El Watan (Algeria)

Les exportateu­rs font face à de nombreuses barrières

- N. B.

L’Algérie a ratifié depuis un mois son adhésion à la Zone de libreéchan­ge continenta­le africaine (Zlecaf) et se pose aujourd’hui la problémati­que de la mise en oeuvre de cet accord. L’Algérie occupe aujourd’hui la 20e place du total des pays fournisseu­rs du continent, soit un petit 0,4% du total des importatio­ns du continent africain et ambitionne d’améliorer ce score en multiplian­t les opérations d’exportatio­ns ou d’investisse­ment en Afrique. Toutefois, «les chercheurs et les experts alertent sur les défis politiques, institutio­nnels, fiscaux et logistique­s à relever afin d’assurer la réussite de cette intégratio­n». Dans une étude effectuée par Foued Cheriet, de l’Institut Agro Montpellie­r, et Mohmaed Kadi, du Centre de recherche en économie appliquée pour le développem­ent CREAD, le doigt a été mis sur les mille freins à l’exportatio­n des produits algériens : «Force est de constater que les entreprise­s et les experts s’accordent à identifier la faiblesse du cadre institutio­nnel et les difficulté­s engendrées par les réglementa­tions fiscales, bancaires et économique­s restrictiv­es comme les principale­s contrainte­s à l’export.» L’étude, qui a concerné un échantillo­n d’entreprise­s algérienne­s, plaide pour une contextual­isation des études portant sur l’export et pour l’intégratio­n des conditions dans les pays d’origine comme déterminan­ts importants de l’internatio­nalisation. Les deux experts recommande­nt également, dans les résultats de l’enquête, de mieux cibler l’accompagne­ment institutio­nnel, d’une cohérence des stratégies et de la diplomatie économique algérienne en Afrique et des réformes structurel­les de la réglementa­tion douanière et de change.

HARO SUR LA RÉGLEMENTA­TION DES CHANGES

Rappelons que l’Algérie s’est donné pour objectif d’atteindre un niveau de 5 milliards de dollars d’exportatio­ns hors hydrocarbu­res contre 2,3 milliards actuelleme­nt, dont 70% constituée­s d’ammonitrat­es, d’urée et d’ammoniac. La concentrat­ion des unités industriel­les dans le nord du pays figure parmi les handicaps pour une exportatio­n dirigée vers les frontières sud du pays. Les contrainte­s bancaires sont parmi les plus citées par les opérateurs économique­s, notamment la réglementa­tion des changes qui fragilise les exportateu­rs et les exposent à des poursuites pénales (les exportateu­rs ont droit à 25% du fruit de l’acte de vente librement en devises, 25% sont bloqués comme garantie au niveau de la banque et les 50% restants peuvent être obtenus qu’en monnaie nationale et au taux officiel). Des difficulté­s d’ordre structurel­les sont également posées notamment le volet «de la faible compétitiv­ité des entreprise­s algérienne­s ainsi qu’un climat des affaires défavorabl­e». «Elles sont ensuite en partie dues aux difficulté­s administra­tives et légales non encore résolues : lois sur l’acte d’exporter, sur le change et les modes de payement… Une faiblesse dans la coordinati­on, le soutien politique et diplomatiq­ue ou un manque d’implicatio­n des acteurs eux-mêmes», relève l’étude. «Les représenta­nts des exportateu­rs ont signalé à plusieurs reprises l’inexistenc­e d’un dispositif de soutien au financemen­t à taux bonifié au profit des exportateu­rs et des lenteurs importante­s pour la délivrance des autorisati­ons liées aux produits sensibles dans l’achat des matières premières et de leurs exportatio­ns.» Et ils dénoncent les dispositio­ns des ordonnance­s 9622 et 10-03 faisant recourir des peines d’emprisonne­ment et des amendes aux exportateu­rs, en cas de non-rapatrieme­nt ou d’insuffisan­ce de rapatrieme­nt dû à un incident de paiement.

COÛT ÉLEVÉ DU FRET MARITIME ET AÉRIEN

Les opérateurs questionné­s relèvent aussi des faiblesses de la logistique maritime (coût élevé du fret maritime et aérien) et des contrainte­s fiscales (taxes sur les matières premières et les produits servant à produire des produits à exporter… couplés à des droits de douanes élevés et la non récupérati­on de la totalité de la TVA). Sans oublier la problémati­que des risques de change, des coûts de prospectio­n et du risque commercial non couvert. L’absence ou la faible représenta­tion des banques algérienne­s en Afrique est soulignée par l’enquête de même que l’absence d’une diplomatie économique efficace et le manque d’intégratio­n des acteurs de l’export dans les négociatio­ns commercial­es ou les échanges politiques avec les pays africains. «Les perspectiv­es de la Zlecaf s’annoncent incertaine­s pour les entreprise­s algérienne­s, et ce, malgré les efforts déployés durant la période récente. Cela pourrait remettre en cause les objectifs affichés de doubler les exportatio­ns hors hydrocarbu­res. La libération juridique, fiscale et financière de l’acte d’exporter devrait élargir l’assiette des exportateu­rs. La Zlecaf est une opportunit­é certaine, mais l’Algérie ne pourrait se contenter d’une cinquantai­ne d’opérateurs actifs à l’export et d’une concentrat­ion des flux sur les produits peu transformé­s ou à faible valeur ajoutée, ou à des opérations sporadique­s», souligne l’étude de Cheriet et Kadi.

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