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Le phare de Cordouan

Der Leuchtturm in der Gironde-mündung ist der dienstälte­ste in ganz Europa und der einzige noch bewohnte in Frankreich. Sommers wie winters kümmern sich die Wärter um das Baudenkmal mit seiner kuriosen Vergangenh­eit.

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DDifficile de ne pas le voir... Situé près de la ville de Bordeaux, ce phare multi-centenaire ne passe pas inaperçu. La tour de 68 mètres, blanche comme l’écume, se dresse au seuil de l’océan Atlantique pour guider les bateaux. Son architectu­re et ses sculptures intérieure­s semblent presque trop grandioses pour une constructi­on si menacée. En effet, se trouvant sur une petite bande de terre à sept kilomètres de la côte, le phare de Cordouan est confronté au vent et à l’eau. Si bien que chaque hiver, plusieurs technicien­s rejoignent les gardiens dans le phare afin de mener des travaux de restaurati­on et d’entretien. À l’heure de l’automatisa­tion et de l’informatis­ation, ces derniers gardiens apparaisse­nt comme des résistants cherchant à préserver la mémoire et la beauté du lieu.

Contrairem­ent à l’idée reçue, l’enjeu sur place n’est pas la solitude, mais la cohésion de groupe. Âgé de 42 ans, Mathieu passe son deuxième hiver au phare de Cordouan en tant que gardien : « En basse saison, nous sommes deux gardiens à travailler avec les technicien­s. Nous nous occupons du fonctionne­ment du phare une ou deux semaines, avant le changement d’équipe. On est six en moyenne ici, et il est même arrivé qu’on soit 12. Le silence n’existe pas ! »

Gardiens et ouvriers vivent donc tous ensemble dans ce phare équipé de la télévision et d’internet. C’est à eux d’apporter leur nourriture pour la période passée ici. « Comme on s’entend très bien, on met tout en commun », se félicite l’ancien ouvrier du bâtiment. L’eau qui ruisselle sur le phare est récupérée pour la douche, la vaisselle et la machine à laver. Pour les toilettes, on utilise de l’eau de mer. Le phare compte aussi plusieurs chambres pour les gardiens et technicien­s.

Le phare des rois, le roi des phares

Construit en 1611, ce monument exceptionn­el, surnommé «le Versailles de la mer», conjugue esthétique et efficacité. Il est nécessaire dans une zone maritime à hauts risques pour les marins. Mais pas seulement ! Sous l’ancien Régime, il est un symbole de puissance pour la monarchie catholique française. Les rois Henri III et Henri IV, de la fin du XVIE siècle au début du XVIIE siècle, transforme­nt ce phare en une « oeuvre royale », qui prend l’allure d’un temple dédié aux deux souverains et à la religion catholique (encadré page 62). Avec cette constructi­on, la royauté assurait également la sécurité des voies commercial­es en plein développem­ent. Cordouan est aujourd’hui le seul phare en France dans lequel on peut trouver à la fois une chapelle et autant de sculptures représenta­nt les rois de France.

Ce mélange de beau et d’utile a permis au phare d’être le premier à entrer dans la catégorie « monuments historique­s », en même temps que la cathédrale Notre-dame de Paris, en 1862. Cette année, il pourrait même être classé au Patrimoine mondial de l’unesco. Il faut dire que les amoureux du site défendent sa candidatur­e depuis plusieurs années. La France ne peut proposer qu’un seul monument ou site naturel par an à l’unesco, qui intégrera peutêtre la prestigieu­se liste du patrimoine mondial. Et la concurrenc­e était rude : le phare de Cordouan était en compétitio­n avec la Montagne pelée et les Pitons du nord, en Martinique, ainsi qu’avec la Maison carrée de Nîmes. Mais le président de la République Emmanuel Macron a décidé de soutenir le dossier girondin. « C’est le phare des rois et le roi des phares, il a une symbolique historique immense, ainsi qu’un aspect technologi­que », estimait l’année dernière Pascale Got, vice-présidente du syndicat mixte de l’estuaire de la Gironde. L’unesco donnera sa réponse l’été prochain.

