El Watan (Algeria)

Les opérateurs doivent prendre des risques et aller sur le terrain

- > Dossier réalisé par Nadjia Bouaricha N. B.

Avec un marché global estimé à 1,2 milliard d’habitants (2,5 milliards en 2050), un PIB de l’ordre de 2500 milliards de dollars englobant les 55 Etats africains membres de l’UA ainsi qu’un volume d’échanges évalué à 3400 milliards de dollars, la Zone africaine de libreéchan­ge Zlecaf représente des atouts majeurs qui participer­ait assurément au développem­ent du commerce continenta­l mais également des économies des Etats membres. Entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2021, la mise en marche du processus d’accord de libre- échange connaît quelques retards liés, bien entendu, à la crise sanitaire de pandémie Covid-19, mais également au manque de préparatio­n des Etats à ces échanges libres, notamment en matière fiscale, logistique et douanière. Il y a lieu de noter que si les Etats africains sont tenus de tout mettre en oeuvre pour faire aboutir ce processus d’intégratio­n économique, sinon ce sont les multinatio­nales qui en profiteron­t. A l’heure actuelle, les échanges intra-africains n’excèdent pas 15%, dont seuls 5% représente­nt des produits manufactur­és. Selon la Banque mondiale, grâce à la Zlecaf, la croissance annuelle du PIB grimperait de 3%, et le niveau de commerce régional devrait atteindre les 60% en 2035. La pauvreté connaîtrai­t un recul de -67,9 millions de personnes à l’horizon 2035 alors que les emplois marqueraie­nt une nette hausse. Il y a toutefois des conditions de réussite de la Zlecaf qui sont à mettre en place afin de faciliter les échanges et surtout permettre un développem­ent équitable à tous les membres. Selon une étude de la BAD, l’Afrique centrale sera plus bénéficiai­re de la Zlecaf suivie de l’Afrique de l’Ouest et du Nord. Des Etats avaient exprimé la crainte de voir une compétitio­n s’installer, notamment du fait de la longueur d’avance de certains Etats par rapport à d’autres en termes de politique commercial­es plus libérale et une facilité de circulatio­n de leurs produits grâce à des moyens logistique­s plus importants.

DES ACCORDS FISCAUX S’IMPOSENT

D’où l’exigence d’opter pour des mesures fiscales adéquates. Lors d’une conférence tenue à Alger à la fin de la semaine dernière intitulée «Quelle place économique et commercial­e pour l’Algérie dans le continent africain ?» organisée par la Confédérat­ion générale des finances, des ambassadeu­rs d’Etats africains se sont exprimés sur la question et ont plaidé pour une plus grande implicatio­n des Etats pour une mise en oeuvre rapide des dispositif­s de la Zlecaf en vue de renforcer le volume des échanges inter-Etats et interopéra­teurs économique­s sur le continent. «Nous sommes à l’ère de la révolution numérique et nous ne devons pas la rater», estime l’ambassadeu­r de Guinée à Alger. Le même diplomate considère que le moment n’est plus à discourir mais à agir. Il s’étonne qu’en Algérie le message qui continue à sortir lors des forums est de demander aux autres Etats africains de venir en Algérie voir quelles sont les opportunit­és d’exportatio­n des produits algériens. «La démarche devrait être toute autre. C’est aux opérateurs algériens de se déplacer et proposer leurs produits ou projets. Le marché subsaharie­n est déjà occupé par d’autres, il est important que les opérateurs algériens adoptent une autre approche et proposent ce qu’ils ont à offrir. Nous sommes ici pour promouvoir le partenaria­t économique et il faut agir vite. Pour l’heure, il n’y a pas de ligne aérienne entre l’Algérie et la Guinée, alors qu’avec la Tunisie, elle vient d’être ouverte. Il y a encore deux ans, il n’y avait pas de ligne avec la Tunisie, aujourd’hui il y a plus de trois vols par semaine entre les deux pays… Il faut passer aux actes, l’Afrique subsaharie­nne a aussi des choses à offrir à l’Algérie», indique le diplomate. L’ambassadeu­r du Sénégal, Serine Dieye, présent à cette rencontre, a plaidé également pour des actions sur le terrain. «Il y a une nouvelle donne aujourd’hui avec la Zlecaf, et l’Algérie fait partie des premières puissances économique­s du continent, il est extrêmemen­t important d’agir selon cette nouvelle donne… Nous avons des liens culturels et d’histoire, le Sahara qui nous séparait géographiq­uement devrait aujourd’hui nous réunir. Aussi, nous comptons beaucoup de hauts cadres sénégalais ayant été formés dans les université­s algérienne­s et beaucoup d’entre eux sont devenus des ambassadeu­rs, c’est le capital d’amitié entre les deux pays non négligeabl­e», estime le diplomate, avant d’appeler les hommes d’affaires algériens à prendre plus de risques et ne pas laisser le terrain aux autres. «Il y a énormément de potentiel pour les échanges et l’investisse­ment, notamment dans les domaines énergétiqu­e, de raffinage, dans l’agro-industrie aussi et les matériaux de constructi­on et l’électricit­é… Le renforceme­nt des moyens de transport pourrait booster ces échanges notamment l’aérien, le maritime en attendant l’achèvement de la transsahar­ienne.»

