LES CENTRES DE VACCINATION PRIS D’ASSAUT
● Dans la petite foule qui joue des coudes dans le centre de vaccination de la place du 1er Mai (Alger), beaucoup de personnes âgées ● Presque autant de femmes que d’hommes ● Sous une chaleur étouffante, le personnel de l’EPSP Bouchenafa accueille jusqu’à
Dans la petite foule qui joue des coudes dans le centre de vaccination de la place du 1er Mai (Alger), il y a beaucoup de personnes âgées Autant de femmes que d’hommes. Sous une chaleur étouffante, le personnel de l’EPSP Bouchenafa accueille jusqu’à 600 personnes…
Place du 1er Mai, samedi 10 juillet. Les chapiteaux installés par l’établissement Mobilier Confort Urbain (MCU) de la wilaya d’Alger ne désemplissent pas. Le personnel de l’établissement public de santé de proximité (EPSP) Bouchenafa (Sidi M’hamed) réquisitionné pour assurer la campagne de vaccination «élargie» est fortement sollicité : si les premiers jours, les chapiteaux recevaient à peine une cinquantaine de personnes quotidiennement, avec la hausse des cas de contamination, ce nombre est en constante augmentation. «Je suis un sceptique assumé. Je suis venu une première fois, il y a une semaine, mais je suis vite reparti chez moi. Là, je suis plutôt rassuré. La peur de la contamination a peut-être joué. Je me suis dit que, finalement, nous n’avons que la vaccination pour éviter les formes graves de la Covid-19», affirme un quinquagénaire tiré à quatre épingles, habitant les Groupes. Fin mai, le ministère de la Santé a invité les citoyens désirant se faire vacciner contre la Covid-19 à se présenter au niveau des structures de santé de proximité dédiées à cet effet. La priorité était alors accordée aux personnes âgées de plus de 60 ans et à celles présentant des comorbidités. A la mi-juin, changement de stratégie : le département de Benbouzid a appelé la population à se présenter directement dans ces structures sans passer par la plateforme d’inscription. Le ministre de la Santé, en visite dans des espaces publics destinés à la vaccination à Alger, a rassuré quant à la mise à disposition d’une quantité «suffisante» de vaccins, exhortant la population à aller se faire vacciner «en vue de diminuer le taux de transmission du virus». Cité par l’APS, Benbouzid a même annoncé l’ouverture de toutes les salles de soins et les établissements de santé de proximité, en sus des espaces publics, des brigades mobiles dans certaines régions reculées, des mosquées et des administrations publiques et privées «à l’effet de vacciner un plus grand nombre de citoyens en vue d’un retour à la normale». Dans la petite foule qui joue des coudes dans cet espace exigu de la place du 1er Mai, saturé d’humidité, beaucoup de personnes âgées. Presque autant de femmes que d’hommes. Les agents de l’EPSP, courtois, les répartissent, une fois inscrits sur simple présentation d’une carte d’identité, dans les deux barnums faisant officie de salles d’attente. «Nous avons distribué tous les jetons à l’ouverture, à 8h. Nous avons ouvert la liste, et là on est à 30 inscrits», signale l’agent installé devant son pupitre encombré de bouteilles d’eau vides et protégé des dards du soleil par un parasol improbable. «Je suis arrivé à 11h30, on m’a remis le jeton portant le numéro 162. Je n’ai pas voulu rester par cette chaleur sous une tente surchauffée, où la distanciation sociale n’est pas respectée, les chaises se touchent presque. On peut facilement chopper le virus. On m’a demandé de revenir dans deux heures. Je suis revenu à 15h. Je risque d’attendre encore quelques minutes. Pourtant, quand l’espace a ouvert, l’agent qui était là priait presque les gens pour venir se faire vacciner. Je pense qu’il y aura plus de monde demain et les prochains jours. La hausse des cas de contamination a finalement pu convaincre les gens de se déplacer, parfois en famille», estime un sexagénaire venu avec son ami du quartier Necera Nounou (Belouizdad).
«MON SOUCI PREMIER EST DE RESTER EN VIE !»
A l’intérieur des chapiteaux, le personnel de l’EPSP s’affaire depuis le matin. Les tâches sont réparties : accueil à l’entrée, inscription, entretien avec le médecin qui porte sur un carton les données du patient (identité, adresse, structure d’accueil pour la deuxième injection, etc.) Une fois vacciné, le patient doit attendre un quart d’heure son inscription sur un logiciel avant de récupérer ses cartes de vaccination et d’identité. «Il y avait à peine une cinquantaine de patients. Maintenant, nous en sommes à 600. Six médecins sont mobilisés pour prendre en charge ce flux», signale le Dr Boudissa. Dans la petite file d’attente qui se forme à l’entrée des questions fusent : comment s’inscrire ? Doit-on se munir d’une carte d’identité ? Quel est le vaccin disponible ? «Je dois partir dans quelques semaines en Espagne. J’ai ma femme qui m’attend pour notre acte de mariage. Quel est le vaccin qui me permet d’aller en Europe ? Le Sinovac chinois n’est pas reconnu. AstraZeneca, si. Mais je suis jeune, et là, visiblement, on ne peut pas me l’inoculer. Vrai ?» s’interroge ce jeune, la vingtaine à peine entamée. L’agent lui suggère d’aller voir dans les autres structures de santé de proximité «s’il peut se faire injecter le vaccin anglais (AstraZenaca)». Une dame intervient : «J’ai vu ma voisine mourir à cause de la Covid. Elle avait la cinquantaine. Pour moi, il est surtout important de se prémunir. J’entends ici ou là des histoires sur la fiabilité des vaccins disponibles chez nous, à savoir le chinois Sinovac et l’anglais AstraZeneca. Mon souci est de rester en vie.» «Partir en Europe ? Jamais», lance-t-elle en direction du jeune, dubitatif. En fin d’après-midi, sous une chaleur étouffante, une file d’attente se forme devant le pupitre. «Nous avons arrêté la liste. Revenez demain. Mais très tôt le matin si vous voulez passer avec les premiers groupes. Il y aura plus de monde dans les prochains jours», assure l’agent, nullement impressionné par le nombre de citoyens qui se présentent depuis le matin. «A ce rythme, il faudra renforcer la sécurité ou même ouvrir d’autres centres pour accueillir plus de monde», remarque son voisin, qui estime que la hausse des cas a fait affluer les gens «par centaines».