Le dumping politique
L’alchimie politique à laquelle a recouru le président Tebboune pour se tailler une majorité présidentielle lui permettant d’avoir les mains totalement libres dans le choix du chef de l’Exécutif et des membres du gouvernement a révélé, à l’usage, en amont, une volonté politique de contrôle absolu des pouvoirs constitutionnels. Le choix politique stratégique porté sur l’option de la majorité présidentielle pour soutenir le programme présidentiel aux dépens de celle de la majorité parlementaire qui renforce, dans les Etats de droit, l’exercice démocratique du jeu parlementaire, préfigurait, au départ déjà, l’orientation générale de la gouvernance politique mise en oeuvre. Bien que n’ignorant pas les conditions politiques marquées par un boycott massif du scrutin dans lesquelles s’étaient tenues les législatives du 12 juin dernier, les partis de la majorité présidentielle ayant fait leur entrée au Parlement, avec un déficit de légitimité lourd à porter, se sont pris au jeu des parfaits vainqueurs, en exigeant, dès la proclamation des résultats des élections, des gratifications en postes ministériels et à la présidence de l’APN pour les formations qui convoitaient le perchoir du palais Zighout Youcef. Durant près d’un mois, après le scrutin, ils ont tenté de faire monter la mayonnaise, campant une posture de leadership politique qui ne correspond pas à leurs véritables poids et ancrage populaires, se renvoyant à la face leur supposé poids électoral pour négocier, au mieux, les postes au gouvernement, au Parlement et, ultérieurement, dans les institutions, les collectivités locales et dans la haute administration, qui constituent un réservoir traditionnel du pouvoir pour récompenser ses clientèles politiques. Ces formations qui ont fait du soutien à tous les pouvoirs successifs leur ADN politique ont inventé de nouvelles moeurs politiques pratiquant un dumping suspect. «Même si aucun poste ministériel ne nous sera octroyé, notre soutien au programme présidentiel sera total et inconditionnel», avait déclaré, tout haut, le président du parti islamiste El Bina lors des consultations pour la formation du gouvernement, tout en nourrissant l’espoir, bien évidemment, que le pouvoir reconnaîtra les siens. Ce qui ne fut pas le cas. Le moins que l’on puisse dire est que tous les partis de la majorité présidentielle, sans exception, ont été mal récompensés en retour, pour ne pas dire humiliés. Le FLN, le RND, le Front El Moustakbal, le parti El Bina ont subi, en effet, la double peine. La première, en essuyant un cinglant désaveu populaire à travers le taux d’abstention historique aux législatives du 12 juin dernier, et la seconde, en se contentant de strapontins dans le nouveau gouvernement. Et une présence symbolique et formelle dans des départements ministériels techniques, traditionnellement réservés au titre des lots de consolation pour la clientèle périphérique du système. En tout et pour tout, dans leur escarcelle, seulement une dizaine de portefeuilles ministériels ! Le plus nanti d’entre eux, le FLN, qui aspirait à rafler la mise en tant que «première force politique», n’a engrangé que 4 postes ministériels, tout en remisant au placard ses prétentions de présider le Parlement face au candidat issu du groupe parlementaire des «indépendants» adoubé par le pouvoir. Exclus de la présidence de l’APN et de la conduite du gouvernement, très peu représentés dans l’Exécutif, peu influents dans le bureau et les commissions permanentes de l’Assemblée nationale du fait de leur émiettement, pour les partis de la majorité présidentielle, le désenchantement fut total. Pour autant, ils ont accepté de boire le calice jusqu’à la lie. Aucune réaction ni contestation, pas même du bout des lèvres.