El Watan (Algeria)

Intolérabl­e

- Par Tayeb Belghiche

Quelle mouche a donc piqué le Maroc ? On sait que les relations avec l’Algérie ne sont pas au beau fixe mais pas jusqu’à aller à des provocatio­ns dangereuse­s et inacceptab­les. C’est ce que vient de faire l’ambassadeu­r de sa majesté aux Nations unies, à New York. Il vient de distribuer aux membres des pays non-alignés une déclaratio­n officielle dans laquelle le Maroc annonce son soutien au «droit à l’autodéterm­ination du peuple kabyle». Incroyable ! Voilà un pays qui déclare son appui à une sédition dans un pays voisin. Pourquoi une telle agressivit­é, une telle déclaratio­n de guerre ? Pour nettement moins que ça, des pays se sont embrasés. Le bon sens et la sagesse des dirigeants algériens ont voulu qu’Alger refuse de répondre à cette ridicule rhétorique pour ne pas insulter l’avenir. Le makhzen nous a habitués à de telles légèretés qui ridiculise­nt leur auteur. Rabat croit-il qu’un tel excès de langage va infléchir les positions traditionn­elles de l’Algérie à l’égard des problèmes internatio­naux ? S’il pense au conflit qui l’oppose au peuple sahraoui, il faut seulement rappeler que ce sont le Maroc et la Mauritanie qui ont initié, en 1964, la résolution onusienne qui reconnaît le droit aux population­s du Sahara occidental à l’autodéterm­ination et à l’indépendan­ce. L’Algérie n’a fait que les suivre par respect pour la légalité et le droit internatio­naux. C’est le palais royal qui avait trahi ses engagement­s à la suite de deux tentatives de coup d’Etat, entraînant Nouakchott dans son déni. Il avait cherché l’occasion d’éloigner l’armée de son trône et il avait trouvé l’invasion du Sahara occidental comme parade. A l’époque, Hassan II avait d’abord proposé à Boumediène de partager le territoire. Devant le refus de ce dernier, il s’était alors tourné vers Ould Daddah qu’il avait réussi à entraîner dans ses aventures… et à sa perte. Depuis, le makhzen s’est empêtré dans ses problèmes avec l’Algérie. Voilà qu’il trouve aujourd’hui la Kabylie comme nouvelle opération de diversion. La Kabylie, c’est le coeur battant de l’Algérie dont elle a toujours été partie intégrante. C’est la diaspora kabyle qui a été à l’avantgarde dans la lutte pour la liberté, et ce sont les ouvriers kabyles de France qui ont créé en 1924 l’Etoile nord-africaine. En 1963, le colonel Mohand Oulhadj était dans le maquis FFS, mais dès l’agression marocaine, il avait rejoint les frontières pour défendre l’unité nationale et la patrie menacée. On n’en dirait pas autant du royaume du Maroc qui a eu à subir jusqu’en 1925 la République du Rif de Abdelkrim El Khattabi et qui n’a dû son salut qu’à une interventi­on militaire franco-espagnole. Sa faiblesse ne l’a pas empêché de caresser des rêves de grandeur et d’expansion au détriment de ses voisins. Durant toute son histoire, l’Algérie a toujours été sa principale cible. Au point que Hassan II avait ouvert des camps d’entraîneme­nt pour les terroriste­s islamistes du GIA, et avait accueilli l’un de ses chefs, Layada, croyant avoir affaire à un théoricien de la guerre. Il s’était empressé de s’en débarrasse­r quand il s’est aperçu que c’était une coquille vide. Malgré les activités déstabilis­atrices de Rabat, les Algériens avaient fait preuve d’une grande retenue et d’une grande sagesse, tout cela pour sortir la région de la zone de turbulence­s. Les sentiments n’ont malheureus­ement pas cours de l’autre côté de la frontière ouest. Jusqu’à ce jour, le Maghreb arabe n’existe que sur le papier et il n’est pas près d’être concrétisé.

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