Les exportateurs livrés à eux-mêmes
MANQUE DE LOGISTIQUE ET RIGIDITÉ DES BANQUES
Le soutien apporté par les autorités pour encourager les exportations, notamment vers l’Afrique, ne donne pas réellement ses fruits sur le terrain. Plusieurs opérateurs n’ont pas caché leur pessimisme et leur mécontentement quant aux entraves financières et logistiques rencontrées lors des opérations d’exportation.
Le soutien apporté par les autorités pour encourager les exportations, notamment vers l’Afrique, ne donne pas réellement ses fruits sur le terrain et plusieurs opérateurs n’ont pas caché leur pessimisme et leur mécontentement quant aux entraves financières et logistiques rencontrées lors des opérations d’exportation. Selon certains représentants des entreprises que nous avons interrogés lors du Salon international de l’export et de la logistique qui se tient depuis hier jusqu’à demain 8 juillet au palais des Pins Maritimes à Alger, les exportations vers l’Afrique demeurent toujours risquées et font face à plein d’obstacles, malgré la ratification par l’Algérie de l’accord portant sur la création de la Zone de libreéchange continentale africaine (Zlecaf). Seyyid Ali Boumakhla, responsable des exportations au sein de l’entreprise publique Frigomedit, spécialisée dans l’importation, l’exportation et la commercialisation de fruits et légumes frais, ainsi que tous les produits agroalimentaires, a souligné que les exportateurs en Algérie font face à un manque flagrant de moyens logistiques ainsi qu’à un système financier très rigide et qui ne facilite pas le flux des capitaux. «Nos banques fonctionnent encore comme des administrations et ne prennent aucun risque avec les exportateurs», a-t-il souligné. Certaines banques «considèrent que l’exportateur est un suspect, jusqu’à preuve du contraire», a-t-il encore déploré. Ainsi, avec ces vieux réflexes, il n’est pas facile d’établir un lien de confiance entre les banques et les opérateurs. Le fonctionnement du secteur bancaire n’est pas meilleur dans les autres pays africains, a-t-il ajouté. Selon notre interlocuteur, «plusieurs pays souffrent de systèmes bureaucratiques très lourds, où les opérateurs subissent plein d’entraves pour effectuer les échanges». D’ailleurs, Frigomedit n’est pas très engagée pour se lancer en Afrique et «préfère exporter vers l’Europe et le MoyenOrient», a-t-il fait remarquer. En plus du système financier, M. Boumakhla a souligné aussi le manque des moyens logistiques : «Les routes ne sont pas praticables et les moyens de transport non plus». «Je me demande pourquoi les autorités n’ont pas investi dans le transport ferroviaire, c’est beaucoup plus pratique et il permet de gagner du temps et baisser les coûts», a-t-il indiqué. Pour sa part, le représentant d’une entreprise de vente de tubes et accessoires en Inox, Almod Plus en l’occurrence, «la fermeture des frontières a beaucoup impacté le déploiement des entreprises algériennes en Afrique, causant ainsi du retard sur le plan concurrentiel». Lui aussi n’a pas manqué de signaler l’absence du réseau des banques algériennes en Afrique, ce qui rend les échanges avec certains pays très risqués. Notre interlocuteur a évoqué le cas de la Libye, en indiquant que leurs banques «sont blacklistées», donc il devient risqué d’effectuer des opérations d’échange avec ce pays. Dans ces conditions, les échanges avec les pays africains, notamment par les opérateurs privés, tendent de plus en plus vers l’informel, vu le manque de moyens d’échange qui arrangent les opérateurs des différents pays, nous ont confirmé certains exposants. C’est le cas de l’activité du troc, qui est effectuée avec les pays voisins du Sud.
L’OPTIMISME DES DIPLOMATES
Cependant, les représentants diplomatiques de certains pays africains présents au Salon ont affiché leur optimisme quant à l’évolution des échanges en Afrique, notamment avec l’Algérie. C’est le cas de Drissa Dembele, second conseiller économique à l’ambassade du Mali à Alger, qui a souligné le grand potentiel qui existe en termes d’échanges entre les deux pays frontaliers, le Mali et l’Algérie. M. Dembele a indiqué que «les échanges entre nos deux pays existent depuis des siècles, et la ratification de la création de la Zlecaf ne peut que booster ces échanges» et «lever les barrières tarifaires entre nos deux pays». Selon ses explications, «il existe une certaine concurrence des produits qui rentrent de la zone de la Cédéao, qui ne sont pas soumis aux taxes et qui concurrencent les produits algériens qui eux sont taxés au Mali». Mais avec l’entrée en vigueur de la Zlecaf, les exportations algériennes au Mali ne seront pas taxées, a-t-il encore expliqué. Tout de même, il a souhaité une «certaine réactivité de la part de l’Algérie» afin de réaliser ces objectifs, affirmant que l’Algérie exporte jusqu’à 2 millions de dollars vers le Mali, notamment le ciment. Pour les représentants de l’ambassade de l’Afrique du Sud en Algérie, le premier secrétaire politique et économique Bernard Lezodi, ainsi que le conseiller en politique Rankhumise Sello Patrick ont considéré que le lancement de la Zlecaf «ne peut qu’aider les pays africains à accroître leurs échanges économiques et combattre la pauvreté dans le continent et améliorer la croissance économique». Ils ont estimé que la volonté politique existe et que des moyens sont en train de se mettre en oeuvre pour améliorer la logistique et offrir plus de flexibilité. Toutefois, ils ont appelé à ce qu’il y ait des efforts en commun dans chaque région d’Afrique afin d’atteindre ces objectifs.