Un chantier colossal
Nach dem Brand war die Kathedrale instabil. Ihre Sicherung eine Herausforderung.
Le 16 avril, vers 9 heures du matin, les pompiers de Paris, épuisés, finissent enfin d’éteindre l’incendie. Certes, la cathédrale a été ébranlée, mais elle tient encore debout. Est-elle pour autant définitivement tirée d’affaire ? À cette question, les architectes Philippe Villeneuve et Rémi Fromont, responsables des opérations de sauvetage, répondent par la négative. Pire, ils pensent que l’édifice risque à tout moment de s’écrouler. Au coeur de leur inquiétude, l’échafaudage de quelque 250 tonnes monté à l’occasion des travaux de restauration de la flèche de Viollet-leduc. Les 40000 montants d’acier qui le constituent ont été déformés par les flammes. C’est un miracle qu’il tienne encore. Et s’il venait à céder, il entraînerait les parties les plus fragilisées de la cathédrale dans sa chute. Peut-être même toute la cathédrale. Ce scénario catastrophe est le plus redouté par les deux architectes.
La descente de l’ange
Dès le lendemain de l’incendie, des équipes de spécialistes sont sur place pour faire un état des lieux et établir des priorités. Le constat est dramatique. En effet, avec l’écroulement de la charpente, c’est tout l’équilibre de la cathédrale qui est remis en cause. Les murs vont-ils tenir ? Le pignon ouest penche déjà dangereusement. À son sommet, la statue d’un ange musicien pèse de tout son poids sur la structure, constituant un danger supplémentaire d’effondrement. On décide de l’enlever. Mais l’affaire est périlleuse. Un tailleur de pierre juché sur une nacelle découpe sa base à la scie. Sanglé, l’ange s’élève dans le ciel, porté par une grue géante de 45 mètres. Un faux mouvement et la statue pouvait basculer sur le tailleur de pierre, l’entraînant dans une chute mortelle. Parant au plus pressé, on étaie ensuite les pignons avec des attelles de bois pour les consolider. Puis, des milliers de mètres carrés de toile imperméable sont déployés à la place du toit afin de protéger la cathédrale des intempéries. Un filet est également tendu au milieu de l’échafaudage pour éviter la chute d’éléments calcinés à l’intérieur de l’édifice. Le travail de déblaiement de la nef, encombrée par un enchevêtrement de poutres calcinées et de métal brûlé, peut commencer. C’est un engin téléguidé qui va effectuer ce travail, car il est encore trop tôt pour y envoyer des hommes.
Le tri des décombres est orchestré par le Laboratoire de recherche des monuments historiques et l’institut national d’archéologie préventive. Les pierres qui jonchent le sol de la nef sont photographiées, numérotées, classées. Certaines seront réutilisées lors de la reconstruction, d’autres serviront d’élément d’étude pour apprécier l’état des murs de la cathédrale, leur solidité. Les tests pratiqués sur ces pierres révèleront le temps nécessaire pour que la cathédrale sèche entièrement, et détermineront les pressions que les murs peuvent encore supporter. Les experts supposent que la résistance des voûtes a été altérée par les tonnes d’eau déversées dessus lors de l’incendie. Trois d’entre elles ont été détruites par la chute de la flèche, mais on ignore dans quel état se trouvent les autres. Sachant que tout le bâtiment repose sur elles, il est urgent de procéder à un examen poussé de leur stabilité. Parallèlement, il va falloir consolider les arcs-boutants. Éléments cruciaux de l’architecture gothique, ils soutiennent les voûtes et permettent d’ouvrir de grands espaces vides dans les murs des édifices de cette époque.
Une précision millimétrique
Les architectes décident de faire fabriquer des cintres de bois de 16 mètres, et de les glisser sous chacun des arcs-boutants
pour les renforcer. Leur production est aussitôt lancée dans des usines de charpente industrielle du Jura, des Vosges et de Belgique. Les convois les transportant sont escortés par la police jusqu’au chantier pour gagner du temps.
L’installation de ces cintres est un nouveau moment fort du sauvetage de Notre-dame et un travail de titan pour les charpentiers. Pesant plusieurs tonnes, ils sont déplacés par une grue de 70 mètres de haut, et doivent s’encastrer avec une précision millimétrique dans les arcs-boutants sans les percuter. Chaque mouvement peut être fatal à la cathédrale tout entière. Cette intervention risquée va se répéter pendant des semaines. Le sauvetage de Notre-dame prendra fin avec le démontage de l’échafaudage. Encore six mois de travail pour se débarrasser de ce monstre de fer calciné. C’est chose faite le 24 novembre 2020.
Patience, lenteur, humilité
Le bâtiment sécurisé, l’enquête sur les causes de l’incendie peut reprendre. C’est une enquête difficile, car les flammes ont sans doute détruit la plupart des indices. La piste criminelle est rapidement écartée. La possibilité d’une défaillance dans le circuit électrique alimentant le mouvement des cloches reste l’option la plus certaine.
Les travaux de sauvetage achevés, c’est la reconstruction de la cathédrale qui occupe à présent les esprits. Moins d’un mois après l’incendie, l’imagination des architectes du monde entier s’est exaltée après que le président Macron a envisagé la possibilité d’un «geste contemporain » pour remplacer les parties détruites de Notre-dame. Édouard Philippe, le Premier ministre, annonçait quant à lui un concours d’architecture pour la reconstruction. Les porteurs de projets les plus fous ont alors répondu à cet appel, qui n’était pourtant encore qu’officieux. Parmi ces projets, pêle-mêle, une serre éducative en guise de toiture, une flamme géante à la place de la flèche partie en fumée, ou une forêt réelle pour remplacer la « forêt » mythique de la charpente. Pendant des mois, la question de la reconstruction a fait débat en France, opposant les partisans d’une reconstruction à l’identique aux « modernistes » pour qui tout projet conçu sans esprit d’innovation serait passéiste et réactionnaire.
Une lecture attentive de la charte de Venise viendra cependant mettre fin à ces querelles. Cette charte, éditée en 1964, définit en effet un cadre international pour la préservation des monuments anciens qui doivent être restaurés dans leur dernier état connu. Toujours selon cette charte, le remplacement des vitraux disparus ne pourra être confié à des artistes contemporains – comme l’avait un temps suggéré l’archevêque de Paris, Monseigneur Aupetit. Finalement, le plus bel hommage fait à la longue histoire de Notre-dame ne serait-ce pas d’épouser le lointain sillage de ses bâtisseurs ? Et que dans un temps où tout doit aller vite, on fasse de nouveau l’éloge de la patience, de la lenteur et de l’humilité ?
Un challenge irréalisable
Ce dont on est sûr, c’est que la restauration de Notre-dame coûtera cher. Dans l’émotion de l’incendie, 850 millions d’euros de promesses de dons avaient été enregistrés. 134 000 donateurs avaient exprimé leur désir de participer au financement de ce gigantesque chantier : des anonymes, mais aussi des entreprises, parmi lesquelles LVMH, Bouygues, Total, Axa, L’oréal…un an après le sinistre, 21 % des sommes promises avaient déjà été encaissées. La générosité collective a permis de subventionner les premiers chantiers d’urgence destinés à sauver le monument. Les appels de fonds se feront au gré de l’avancement de la reconstruction.
La date de la réouverture de Notredame de Paris est toujours prévue pour le 16 avril 2024. Un challenge irréalisable pour la plupart des experts consultés.