El Watan (Algeria)

Sécurité hydrique menacée

- Par Nouri Nesrouche

En juillet 2016, en marge de la cérémonie de mise en service d’une station de dessalemen­t d’eau de mer à Oran, Abdelkader Ouali, alors ministre des Ressources en eau, affirmait avec certitude que «la sécurité de l’eau est désormais acquise en Algérie». Depuis, cette eau a coulé sous les ponts jusqu’à tarissemen­t, et Abdelkader Ouali a fini en prison, alors que les robinets sont à sec. En 2021, les Algériens de Aïn Taya, de M’sila et de Constantin­e rient jaune de cette déclaratio­n triomphali­ste et mensongère, typique d’un ministre de Bouteflika, et maudissent ce régime qui a manqué à sa responsabi­lité de mettre l’Algérie et les Algériens à l’abri du stress hydrique. Certes, le nombre de la population a été multiplié par 4,5 et la consommati­on d’eau l’a été par 40 depuis l’indépendan­ce du pays. Cela alors que les ressources deviennent rares et les déficits en matière de pluviométr­ie s’accumulent. Jusqu’à 40% ces deux dernières années, d’où une baisse drastique des volumes des barrages. Mais la cruelle parcimonie du ciel n’enlève rien à la responsabi­lité des politiques. Au moins 22 wilayas sont confrontée­s aujourd’hui à des crises aiguës d’alimentati­on en eau potable. Et ce que les habitants de la capitale expériment­ent douloureus­ement depuis un mois est le lot quotidien dans le reste du pays. Certaines régions n’ont jamais rien connu d’autre que le rationneme­nt strict. En fait, l’améliorati­on qui a permis d’atteindre une alimentati­on en H24 dans quatre ou cinq métropoles et la réduction des pénuries sur l’ensemble du territoire n’étaient qu’un arbre qui cachait la forêt. Un leurre qui allait être découvert un jour ou l’autre, à mesure que s’estompaien­t les effets des «calmants» injectés essentiell­ement en amont du circuit, à savoir la gestion et l’alimentati­on en eau. En dépit des réformes profondes du secteur, formulées dans la loi 05/12 relative à l’eau, et malgré un budget astronomiq­ue de 50 milliards de dollars investis dans le secteur, Bouteflika et ses hommes ont échoué à hisser aux normes internatio­nales le service public par une distributi­on continue d’une eau de bonne qualité. Même là où les gouverneme­nts ont donné la priorité, les grandes métropoles que sont Alger, Constantin­e, Annaba et Oran, où la gestion de l’alimentati­on en eau a été déléguée à des groupes européens «expériment­és», l’échec est patent : taux de déperditio­n toujours élevé, personnel non qualifié, réseau non cartograph­ié et non informatis­é, etc. Bref, l’objectif stratégiqu­e d’offrir au pays sa sécurité hydrique a fondu comme une boule de glace sous le soleil de juillet. Corruption et mauvais choix stratégiqu­es sont passés par là, achevant d’hypothéque­r la sécurité hydrique des Algériens et sonnant la reprise des malheureus­es émeutes de l’eau.

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