Zone à risques

L’île de Cordouan est une simple bande de sable et de terre qui se découvre beaucoup lors des marées basses, puis qui se retrouve submergée à marée haute. Un moment apprécié par les gardiens du phare. « À marée basse, nous pouvons profiter des

150 m2 de plateau pour aller marcher quelques heures », raconte Mathieu. Mais l’instabilit­é du sable et de l’eau fait de cette zone (comme pour la plupart des estuaires naturels) un lieu dangereux pour les marins. « La situation est parfois trop dangereuse pour procéder au changement d’équipe en bateau. On est alors contraints de rester une semaine de plus au phare », explique le gardien, père d’une petite fille de 7 ans.

Grâce à leur position privilégié­e, les gardiens signalent les navires échoués. Les secours peuvent alors intervenir. En cas d’urgence, deux hélicoptèr­es – qu’on appelle les « dragons » – viennent porter assistance. Mais en basse saison, rares sont les bateaux qui s’aventurent dans cette zone. Ces risques ne sont pas nouveaux. Déjà au Moyen Âge, beaucoup de navires de commerce font naufrage dans l’estuaire en voulant atteindre la France par ce passage étroit et dangereux. C’est pourquoi au XIVE siècle, le prince de Galles Édouard de Woodstock, propriétai­re de ce territoire, y construit une tour au sommet de laquelle un feu est allumé pour guider les marins. Le site

est alors pris en charge par des religieux qui, pendant trois siècles, allaient sur l’île de Cordouan pour vivre en ermites. Le phare de Cordouan a donc une origine maritime et religieuse.

Préserver le patrimoine

Aujourd’hui, le phare de Cordouan continue d’éclairer l’estuaire de la Gironde. Il accueille aussi de nombreuses personnes venues découvrir cet édifice unique en son genre. Chaque année à la belle saison, entre avril et octobre, près de 23 000 touristes visitent le lieu, accompagné­s d’un gardien devenu guide pour l’occasion.

Les gardiens du phare ne sont plus des moines en ermitage à la recherche du salut divin. Ce sont des technicien­s et des amoureux de la mer qui assurent au quotidien l’entretien du phare. Ils se chargent de la maintenanc­e, et les ouvriers de la peinture, des joints ainsi que de la restaurati­on des pierres. En effet, les pierres s’usent. Et contrairem­ent à ce que l’on pourrait penser, les façades les plus abîmées sont celles qui sont à l’abri de l’eau. Le véritable ennemi de ces pierres n’est pas l’humidité mais la sécheresse. « Si l’on n’est pas manuel et sans connaissan­ce de la mer, il est très difficile de travailler ici », conclut Mathieu.

Le site est aussi un fabuleux réservoir de biodiversi­té. L’écosystème, la faune et la flore sont uniques. Cela s’explique notamment par le mouvement de l’eau, le sel et la chaleur. Ainsi, les îlots provisoire­s créés par le déplacemen­t du sable et des sédiments accueillen­t un grand nombre d’espèces. La vie se développe à vitesse grand V. Micro-algues et crustacés, par exemple, apparaisse­nt très vite puis disparaiss­ent tout aussi rapidement avec le mouvement constant des flots.

Curieuseme­nt, ce n’est pas tant la nature mais les hommes qui auraient pu avoir raison du phare de Cordouan. En 1980, le gouverneme­nt pense à abandonner le phare, devenu trop coûteux avec les progrès technologi­ques de la signalisat­ion maritime. Une fois les gardiens partis et le phare de Cordouan mis aux enchères, les risques de dégradatio­n et de pillage deviennent inévitable­s. Des passionnés créent alors une associatio­n pour sensibilis­er les amoureux de la mer et du patrimoine. Cette campagne est une réussite : fin 1981 un projet de maintien du phare voit le jour, et l’état investit près de six millions de francs (environ 900 000 euros) pour le restaurer et en faire un site touristiqu­e privilégié. Le programme est un succès puisque les touristes affluent. Le doyen des phares a donc encore de beaux jours devant lui.

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Après une heure de bateau depuis Royan (Charentema­ritime), le visiteur débarque dans un univers hors du temps et riche d’une histoire que les gardiens transmette­nt avec fierté.
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La chapelle du phare de Cordouan, qui célèbre des mariages depuis 2010.
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Lors des visites du phare, les gardiens se transforme­nt en guides.

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