Ecoute

POLAR

In den Gewässern rund um La Réunion wimmelt es von Haien. Deswegen ist, mit Ausnahme von einem Strand, das Surfen untersagt. Was nicht alle davon abhält …

- Suite au prochain numéro

Eaux troubles (1/5)

Samedi, 9 heures. L’océan Indien au petit matin offrait une fraîcheur bienvenue. Couché à plat ventre sur sa planche, Pierre Causse nagea en direction des vagues. Il aperçut le bateau de Pablo qui se rapprochai­t. Le marin créole, un chapeau de paille sur la tête et un pagne autour de la taille, était de retour de la pêche. Veuf, il habitait seul dans un bungalow au nord-ouest de la Réunion, sur la plage de Boucan Canot. Il s’était habitué à la présence quotidienn­e de Pierre, un artisan originaire de métropole qui venait surfer ici depuis son installati­on sur l’île.

« Alors Pablo, la pêche a été bonne ?, lança Pierre.

– Oui merci, l’océan grouille de crevettes aujourd’hui », répondit poliment Pablo, avant de s’éloigner vers le rivage.

Les yeux plissés à cause du soleil, Pierre laissa passer une vague, puis deux, puis trois... Pas assez puissante, trop tard, trop loin... Finalement, le jeune homme sentit une vague propulser l’arrière de sa planche. Il se redressa brusquemen­t, plaça ses pieds, ouvrit ses bras et parvint à tenir debout pendant un long moment. Il avait l’impression de voler. La sensation de liberté était extraordin­aire.

Dimanche, 8 heures. Bip, bip, bip. Sonia Hoareau se retourna en grognant. Les yeux à peine ouverts, la jeune femme attrapa son téléphone sur la table de chevet. C’était un message de Cyril Payet, le rédacteur en chef de Radio Vie : « Les pêcheurs ont retrouvé une jambe sur la plage des Roches Noires ce matin. Requin. Il nous faut un reportage pour midi.»

Sonia soupira. C’était la neuvième attaque mortelle de requin en six ans au large de la petite île. Toute la côte avait été interdite aux surfeurs hormis la plage de Boucan Canot, qui avait été équipée de filets anti-requins. Mais des têtes brûlées bravaient le danger, car les vagues de la Réunion étaient réputées comme parmi les plus grisantes au monde.

Au bout de la plage des Roches Noires, la journalist­e reconnut Raymond Pollard, le commissair­e de police de Saint-denis.

« Salut Raymond. Tu as cinq minutes ?

– Salut Sonia. Oui on a fini, les restes du corps ont été embarqués. Enfin… le reste, car on a seulement trouvé une jambe.

– Dis-moi, cette plage est interdite aux surfeurs, non ?

– Ben oui... Mais ce nigaud s’est cru plus malin que les requins. Et pour surfer la nuit, il faut vraiment manquer de cervelle...

– Une idée de l’identité du ”nigaud” ?

– Oui, Pierre Causse, 38 ans, un artisan qui vivait dans un petit appartemen­t à Saint-gilles. Mec sans histoires, militant pour la défense de l’environnem­ent. Ses proches ont reconnu sa planche de surf, qu’on a retrouvé attachée à son pied.

– C’est la seule preuve ?

– Non, on a aussi un tatouage sur la cuisse, identifié

par sa petite amie. Elle porte le même. Elle est là-bas si tu veux essayer de lui parler. – Comment elle s’appelle ?

– Émilia Melano.

– Merci Raymond, je t’appelle plus tard. – Quand tu veux ma chérie !

– Heu… Garde le compliment pour ta femme, plutôt ! »

Lorsqu’elle aperçut Sonia, la jeune femme prostrée dans le sable se leva brusquemen­t. Sonia remarqua une large tortue tatouée sur sa jambe droite. Sur son visage sombre, la journalist­e reconnut les traits des Mafatais, cette minuscule communauté qui vivait isolée au centre de l’île. Leurs ancêtres étaient des esclaves qui avaient fui leurs maîtres en allant se réfugier dans les cirques inaccessib­les. C’était il y a trois siècles, mais ils avaient gardé une méfiance féroce envers les gens de la côte. Sonia se voulut rassurante et se présenta en créole :

« Bonzour, mi apèl Sonia Hoareau. Je suis journalist­e pour Radio Vie. Je suis sincèremen­t désolée pour ce qui est arrivé à Pierre Causse...»

Elle lui tendit sa carte de visite.

« Je ne veux pas vous déranger maintenant, mais vous pouvez m’appeler plus tard si vous en avez envie.»

Émilia attrapa la carte et la jeta dans son sac à main en osier, posé à ses pieds.

«Qu’est-ce que vous voulez savoir?, dit-elle sèchement à la journalist­e.

– Pierre avait-il l’habitude de venir surfer ici ?

– Non, il surfait toujours sur la plage protégée, à Boucan Canot...

– Il a été retrouvé tôt ce matin. La police pense qu’il est allé surfer pendant la nuit... – Il ne surfait jamais de nuit.

– Sauf hier ?

– Je sais pas ! »

Émilia lui jeta un regard furieux et disparut derrière une dune. Assommée par la chaleur, Sonia n’eut pas la force de lui courir après. De toute façon, Émilia était sous le choc. La journalist­e rentra à la rédaction pour enregistre­r son reportage. Avec des faits, rien que des faits.

 ??  ?? Diesen Text können Sie auch auf unserer CD Écoute-audio hören.
Diesen Text können Sie auch auf unserer CD Écoute-audio hören.

Newspapers in French

Newspapers from Austria