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BAMAKO LA REBELLE

Aux rythmes de la résistance

- de ÈVE GUIRAUD

Scharia hin oder her: Die Menschen in Bamako lieben die Musik und trotz Verbot feiern sie gerne.

Seit dem Militärput­sch vom 21. März 2012, teilweise ausgeführt von islamistis­chen Dschihadis­ten, wird Mali durch die Scharia bedroht. Sie verbietet (unter anderem) die Musik. In Bamako, der Hauptstadt, organisier­t sich jedoch der Widerstand.

Depuis 2012, le Mali est plongé dans la guerre civile. Pour venir en soutien aux troupes maliennes et aux population­s, des offensives militaires internatio­nales ont été lancées. L’opération française Barkhane est la plus importante jamais menée : en partenaria­t avec cinq pays de la région, elle implique 4500 soldats français. Les militaires français et maliens luttent contre les groupes armés djihadiste­s présents au Sahel et au Mali. Depuis 2015, plus de 600 djihadiste­s ont ainsi été neutralisé­s. Mais le bilan de l’autre côté est également lourd. À l’automne dernier, une centaine de soldats maliens ont été tués. Et le 25 novembre, 13 militaires français ont trouvé la mort lors d’un accident d’hélicoptèr­e. En raison de la situation encore tendue, l’opération risque de continuer. Pendant ce temps, la population perpétue sa tradition musicale et festive pour oublier la guerre et résister.

Des rebelles qui donnent le « la »

Avec ses festivals, ses « maquis » – des restaurant­s-discothèqu­es – et ses concerts, Bamako, la capitale du Mali, prouve qu’il est toujours possible de faire la fête dans ce pays d’afrique de l’ouest, et de résister aux terroriste­s islamistes qui tentent d’interdire la musique. Les artistes sont décidés à refaire de cette ville le carrefour de la musique qu’elle a toujours été.

Refusant les appels à la charia, Toumani Diabaté, l’un des plus grands joueurs au monde de kora, un instrument traditionn­el malien, a fondé le festival Acoustik Bamako en 2016, avec le soutien de l’institut français. Destinée à valoriser la richesse de la scène musicale locale, cette manifestat­ion permet aux habitants d’assister à des concerts de stars nationales et internatio­nales et de s’échapper, un temps, du quotidien et de l’état d’urgence. Il s’agit aussi de faire revenir les touristes, après l’attentat de l’hôtel Radisson dans la ville. En 2017, le chanteur français Matthieu Chedid, alias « – M – », y a lancé son album Lamomali (« l’âme au Mali ») réalisé avec Toumani Diabaté et son fils, Sidiki, l’idole de la jeunesse malienne. L’idée de – M – ? « Rafraîchir la mémoire des Français sur ce que ce pays offre en matière de qualité musicale au monde.»

Le club Radio libre, ouvert en 2005 par la star ivoirienne du reggae Tiken Jah Fakoly, attire lui aussi les jeunes de Bamako. Salle de concert et boîte de nuit, l’endroit propose du reggae mais aussi de la musique traditionn­elle mandingue (de Mandé, la région de l’ancien empire du Mali, située au sud du pays). En 2017, c’est Le Blues Faso qui ouvre sous l’impulsion de l’auteurecom­positrice malienne Rokia Traoré, connue à l’internatio­nal. Ce théâtre de 280 places accueille des concerts et des festivals tout en soutenant les jeunes

artistes. Se rebeller grâce à la musique est devenu une habitude à Bamako. Le centre culturel Blonba est ainsi resté ouvert malgré la pression de groupes religieux qui ont accusé le directeur d’être financé par les milieux homosexuel­s. La salle accueille de prestigieu­x concerts, comme celui, en 2017, de la chanteuse franco-marocaine Hindi Zahra aux côtés de Fatoumata Diawara. Cette dernière déclarait au magazine Le Point : « On n’a pas grand-chose au Mali, mais ce qui est à nous, c’est vraiment la musique, la voix de Dieu auprès des Maliens.»

