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Le paradis du rhum

PARADIS DU RHUM

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AAh, la France et ses vins ! Bordeaux, bourgogne, côtes-du-rhône… Le monde entier les connaît et les apprécie. Mais savez-vous quel autre alcool la France produit et dont elle est très fière ? Le rhum ! Pour le trouver, il faut quitter l’europe et traverser l’atlantique jusqu’à la mer des Caraïbes. Les régions productric­es sont réparties dans le monde entier, mais les Caraïbes sont considérée­s comme l’épicentre de la production et de la culture du rhum. Au coeur de la mer des Caraïbes se trouvent les Antilles françaises. Les deux îles les plus connues sont la Martinique et la Guadeloupe. C’est là, sous un grand soleil, que poussent les cannes à sucre, matière première du rhum.

L’histoire du rhum est logiquemen­t liée à celle de la canne à sucre. Et l’histoire de la canne à sucre est, elle, liée à l’histoire de la colonisati­on et de l’esclavage. Dès le XVIIE siècle, les colons français installés dans les Antilles introduise­nt de nouvelles cultures. Coton, tabac, café, puis canne à sucre sont plantés et entretenus par des esclaves venus d’afrique. La canne est tout d’abord cultivée pour la production de sucre. Mais concurrenc­é par la betterave produite en métropole, le cours du sucre s’effondre. Les planteurs sont obligés de l’utiliser autrement. C’est ainsi que va naître le rhum.

Selon la légende, c’est le père Labat, un prêtre missionnai­re, qui va découvrir la boisson. En 1694, malade, il souhaite faire tomber sa fièvre. Il s’aperçoit que le jus de canne fermenté par la chaleur avec des levures naturelles donne une boisson alcoolisée. Il la boit et se sent mieux. Cette eau-de-vie serait à l’origine du rhum. Les sucreries des Antilles vont se

transforme­r peu à peu en distilleri­es. Pendant longtemps, l’eau-de-vie restera de mauvaise qualité. Le rhum était la boisson des pauvres, des marins ou des soldats pendant la Première Guerre mondiale. Mais une fois le procédé de distillati­on perfection­né, le rhum a enfin pu prendre son envol.

Industriel vs agricole

Partir à la découverte du rhum antillais, c’est d’abord profiter du cadre idyllique des îles. Martinique, Guadeloupe, Marie-galante… Partout, des plages de sable blanc et des palmiers aux noix de coco prêtes à vous désaltérer. Il fait chaud toute l’année et le soleil se cache rarement derrière les nuages. Les plantation­s de cannes à sucre côtoient celles de bananiers. On croise souvent, le long des routes, des coupeurs de cannes, machette à la main. Certains vendent directemen­t aux passants le jus de canne. Réputé pour ses vertus énergétiqu­es, ce dernier empêcherai­t les rhumes et renforcera­it le coeur.

C’est ce même jus de canne qui est l’un des ingrédient­s du rhum. Mais il faut distinguer le rhum industriel du rhum agricole. L’industriel est fabriqué avec un mélange d’eau, de mélasse (encadré p.62) et parfois d’un peu de jus de canne. C’est le rhum le plus bu dans le monde. L’agricole est fabriqué uniquement avec du pur jus de canne et ne représente que 2 % de la production mondiale. C’est pourtant celui que les Français consomment le plus. Il faut dire que, depuis 2007, le rhum agricole jouit d’une protection juridique et possède même sa propre appellatio­n : « Rhum des départemen­ts français d’outre-mer ». En plus de reconnaîtr­e le rhum agricole français comme une boisson de qualité, cette appellatio­n établit plusieurs critères à respecter pour toutes les étapes de production. Par exemple, la canne à sucre doit être cultivée sur les territoire­s des DROM – départemen­ts et régions français d’outre-mer regroupant la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, la Réunion et Mayotte. Pour les rhums industriel­s, on importe la canne du monde entier. Une fois les cannes livrées, on les pèse et on mesure leur teneur en sucre. On les coupe puis on les broie. Le jus de canne fermente avec des levures. On obtient alors un vin de canne. Ce vin est ensuite distillé puis refroidi. Il est devenu un rhum agricole à 70°. Puis on le dilue avec de l’eau, jusqu’à ce que l’alcool atteigne 59°, 55° ou 50°.

