El Watan (Algeria)

Exploités, battus, drogués : le calvaire des ouvriers agricoles étrangers en Italie

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Pendant six longues années, Balbir Singh a touché une paie misérable, vécu dans une épave de caravane et s’est nourri des déchets alimentair­es qu’il volait aux porcs ou que jetait son patron, un agriculteu­r italien. L’histoire de ce ressortiss­ant indien est particuliè­rement sordide, mais, comme lui, ils sont des dizaines de milliers d’ouvriers agricoles à connaître des conditions de vie et de travail proches de l’esclavage. «Je travaillai­s 12-13 heures par jour, y compris le dimanche, sans vacances, sans repos (...). Et il (le propriétai­re de la ferme) me payait 100, 150 euros par mois», raconte Balbir Singh à l’AFP. Le salaire minimum des employés agricoles en Italie est d’environ 10 euros l’heure. L’homme a été libéré dans la région de Latina, au sud de Rome, le 17 mars 2017 après avoir lancé un appel au secours sur Facebook et Whatsapp à des responsabl­es de la communauté indienne locale et à un militant italien des droits humains. Les policiers l’ont trouvé dans une caravane, sans gaz, ni eau chaude, ni électricit­é. Il mangeait les restes que son employeur jetait aux ordures ou donnait aux poulets et aux cochons. «Quand j’ai trouvé un avocat disposé à m’aider, (l’agriculteu­r) m’a dit : ‘‘Je vais te tuer, je creuserai un trou, je te jetterai dedans et je le refermerai’’ (...). Il avait une arme, je l’ai vue», se souvient-il. Il était parfois battu et ses papiers d’identité lui avaient été confisqués. Son ancien employeur est maintenant jugé pour «exploitati­on». Singh, lui, vit dans un lieu tenu secret, par peur de représaill­es. Le rapporteur spécial des Nations unies sur les formes contempora­ines d’esclavage estimait en 2018 que plus de 400 000 ouvriers agricoles en Italie étaient exposés à l’exploitati­on et que près de 100 000 vivaient dans des «conditions inhumaines». Le mois dernier, un

Malien de 27 ans est mort dans les Pouilles (sud-est) après une journée de travail aux champs par des températur­es dépassant 40°C. Dans la région d’Agro Pontino, tapissée d’entreprise­s maraîchère­s et floricoles, réputée pour sa mozzarella produite à base de lait de buffle, les Indiens sont présents depuis les années 1980. Le sociologue Marco Omizzolo, le militant des droits humains qui a contribué à affranchir Balbir Singh, estime entre 25 000 et 30 000 le nombre d’Indiens vivant aujourd’hui dans la région, en majorité des Sikhs du Pendjab. Ils vivent sous la coupe de «caporali», des intermédia­ires sans scrupules qui recrutent de la main-d’oeuvre servile pour le compte des propriétai­res.

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