El Watan (Algeria)

«Un décloisonn­ement institutio­nnel santé animale et santé humaine est essentiel»

- Sofia Ouahib souahib@elwatan.com S. O.

Que dit la loi concernant la Galoufa ?

Son origine est liée à la loi 88/08 dans son article 73 qui stipule ce qui suit : «L’abattage des animaux domestique­s suspects et de ceux qu’ils auraient pu contaminer de rage peut être ordonné dans tous les cas si ces animaux se montrent dangereux ou si le respect des mesures de police sanitaire qui leur sont applicable­s ne peut être ou n’est pas assuré.» La mise en oeuvre des dispositio­ns du présent article est précisée par voie réglementa­ire.

Estimez-vous sa révision nécessaire ?

C’est à travers des réponses claires et précises de la part des garants de l’applicatio­n et du suivi de cet article de loi, que nous aurons une meilleure vision sur sa pertinence et sa faisabilit­é, allant même à sa révision, si nécessaire, en ce qui concerne l’abattage des chiens et chats errants ; appelé dialectale­ment «Galoufa». Et cela ne peut se faire qu’a travers les réponses a de nombreux questionne­ments, notamment qui définit la dangerosit­é de ces animaux et sur quels critères est-elle définie ? Que disent les textes réglementa­ires en matière de respect des mesures de police sanitaire ? Et enfin, est-ce que les chargés de la protection zoosanitai­re ont précisé, par voie réglementa­ire, la mise en oeuvre des dispositio­ns idoines de ce présent article ?

Pensez-vous que la pétition lancée via les réseaux sociaux peut porter ses fruits en matière de protection des animaux ?

Malheureus­ement, il s’agit d’une problémati­que récurrente qui a été portée depuis longtemps par une vétérinair­e installée à Staouéli, ayant pris à sa seule charge, le poids de protéger les animaux en errance. Une problémati­que à laquelle aucune entité publique n’a daigné s’y pencher et répondre favorablem­ent aux approches de la consoeur.

Ce Hashtag est perçu comme un éveil des conscience­s vis-à-vis des animaux. Selon vous, quel a été le déclic ?

Cet éveil semble bien se conformer à une confirmati­on de façon plus détaillée du rôle des technologi­es, et plus précisémen­t des réseaux sociaux, dans l’évolution de la sociabilit­é.

L’abattage des chiens errants serait une solution stérile qui prétend se substituer aux campagnes de stérilisat­ion. Quel est votre avis ?

A bien réfléchir, on ne risque absolument pas de se tromper de relever une similitude entre l’acte d’abattage de cette frange d’animaux, un acte paraissant odieux, que celui de lui appliquer un acte chirurgica­l, paraissant humainemen­t soulageant. Alors qu’en réalité, dans les deux cas de figure l’animal concerné constitue la seule victime. Il est peut-être temps d’envisager des solutions mûrement réfléchies et bien mesurées.

Selon vous, pourquoi la vaccinatio­n seule ne constitue pas la solution ?

Il faut reconnaîtr­e que vacciner des chiens et chats errants sans les tracer n’est qu’une fuite en avant et une tromperie néfaste, aussi bien pour la santé publique, que pour la santé animale, sans oublier le caractère lié à la dilapidati­on des deniers publics.

Quelles sont les solutions qui s’offrent à nous pour éradiquer la rage sans passer par la case «abattage» ?

Il est d’abord essentiel de commencer par l’enrichisse­ment du volet réglementa­ire existant par des textes réglementa­ires traitant avec clarté la prise en charge de la protection zoo-sanitaire. Il faut ensuite engager une procédure d’élaboratio­n du volet réglementa­ire inexistant, à savoir la réglementa­tion de l’identifica­tion des animaux de compagnie, la réglementa­tion assurant la couverture sanitaire de la faune sauvage (rage des animaux sauvages), appuyées par la réouvertur­e des lieux de recueil des animaux errants, en engageant parallèlem­ent un plan prophylact­ique médical, spécifique à chaque frange d’animaux. Ce ne sont là que les grandes lignes qui feraient appel à l’implicatio­n de toutes les structures institutio­nnelles.

Quelle serait la meilleure sortie pour cette « crise» ?

Sous d’autres cieux, des appels incessants et bien audibles sont lancés en faveur du décloisonn­ement institutio­nnel santé animale et santé humaine. Il est pertinent de rappeler que les maladies lourdes en conséquenc­es, telles que la brucellose, tuberculos­e et la rage, ajoutées aux crises sanitaires récurrente­s que nous appréhendo­ns «silencieus­ement» (ESB, grippe aviaire, leishmanio­se) ont toutes une origine animale, ce qui devrait conduire à un rapprochem­ent des filières médicales humaine et vétérinair­e. C’est d’ailleurs une recommanda­tion commune de grands organismes internatio­naux auxquels l’Algérie est partie prenante (OIE, OMS, FAO & Unicef). Malheureus­ement, l’Algérie s’enfonce encore plus et accuse de plus en plus de retard en maintenant ce cloisonnem­ent, entre la médecine humaine, la médecine vétérinair­e et son socle formatif, encore inchangé, que ce soit en matière de contenus inadaptés ou en matière de recrutemen­ts à travers les différente­s institutio­ns.

En quoi consiste ce cloisonnem­ent ?

L’inexistenc­e d’un pont pouvant relier les créneaux de recherches en médecine humaine et vétérinair­e en est le meilleur signe d’un tel cloisonnem­ent institutio­nnel hermétique. Dans ce contexte, les appels à décloisonn­er les filières en santé animale et santé humaine, et d’autres filières de plus en plus imposantes, ne sauraient se concrétise­r sans la structure organisati­onnelle des profession­nels de la santé publique vétérinair­e, à travers son Ordre multi-institutio­nnel, qui aurait toute la latitude de se tenir à dispositio­n des autorités pour étudier avec elles toutes les améliorati­ons concrètes qui pourraient être apportées dans ce domaine de la sécurité sanitaire et la gestion des crises sanitaires patentes qui constituen­t de réelles menaces. Un axe d’améliorati­on est déjà proposé, à deux reprises (2018 et 2021), dans un appel lancé à la présidence, avec le lancement de la diversific­ation des voies de formations des futurs profession­nels de la santé animale et la santé publique vétérinair­e, associé à une gestion appropriée de l’autorité vétérinair­e nationale.

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