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Marc Viré Archéologu­e et historien

Marc Viré kennt Notre Dame sehr genau und hat jahrelang vor einer Katastroph­e gewarnt.

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Marc Viré est archéologu­e et historien du Moyen Âge et de l’antiquité. Il a été ingénieur spécialisé en matériaux de constructi­on et carrières à l’institut national de recherches archéologi­ques préventive­s (Inrap). En avril 2019, il a participé en tant qu’archéologu­e au chantier de Notre-dame. Le dernier pour lui, puisqu’au terme de celui-ci, il prenait sa retraite.

Comment êtes-vous venu à l’archéologi­e ?

Je viens d’une famille d’archéologu­es. Mon grand-oncle, Armand Viré, pratiquait l’archéologi­e préhistori­que. Une galerie porte d’ailleurs son nom à Padirac (célèbre site archéologi­que en Occitanie). Il y avait beaucoup de livres concernant l’archéologi­e dans la maison familiale. Adolescent, je furetais, je poussais les portes cochères, j’entrais dans les cours, dans les maison anciennes… Puis j’ai découvert le monde souterrain de Paris, les carrières souterrain­es. Et les pierres sont devenues ma spécialité. Mon métier, finalement, c’est de faire parler les pierres pour qu’elles nous racontent l’histoire des monuments et celle de leur constructi­on.

Qu’avez-vous ressenti au moment où Notre-dame a brûlé ?

Dès les années 1980, j’avais demandé à ce qu’une étude de la charpente de Notredame soit faite. Devant la passivité de mes pairs, je m’étais insurgé : « Vous n’allez quand même pas attendre qu’elle brûle pour qu’on le regrette ! » Mais les financemen­ts de cette étude n’ont pas été trouvés. Alors quand la charpente a brûlé, j’ai été scandalisé. Mon engagement dans le chantier de Notre-dame, ce ne sont pas des pleurs, c’est de la rage, de la colère ! Une colère contre un tas de personnes qui n’ont pas agi alors qu’elles avaient les clés pour le faire. Quand la cathédrale a brûlé, ça faisait combien de décennies que je demandais que les choses se fassent ? Mais on me répondait par des haussement­s d’épaules…

Comment vous êtes-vous retrouvé sur le chantier de Notre-dame en avril 2019 ?

C’est Stéphane Deschamps, le chef du service régional d’archéologi­e d’île-defrance, qui a insisté pour que l’archéologi­e soit présente sur le chantier. Tout le monde voulait évacuer les gravats. Sauf que ce ne sont pas des gravats, ce sont des éléments patrimonia­ux. Il faut les trier, les identifier, les numéroter, voir si des éléments peuvent être récupérés et réutilisés. C’est important de le faire pour savoir comment on construisa­it à l’époque. Mais au fond, un chantier du Moyen Âge, ça n’était pas très différent d’un chantier d’aujourd’hui. Cela m’a frappé sur le chantier de Notre-dame.

Un jour, nous avons tous été obligés de sortir de la cathédrale à cause de l’inspection du travail. Nous nous sommes retrouvés sur le parvis. Il y avait tous les corps de métiers : les charpentie­rs, les tailleurs de pierre, les grutiers, les cordistes… Tous les acteurs étaient en place. Et là, j’ai réalisé que nous étions les successeur­s de nos maîtres du XIIE et du XIIIE siècle.

Quand et pourquoi a été décidée la constructi­on de Notre-dame ?

À la naissance d’une cathédrale, il y a toujours la volonté d’un homme qui est le maître d’ouvrage. Et pour Notre-dame de Paris, le patron, c’est Maurice de Sully. Il était fils de paysans et très doué intellectu­ellement. Il avait beaucoup voyagé. Il avait aussi été en contact avec l’abbé Suger qui avait relancé la constructi­on de Saint-denis à partir de 1136. Il a également été professeur de théologie à l’école Notre-dame où il a enseigné vingt ans. Et parmi ses élèves, il y avait le futur roi de France, Louis VII. Plus tard, il a été nommé évêque. Paris n’était pas encore la capitale du royaume de France. Maurice de Sully s’est rendu compte très tôt qu’il fallait une cathédrale pour Paris. Il a forcé la main du jeune roi Louis VII, qu’il connaissai­t bien, pour lancer ce chantier. Et il a trouvé les moyens nécessaire­s pour y arriver. Au fond, Maurice de Sully a fait le destin de la France en installant sa capitale à Paris.

Qui est l’architecte de la cathédrale ?

Il n’y a pas d’architecte au Moyen Âge de manière générale. C’est Maurice de Sully, l’évêque, qui en a défini le tracé, l’orientatio­n. La pensée constructi­ve, c’est lui. Il n’est pas architecte, mais il est formé. Ça veut dire qu’il savait dessiner. Cette science de la géométrie, il la connaissai­t par les textes de Pythagore, d’euclide et de Vitruve. Maurice de Sully a insufflé l’esprit. Mais il s’est également donné les moyens financiers, techniques et humains pour y arriver. Bien sûr, il n’a pas travaillé seul devant sa feuille de parchemin. Il a expliqué à ses maîtres maçons ce qu’il voulait. La taille des colonnes, leur hauteur, leur largeur…

Que pensez-vous de l’idée de « geste contempora­in » qui avait été évoqué à un moment ?

Il y a pour moi une personne qui porte une grande responsabi­lité devant l’histoire et le patrimoine mondial : c’est le président de la République. Il a été d’une incroyable légèreté, il a commis une erreur fondamenta­le. Parce qu’en introduisa­nt le fameux « geste contempora­in » sur la cathédrale, qui de toute façon n’aurait pas été acté par le conseil supérieur des monuments historique­s, il faisait prendre un risque insupporta­ble à l’ensemble devant la communauté internatio­nale, celui de faire perdre à toutes les berges de la Seine et du site de Notre-dame son inscriptio­n parmi le patrimoine mondial de l’humanité reconnu par l’unesco. Vous imaginez si Notre-dame n’avait plus été agréée au patrimoine mondial de l’humanité ? Heureuseme­nt, l’architecte en chef des monuments historique­s, Philippe Villeneuve, a gagné la bataille contre cette idée absurde et dangereuse.

 ??  ?? Élément de la flèche avec ornements en plomb non fondus prélevé avec un bras articulé
Élément de la flèche avec ornements en plomb non fondus prélevé avec un bras articulé
 ??  ?? Morceaux de charpente de la flèche carbonisés, tombés sur la voûte de la croisée du transept
Morceaux de charpente de la flèche carbonisés, tombés sur la voûte de la croisée du transept
 ??  ?? Marc Viré, archéologu­e sur le chantier de Notre-dame
Marc Viré, archéologu­e sur le chantier de Notre-dame
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Projet de faisceau de lumière avec flèche s’élevant « vers l’infini ».
Ci-dessus en bas : Projet de faisceau de lumière avec flèche s’élevant « vers l’infini ».
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Projet de verrière avec une flèche dorée.
Ci- dessus en haut : Projet de verrière avec une flèche dorée.

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