Montebello, LA distilleri­e artisanale

Clément, Neisson, Damoiseau… Les distilleri­es antillaise­s ont souvent une maison principale, un grand jardin à la végétation foisonnant­e, et le bâtiment où l’on fabrique le rhum. Poussons la porte de la distilleri­e la plus artisanale de Guadeloupe : Montebello. On la trouve à Petit-bourg, en Basse-terre. Elle produit exclusivem­ent du rhum agricole et en quantité très limitée : environ 200 000 litres chaque année. C’est peu à côté de la distilleri­e Damoiseau, premier pro ducteur de rhum antillais avec ses trois millions de litres vendus par an. Et pourtant, tous les amateurs

de rhum connaissen­t la petite distilleri­e Montebello. Elle a su garder ses habitudes traditionn­elles. Tout d’abord, elle n’utilise que des cannes récoltées à la main. Adieu les tracteurs qui découpent à toute vitesse les cannes à sucre ! Ici, on privilégie la qualité, c’est-à-dire le taux de sucre de chaque canne. Les agriculteu­rs sont d’ailleurs payés en fonction de ce taux de sucre. Ils sont donc encouragés à cultiver de bonnes cannes. Travailler à la main permet aussi de récolter la canne pendant la saison des pluies, qui a lieu d’octobre à décembre. Les tracteurs ne peuvent pas rouler sur des terrains détrempés, mais les humains, eux, passent sans problème.

Autres particular­ités qui donnent ce goût au rhum Montebello : le vesou, qui fermente 50 heures, au lieu de 18 à 36 heures généraleme­nt. Lors de la maturation, les fûts de chêne sont placés dans des conteneurs métallique­s. La températur­e y est très élevée et permet une extraction plus rapide de l’alcool. On déambule tout près des six ouvriers, traversant les fumées du four et marchant sur des passerelle­s étroites. La distilleri­e est en activité de 5 heures du matin à 14 heures seulement. Les ouvriers arrivent tôt pour allumer le four, datant de 1880. À la pause-déjeuner, ils y posent leur assiette pour réchauffer leur repas. Malgré ses 196 ans, le moteur de la distilleri­e fonctionne tellement bien qu’il alimente parfois l’éclairage public du quartier ! L’atelier de pressage, lui, a 153 ans. Ici, tout est antique, mais en parfait état de marche. Le maître-distillate­ur, Alfred, travaille à Montebello depuis 48 ans. Il préfère le vieux rhum blanc qu’il boit pur, car il sent mieux les arômes, et on peut le croire. Qui peut se vanter d’avoir un demi-siècle d’expérience dans le rhum ? L’étiquetage des bouteilles se fait à la main : les jeunes du quartier viennent aider et se font ainsi un peu d’argent de poche.

Édouard est le responsabl­e commercial. Né à quelques pas de l’usine, il a toujours rêvé d’y travailler. Il est d’abord parti étudier le droit en métropole, en particulie­r le droit des alcools. Édouard peut expliquer pendant des heures les différence­s entre les rhums. Dans la petite boutique se pressent les touristes venus acheter des bouteilles à ramener dans leurs bagages. Un habitant, bidon à la main, vient, lui, chercher du rhum « en vrac ». Le prix est imbattable : 5 euros le litre. Mais attention, ce rhum-là est réservé à la consommati­on locale. Si vous voulez y goûter, il ne vous reste plus qu’à venir voir par vous-même les Antilles françaises et découvrir la façon de boire des habitants... Ils sont capables de boire un verre de rhum à toute heure de la journée, même le matin à jeun ! Avec la chaleur ambiante et les plats épicés, boire son rhum fait partie de la dolce vita antillaise.

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 ??  ?? Presse servant à obtenir le vesou, pur jus de canne, à la distilleri­e du PèreLabat, Marie-galante
Presse servant à obtenir le vesou, pur jus de canne, à la distilleri­e du PèreLabat, Marie-galante
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Dégustatio­n de rhums à la distilleri­e Bielle, Marie-galante
 ??  ?? Alfred (à gauche) et Édouard, sur la passerelle entre les cuves de vesou, à la distilleri­e Montebello, Basse-terre
Alfred (à gauche) et Édouard, sur la passerelle entre les cuves de vesou, à la distilleri­e Montebello, Basse-terre

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