HISTOIRE DE L’ART
In dieser Rubrik stellen wir Ihnen jeden Monat ein Kunstwerk vor. Diesen Monat eine Skulptur von Ousmane Sow.
Les lutteurs corps à corps von Ousmane Sow
Que font ces hommes imbriqués l’un dans l’autre ? Sont-ils en train de danser, de s’affronter ? Si le titre de cette oeuvre, réalisée en 2005, n’était pas mentionné, on pourrait se poser la question. Ces lutteurs font partie d’une série de sculptures sur les Noubas, une ethnie originaire du sud du Soudan. Durant sa carrière, Ousmane Sow réalisera d’autres séries, notamment sur les Peuls, les Zoulous et les Maasaï. En mettant en scène la vie de ces peuples, l’artiste célèbre la diversité de l’afrique, mais rappelle la fragilité de ces cultures menacées de disparition. Révolté par l’extermination programmée des Noubas pour des raisons idéologiques et religieuses, le sculpteur veut les faire exister à travers son art.
C’est en 1984 que Sow découvre cette tribu, grâce aux stupéfiantes photos réalisées dans les années 50 et 60 par Leni Riefenstahl, l’ancienne cinéaste du IIIE Reich. Ses clichés montrent des rituels de scarifications, de danses, de combats prénuptiaux. Autant de scènes que les sculptures de l’artiste allaient incarner en lui assurant une reconnaissance internationale auprès des professionnels et du grand public.
Chez les Noubas, la lutte est vue comme un rituel qui élève l’esprit. Avant le combat, les lutteurs se maquillent, se couvrent le corps de cendre et habillent leurs poignets de bracelets tranchants, prêts à défigurer leur adversaire. La charge est ici brutale, laissant les corps nus comme enchevêtrés. Déséquilibré, l’un des lutteurs s’accroche au cou de son adversaire, tentant sans doute de l’entraîner dans sa chute. Pour exprimer le choc de la « collision » et la force de ces titans, Sow ne respecte pas les lois de l’anatomie. Il exagère les bosses, les creux, les volumes, comme le montre le modelé des cuisses et des fesses. Déformées, elles traduisent une tension musculaire extrême, soulignant l’âpreté du combat.
Cet affrontement est violent. Et le destin tragique des Noubas, aujourd’hui presque disparus, s’exprime dans le regard du lutteur. À la fois impassible, égaré et triste, il est comme un écho à cette phrase de l’artiste : « Lorsque je sculpte les guerriers noubas, cette ethnie du Soudan que les islamistes massacrent, je sculpte la douleur de l’homme, de tous les hommes – ma propre douleur.» Mais c’est surtout en tant que sculpteur des « êtres épris de liberté » que Ousmane Sow, décédé en 2016, reste dans les mémoires. Comme il le disait lui-même: «Mes oeuvres évoquent des lutteurs, des corps à corps physiques, ceux de gens qui refusent de se soumettre.»