Apprendre des expériences passées
Ce triste épisode de l’histoire mondiale risque de s’oublier facilement par les dirigeants et les populations dans deux à trois ans sans en tirer les leçons sur les conséquences tragiques vécues par tous les citoyens du monde. On compte beaucoup sur la réintégration des Etats-Unis au sein des signataires de l’accord de Paris sur le climat pour réduire les conséquences dramatiques de la pollution sur la biosphère. Mais ce n’est pas gagné. Les efforts à faire sont si colossaux qu’on risque de continuer à faire trop peu trop tard et subir des dévastations beaucoup plus graves que celles de la Covid-19. L’Organisation de la coopération mondiale est défaillante dans de nombreuses dimensions. Les institutions en charge des problèmes communs sont affaiblies par l’égoïsme des grandes puissances qui veulent s’arroger le maximum de pouvoir en protégeant seulement leurs citoyens et leurs pays. En second lieu, les ressources mobilisées pour les causes communes sont dérisoires par rapport aux exigences des défis contemporains. Il est aussi important de noter que les pays dont les citoyens sont disciplinés arrivent à mieux gérer des situations comme les pandémies. Les véritables mesures arrêtées sont respectées. La Corée du Sud est prévue d’avoir un faible taux de croissance pour 2020 : +0,1%. mais pas de recul (ou très faible) de son activité. Pourtant, au début, elle était le pays le plus touché après la Chine. Mais la discipline de sa population (port de masque, distanciation etc.) avait permis de minimiser drastiquement les conséquences négatives de la pandémie. Idem pour la Chine pourvoyeuse de la catastrophe. Elle va même connaître une croissance de 2,1% (au lieu de 7,5)% mais elle a évité le pire. L’Asie s’en tire mieux. L’Europe et l’Amérique payent le prix fort. La discipline civile n’a pas prévalu. Beaucoup de pays, au lieu de discipliner leurs populations prennent des décisions insensées (couvrefeu, limitation des déplacements, fermeture de commerces, d’écoles etc.), des mesures qui ne servent strictement à rien si on est incapable de discipliner la population (porter le masque correctement, lavage des mains, distances, etc.). La courbe d’expérience des nations s’améliore-t-elle ? On attribue à la courbe d’expérience des entreprises des impacts stratégiques parfois essentiels dans l’amélioration de la compétitivité. C’est la raison, souvent essentielle, qui explique les fusions et les rachats d’entreprises. Mais là, nous parlons d’apprentissage en termes de réduction de coûts, de mutualisation de moyens et de synergies à développer entre affaires. Dans le contexte des pays, ce sont les apprentissages en termes organisationnels, stratégiques et opérationnels qu’il s’agit d’opérer. Par exemple, l’expérience de l’épisode Covid-19 a permis à la France de constater qu’un pays aussi centralisé ne peut se passer d’un minimum de planification. Elle vient de créer le commissariat chargé de la planification. Nous avons là un début d’apprentissage de vivre avec des situations que l’on ne connaissait pas avant. Soit dit en passant, nous sommes beaucoup plus centralisés que la France et on continue toujours de faire fi d’une institution chargée d’architecturer une certaine cohérence entre les politiques microéconomiques et les politiques sectorielles. Pour le moment, notre courbe d’apprentissage évolue très peu. Mais de nombreux pays ont subi les mêmes énormes dégâts économiques. Un pays moyen aurait perdu au moins 6% de son output. Il est inutile de répéter que les ravages les plus importants sont humains et d’innombrables familles ont été endeuillées : nous avons là les coûts les plus importants. Mais la peur du lendemain a également provoqué des conséquences économiques désastreuses chez de nombreux agents économiques. Nous devons apprendre à mieux traiter ce genre de crise aussi bien au niveau micro que macroéconomique. Les personnes et les institutions avaient fait des projets. Certaines se sont endettées en vue de réaliser des ambitions possibles à l’époque pré-Covid. D’autres sont au bord de la ruine après que leurs commerces soient désertés. Nous avons eu cette expérience lors de la crise des subprimes. Des travailleurs manuels et des patrons de très petites entreprises ou de PME/PMI et parfois responsables de très grandes entreprises se sont retrouvés sans la moindre ressource pour refaire leur vie. Mais les nations ont changé très peu les mécanismes de prise en charge de leurs citoyens contre des crises d’une telle ampleur.
APPRENDRE DES CRISES
Il nous faut développer des meilleures courbes d’apprentissage pour mieux traiter les futures crises. Nous pouvons également mieux riposter à ces dernières. Elles nous ont surpris et trouvés peu préparés à affronter un double préjudice d’une telle dimension. Nous avons déjà eu dès 2014 un choc pétrolier qui a plongé le pays dans une trop grande incertitude. Mais nous avons également été secoués par un phénomène pour lequel aucune préparation n’était disponible. Nous avons trop vite abandonné la planification sans la remplacer par des programmes de contingence. Nous ne sommes pas le seul pays qui se mord les doigts pour avoir cru que l’économie de marché pourrait s’en passer d’un minimum de programmations de contingence. La France a déjà corrigé le tir et appris partiellement de ses erreurs. Un Commissariat au plan vient d’être créé et doté de prestige et de pouvoir importants. Cette instance existait, mais elle fut éliminée car on considérait que son apport serait marginal. Notre pays en a beaucoup plus besoin que les pays développés. Nous allons observer les futures décisions durant l’année 2021 pour voir si nous avons tiré les conclusions qu’il faut de cette terrible expérience. Nous avons deux alternatives possibles. Dans une première phase, nous pourrons créer une instance de planification et y inclure les missions de préparation sociale aux contingences comme les pandémies. Mais nous pouvons donner plus de moyens et d’autorité à une instance qui existe déjà pour nous permettre de disposer de ce genre d’activités. L’INESG (institut national d’études et de stratégie globale) pourrait bien jouer ce rôle. Il suffit de lui conférer le prestige et renforcer ses ressources humaines pour jouer ce rôle en lui permettant d’influer sur les programmes du gouvernement à travers les choix de l’instance présidentielle. Pour compléter la panoplie de notre apprentissage, nous pouvons également créer un fonds qui jouerait le rôle d’une assurance d’activités. Les entreprises y contribueront par 1% de leur chiffre d’affaire et en cas d’un choc extérieur ce fonds leur permettrait de résister jusqu’à la fin du choc. Pareil, les entreprises et les personnes qui payent leurs impôts seraient indemnisés durant des chocs externes d’une grande ampleur. De nombreux détails restent à affiner mais on sait que le monde ne serait plus pareil après la Covid-19. Notre pays doit en faire de même : faire en sorte de mettre en place les mécanismes qui iraient déduire drastiquement les conséquences négatives d’un choc externe.