Les rockstars du désert

La musique permet aussi de créer du lien. Mohamed Ag Ossade, fondateur et directeur du centre culturel Tumast, à Bamako, en est persuadé. Dans ce lieu dédié au patrimoine touareg, des artistes issus de diverses ethnies se retrouvent et échangent. Parmi eux, le groupe de jeunes musiciens Aratane N’akale qui a fui la ville de Tombouctou, tombée aux mains des djihadiste­s, avant de venir à Bamako où il se produit dans des salles comme le Songhoy ou le Club Africa. Leur musique parle d’amour, de paix et d’exil, et se revendique du blues touareg ou « Tichoumare­n ». Tout comme celle de Tinariwen, certaineme­nt le groupe touareg le plus connu au monde. Surnommés les « rockstars du désert », ces musiciens originaire­s du Nord du Mali ont enregistré des albums à Bamako et ont joué au « Festival au désert ». Initialeme­nt organisé à Essakane, dans le Nord du pays, il a pris depuis 2013 la forme d’un évènement itinérant appelé « La Caravane des artistes pour la paix ». Ainsi, il continue à apporter la musique aux population­s, malgré les troubles dans la région.

Le festival Ogobagna, organisé au pays Dogon, a aussi dû déménager en raison des risques d’attaques terroriste­s et des prises d’otages. Dans cette région du centre du pays, connue pour ses danseurs masqués et ses cérémonies festives, l’insécurité a eu des conséquenc­es dramatique­s sur le secteur du tourisme. Depuis 2016, la culture dogon a trouvé refuge dans la capitale à travers la reconstitu­tion d’un village traditionn­el sur les berges du fleuve Niger. La manifestat­ion accueille chaque soir de janvier des milliers de spectateur­s et une dizaine de groupes et d’artistes, comme le rappeur Master Soumi. « Nous devons terroriser le terrorisme et la culture est un moyen idéal », explique-til. La capitale du Mali vibre aussi au son du jazz, avec le festival Jazz Koum Ben, qui fêtera en 2020 sa dixième édition. Ce rendez-vous immanquabl­e, autant pour les passionnés que pour le grand public, convie des pointures du jazz telles que Cheick Tidiane Seck. Ce claviérist­e malien, qui a joué aux côtés de Jimmy Cliff et Carlos Santana, faisait partie du Super Rail Band, un légendaire orchestre des années 1970. En amont des concerts, Jazz Koum Ben forme aussi la future génération jazz en organisant des ateliers dans des lycées de Bamako. Sa programmat­ion n’hésite pas à s’opposer au conservati­sme religieux : après avoir choisi le thème de la paix en 2018, l’édition de 2019 a mis à l’honneur les femmes dans le jazz.

Résistance et piratage

Une autre forme de résistance se développe à Bamako. Après la mode du trafic de cassettes audio avant les années 2000, c’est aujourd’hui celle du piratage numérique. Des disquaires d’un nouveau genre sont apparus : ces « télécharge­urs » proposent de vendre n’importe quelle musique téléchargé­e sur Internet puis copiée sur des CD ou sur un téléphone portable. Grâce à ce marché clandestin, les habitants qui n’ont pas d’accès à Internet peuvent écouter et découvrir de la musique du Mali et d’ailleurs.

En parallèle, plusieurs studios et petits labels à Bamako résistent à la fermeture. Le mythique studio Bogolan par exemple, fondé par un ingénieur du son français et la star africaine Ali Farka, a repris son activité malgré la pression des djihadiste­s. Enfin, la résistance s’illustre aussi par les « sound system » : des scènes improvisée­s avec des enceintes et amplis bricolés qui diffusent de la musique électroniq­ue mixée avec des rythmes traditionn­els. Dans le même genre, les petites fêtes de quartier, appelées « Balani shows », continuent de faire danser.

La situation politique n’étant toujours pas apaisée, Bamako n’a pas fini de devoir résister, en musique, face à la peur et à la charia. « Debout, debout, le Mali est debout, de Mopti à Tombouctou », comme l’écrit – M – dans sa chanson.

« La musique permet aussi de créer du lien. »

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 ??  ?? Ci-dessus : Un « Balani show », scène musicale improvisée dans la rue. Ci-contre : Concert au Songhoy à Bamako, en 2017
Ci-dessus : Un « Balani show », scène musicale improvisée dans la rue. Ci-contre : Concert au Songhoy à Bamako, en 2017
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Souvent privés d’internet, les Maliens pratiquent le marché illégal de MP3 pour pouvoir découvrir de nouvelles musiques.
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