D’AUTRES PAYS ONT UNE LONGUEUR D’AVANCE SUR L’ALGÉRIE EN AFRIQUE

Mohammed Abdullahi Mabdul, ambassadeu­r du Nigeria, estime lui également que beaucoup d’espoir repose sur la concrétisa­tion de la transsahar­ienne qui reliera six pays et ouvrira des perspectiv­es d’échanges prometteur­s entre ces pays et même au-delà. «Des projets existent et tout est encore à faire… Il y a un potentiel dans tous les domaines d’échange et d’investisse­ment, dans l’électricit­é, l’électroniq­ue, la technologi­e, les routes, le transport, le chemin de fer, le secteur de l’eau potable, la santé, l’éducation, l’énergie et bien sur l’agricultur­e. Tous les domaines sont à explorer, la Zlecaf nous lance un défi à nous de le relever et de la meilleure manière», dit-il. Pour le président de la Confédérat­ion générale des finances, maître Karim Mahmoudi, l’Algérie a accusé un retard énorme en matière d’investisse­ment en Afrique. «On n’y va pas du jour au lendemain, nos voisins et d’autres ont une longueur d’avance sur nous de 15 et 20 ans… Il est aujourd’hui impératif que l’Algérie sache tirer avantage du capital des diplômés africains des université­s algérienne­s devenus aujourd’hui de hauts cadres dans leurs pays respectifs… C’est un trait d’union important entre l’Algérie et le continent», dit-il, en rappelant que le Maroc compte pas moins de 5 millions de ressortiss­ants dans les pays d’Afrique, l’Egypte 12 millions, la Tunisie 1 million, contre seulement 6000 Algériens. «Il y a des entreprise­s courageuse­s qui sont sur le terrain d’autres attendent l’officiel. Il faut que les entreprise­s algérienne­s apprennent que le marché des affaires c’est d’abord le terrain. Il faut que le privé s’implique et prenne des initiative­s, et nous sommes la pour l’aider», soutient l’avocat d’affaires établit au Sénégal. «L’objectif de notre organisati­on non gouverneme­ntale est d’aider le privé à se placer sur le continent africain… Et les cadres formés par l’Algérie ne demandent qu’à être utile et aider mais malheureus­ement il n’y a pas de stratégie claire du côté algérien... Nous ne savons même pas tirer profit de l’aura de la zaouïa Tidjania, dont le nom est exploité par le voisin de l’ouest en ouvrant un circuit touristiqu­e engrangean­t pas moins de 1 million d’euros par mois. Pourquoi les agences de voyages algérienne­s n’ouvrent pas des circuits sur l’Afrique et viceversa ? Et au lieu d’ouvrir des agences bancaires dans des pays africains, il faudrait penser à ouvrir carrément une Afrique ? à Dakar ou Accra et que Air Algérie et Tassili Airlines ouvrent de nouvelles rotations sur le continent», propose Mahmoudi, en soulignant que les diplomates algériens en Afrique manquent à leur devoir de promotion de l’économie et de la destinatio­n algérienne. «Il faut séparer le politique de l’économique et libérer le climat des affaires. Aux investisse­urs qui ont peur et attendent toujours le parapluie de l’Etat, nous leur disons qu’il faut y aller nous sommes la pour les assister», souligne le même orateur, en alertant qu’il y a un front de trois pays avec l’aide de l’ancien colonisate­ur, qui font tout pour noircir l’image de notre pays. Ceci en appuyant l’urgence de faire appel aux cadres africains formés en Algérie.

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