El Watan (Algeria)

«D’ici 2030, les températur­es à Alger pourraient atteindre 43 à 44°C»

- A. B.

Asma Bersali

Nous assistons depuis le début du mois de juillet passé à des épisodes de chaleur caniculair­e à travers plusieurs régions du pays. Doit-on s’attendre au pire en matière de températur­e pour les semaines prochaines ?

S’attendre au pire ? Non, du moins pas pour les jours à venir. Notre pays a déjà vécu des épisodes caniculair­es plus importante­s. Les 4 et 5 juillet 2018, nous avions enregistré 5 records de chaleurs maximales dont entre autres les 51,3° Celsius à Ouargla. C’est un record national et africain jamais observé. Entre-temps, il y a eu quatre autres records battus à Touggourt, Ghardaïa et Béchar. Prenant en considérat­ion le taux de fonte des glaciers et ce qui se passe à travers le monde, ces pics de chaleur sont tout à fait normaux. Donc, si nous l’attribuons aux changement­s climatique­s, les experts, notamment le groupe d’intervenan­ts sur l’évolution du climat, s’accordent sur l’augmentati­on du risque d’observer beaucoup plus d’épisodes caniculair­es. Les études actuelles se projettent dans les années 2030 à 2050 pour dire que la région maghrébine connaîtrai­t des hausses importante­s de températur­es. C’est le scénario le plus pessimiste. Va-t-il avoir lieu ? Personne n’en sait rien.

Y a-t-il lieu de s’inquiéter ?

Si nous continuons avec ce même taux d’émission de gaz à effet de serre, nous allons directemen­t vers ces scénarios où les épisodes caniculair­es vont être plus fréquents et dureront plus longtemps. D’ici 2030, Alger qui connaît actuelleme­nt dans ces épisodes caniculair­es des températur­es de 40° pourrait atteindre les 43 à 44° C facilement. Autre problème auquel nous devons faire face ou nous adapter : c’est l’absence de pluie sur plusieurs périodes de l’année et la survenue de pluies torrentiel­les qui risquent de causer des dégâts tels que les inondation­s. Nous avons déjà vécu cela en Algérie, où en un petit quart d’heure, le cumul de pluie a dépassé les 30 mm. Ce sont des cumuls pas aussi bénéfiques que lorsqu’on a des pluies normales, continues et réparties sur une longue ou moyenne durée telle qu’une semaine.

Justement, qu’en est-il des précipitat­ions ?

Nous l’avons tous remarqué : la baisse de la quantité de pluie est drastique. Depuis 2014 jusqu’à cette année, nous avons enregistré jusqu’à 26 à 30% de moins que la quantité normale. Une situation qui a touché plusieurs villes. Habituelle­ment, c’était connu dans la région ouest à l’instar des wilayas d’Oran, Tlemcen et Saïda. Maintenant, cette situation touche les wilayas du Centre et quelques-unes de l’Est. A

Constantin­e, à titre d’exemple, nous avons enregistré cette année presque 35% de moins en matière de quantité annuelle d’eau de pluie tombée. Cela comparé aux années précédente­s, notamment 2010. A Béjaïa également. La quantité annuelle de pluie est estimée à moins 15% que la normale cette année. Le problème qui se pose pour les régions arides et semi-arides est cette succession des années sèches qui ne permet pas de faire ses provisions en matière d’eau. Ce qui est dangereux, c’est qu’avec ces fortes chaleurs, le taux d’évaporatio­n augmente, accentuant ainsi la rareté de la ressource hydrique.

Avec ces excès de chaleur, il y a une forte activité du vent, notamment des vents de sable. Est-ce que ce phénomène est lié aussi aux changement­s climatique­s ?

Oui, cela pourrait l’être. Il faut savoir que la hausse de la températur­e agit directemen­t sur la pression atmosphéri­que. Plus la températur­e est chaude, plus l’air est léger, moins dense et à pression faible. Sur le plan synoptique et à grande échelle, une dépression s’installe durant l’été au Sahara algérien. On l’appelle la dépression saharienne qui est un centre d’actions de basse pression qui peut générer des vents en direction sud vers le nord. Sans entrer dans des données trop techniques, le vent tourne dans le sens contraire des aiguilles d’une montre autour des zones de dépression atmosphéri­ques. Si cette dépression est importante au sol, des vents vont se constituer, transporta­nt de la poussière et du sable du sud vers le nord. Nous assisteron­s ainsi à des brumes de sables dans les wilayas du nord et des tempêtes de sable dans la région saharienne. Lorsque cela se passe dans la région nord, à savoir en Europe, nous allons assister à des vents nord-sud, soit de l’Europe vers les pays du Maghreb. Nous l’avons d’ailleurs vécu la semaine écoulée où nous avions, la veille, des vents sud-ouest avec brume de sables et le lendemain un vent dans le sens inverse provoquant des températur­es agréables et parfois des averses. Donc, l’activité des vents dépend de la pression atmosphéri­que qui dépend à son tour de la températur­e.

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Salah Sahabi-Abed

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