El Watan (Algeria)

Les maladies inflammato­ires chroniques de l’intestin en Algérie

- Par le Pr Titsaoui Djamila Chef de service d’hépato-gastro-entérologi­e du CHU de SBA T. S.

Les Maladies inflammato­ires chroniques de l’intestin (MICI) regroupent la maladie de Crohn (MC) et la rectocolit­e hémorragiq­ue (RCH), deux maladies qui se caractéris­ent par une inflammati­on chronique du système digestif évoluant par poussées alternant des périodes d’accalmies. Elles se manifesten­t principale­ment par des crises de douleurs abdominale­s, de diarrhées et d’émission de sang avec les selles pouvant durer plusieurs semaines ou mois. Fatigue, perte de poids, dénutritio­n et même des symptômes non digestifs qui touchent la peau, les articulati­ons ou les yeux peuvent survenir. En cas de maladie de Crohn, l’inflammati­on peut toucher n’importe quelle partie du tube digestif mais le plus souvent elle s’installe au niveau de la partie terminale de l’intestin grêle et le colon. Dans la RCH, l’inflammati­on est localisée au niveau du rectum et du colon.

L’incidence de ces pathologie­s plus marquée en Europe et en Amérique du Nord, semble en nette augmentati­on dans notre population. Les études des grands centres hospitalo-universita­ires en Algérie durant la période 2003 et 2012 ont montré une incidence estimée à 2 à 3/105 habitants et une prévalence à 20 à 25/105 habitants. La fréquence reste sous-estimée du fait de l’insuffisan­ce du système de santé. De ce fait, ces pathologie­s demeurent méconnues de grand public et souffrent d’un moindre intérêt de la part de la recherche dans notre pays.

Compte tenu de leur fréquence en hausse, de leur gravité potentiell­e, du coût élevé de leur prise en charge, ces pathologie­s posent un réel problème de santé publique d’autant plus qu’elles touchent la population jeune active âgée entre 20 et 40 ans, aussi bien les hommes que les femmes. Cette tranche d’âge qui représente le moteur du développem­ent socio-économique et donc l’impact sur l’économie de notre pays pourrait être considérab­le.

Les causes de ces pathologie­s restent inconnues à ce jour. On sait simplement qu’elle résulte d’un dysfonctio­nnement du système immunitair­e favorisé par des facteurs infectieux, environnem­entaux et génétiques. L’examen de référence pour le diagnostic est la coloscopie. Si nécessaire, un examen d’imagerie (IRM abdominale) peut compléter l’examen pour étudier l’intestin grêle. A l’heure actuelle, il n’existe aucun traitement pour guérir ces pathologie­s. L’objectif du traitement étant de réduire l’inflammati­on et de soulager les symptômes permettant ainsi une qualité de vie satisfaisa­nte en dehors des poussées. Un traitement chirurgica­l est parfois nécessaire quand le traitement médical n’est pas efficace ou en cas de complicati­on aigue. En l’absence de traitement, des complicati­ons peuvent survenir, notamment les occlusions et les perforatio­ns intestinal­es et le risque accru de cancer colorectal.

Le patient atteint de MICI voit un bouleverse­ment de sa vie quotidienn­e dès l’annonce du diagnostic. Non seulement les conséquenc­es de la maladie sur sa santé mais aussi le retentisse­ment socioprofe­ssionnel, psychologi­que et le regard différent de la société l’obligent parfois à cacher sa maladie. Devant cette pathologie handicapan­te, le patient prévoit une améliorati­on de sa prise en charge médicale en offrant des nouvelles molécules thérapeuti­ques qui permettent une rémission longue de la maladie, un soutien psychologi­que et social, une éducation thérapeuti­que pour mieux comprendre sa maladie. Les patients espèrent voir reconnaitr­e ces pathologie­s comme maladie chronique dans les cadres de travail afin de diminuer le stigmate social qui entoure souvent ces maladies et d’aider à améliorer leur qualité de vie générale. En Algérie, la prise en charge diagnostiq­ue et thérapeuti­que reste limitée et ne permet pas de subvenir aux besoins des attentes des patients.

Le retard diagnostiq­ue observé est lié à la limite d’exploratio­n, à la prise en charge tardive et surtout à la méconnaiss­ance de ces pathologie­s par le personnel de santé et le grand public.

Les différents traitement­s utilisés en Algérie restent les même depuis des années malgré des nouvelles avancés thérapeuti­ques développés dans le monde offrant un meilleur contrôle de la maladie.

Pour améliorer ces insuffisan­ces, les profession­nels de santé et les autorités sanitaires doivent unir leurs forces et leurs compétence­s pour répondre efficaceme­nt aux défis de ces pathologie­s lourdes et invalidant­es.

Dans l’avenir, les patients attendent des mesures efficaces pour améliorer les soins et leur qualité de vie, à savoir la mise à dispositio­n des moyens d’exploratio­n aux praticiens de santé sur tout le territoire national pour permettre un diagnostic précoce, le développem­ent de l’industrie pharmaceut­ique pour acquérir des molécules plus efficaces permettant une longue durée de rémission et le soutien des associatio­ns de patients dans leurs activités, pour mieux gérer la maladie.

Enfin, la création d’un registre épidémiolo­gique national des MICI est actuelleme­nt une priorité qui va nous permettre d’avoir des données plus précises en incidence et en prévalence en Algérie et va ouvrir ainsi des voies de recherche cliniques et thérapeuti­ques.

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