les relations intimes dans ce pays ultraconse­rvateur. Autorisée depuis des décennies dans le royaume musulman, cette forme d’alliance temporaire prive la femme de certains droits propres au mariage, tels que la cohabitati­on et le soutien financier. Pourtant, le misyar séduit aussi certaines femmes ainsi que des couples non mariés cherchant une couverture religieuse à des relations sexuelles, interdites par l’islam en dehors du mariage. «Le misyar offre un confort, une liberté et une compagnie halal» (autorisée par l’islam), confie à l’AFP un fonctionna­ire quarantena­ire, qui entretient une telle relation avec une veuve d’une trentaine d’années depuis plus de deux ans. Père de trois enfants dans le cadre d’un mariage convention­nel, il dit rendre visite à sa compagne de misyar à Ryad «quand il le veut». «Mon ami a eu 11 épouses secrètes via le misyar. Il divorce et en épouse une autre, divorce et en épouse une autre...», ajoute-t-il. Les Saoudiens comme les expatriés n’hésitent pas à chercher des partenaire­s de misyar sur les applicatio­ns de rencontre et les sites matrimonia­ux.

«PAS DE DOT»

«Le misyar est moins cher. Il n’y a pas de dot, pas d’obligation», explique à l’AFP un pharmacien égyptien de 40 ans à Ryad. Il a commencé à chercher ce type d’union après avoir renvoyé sa femme et son fils de cinq ans au Caire au début de la pandémie de coronaviru­s, en raison de la hausse du coût de la vie en Arabie Saoudite. Il a ainsi fait appel à des entremette­urs sur Instagram pouvant facturer leurs services jusqu’à 5000 riyals (plus de 1000 euros). «Je leur ai dit mes préférence­s : poids, taille, couleur de peau. Mais personne ne correspond jusqu’à présent», raconte le pharmacien égyptien. Ces mariages sont souvent de courte durée, la plupart se terminant par un divorce entre 14 et 60 jours, selon le journal local Al-Watan, citant en 2018 des sources du ministère de la Justice. Le misyar est perçu par certaines femmes comme une échappatoi­re éphémère à la vie de célibatair­e ou une chance de nouveau départ pour les divorcées et les veuves, qui peinent souvent à se remarier. Un proche d’une femme syrienne divorcée à Ryad a affirmé à l’AFP que cette dernière entretenai­t une relation misyar secrète de peur que son ex-mari saoudien ne l’apprenne et demande la garde de leurs deux enfants. Il est impossible d’estimer le nombre de ces unions, souvent réalisées sans trace écrite. Les religieux saoudiens affirment que cette pratique a proliféré depuis 1996, lorsque le grand mufti de l’époque, la plus haute autorité religieuse du royaume, l’a légitimée par un édit islamique. Mais beaucoup s’interrogen­t sur la validité d’une pratique éphémère et peu encadrée, en contradict­ion avec le mariage islamique qui impose notamment la publicité de l’union.

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Une femme à Riyad tient un téléphone montrant l’applicatio­n pour faciliter le «mysiar», une union sans contrainte souvent passée sous secret en Arabie Saoudite

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