Ecoute

Histoires de famille

Im Kreise ihrer großen Familie feiert Louise ihren 80. Geburtstag. Es wird gelacht, getrunken und getanzt. Aber nach dem Fest kommt es zu einem Streit mit ihrer Tochter.

- D’HÉLÈNE LEGENDRE

3 novembre 2019.

Le salon était plein à craquer. Des rires et des exclamatio­ns fusaient de toute part. Les femmes étaient habillées avec le chic décontract­é des Parisienne­s: petites robes noires décolletée­s, tailleurs près du corps, bijoux modernes… Les hommes portaient des costumes. Une femme souriante en tablier blanc se faufilait entre les invités avec un plateau de coupes de champagne.

Louise Leroy, bien plantée sur ses deux jambes, l’allure fière et la voix assurée, ouvrit la soirée :

« Mes très chers tous, mes neveux et nièces, mes filles Christine, Isabelle et Laure ainsi que leurs familles, mes amis, merci d’être si nombreux ce soir pour fêter mes 80 ans. Je pense aussi à mon cher Pierre qui nous a quittés il y a maintenant trois ans et qui, grâce à sa très belle carrière et sa générosité, m’a permis de mener une vie si agréable malgré nos trois enfants… Je vous souhaite à tous une excellente soirée ! »

Les applaudiss­ements couvrirent la remarque grinçante d’une petite femme blonde et boulotte aux yeux bleus :

« Une vie agréable malgré ses trois enfants, c’est sympa pour nous !

– Isabelle, tu connais ta mère, elle n’a jamais fait dans la dentelle », commenta son mari.

Puis ce fut le tour du discours d’une jolie petite fille en robe rouge, qui déclara sa grandmère « reine de la famille » et lui déposa délicateme­nt une couronne dorée sur la tête. Ses cousins firent un sketch qui amusa beaucoup l’assemblée. Enfin, on passa au buffet.

Après avoir soufflé avec les enfants les bougies d’un impression­nant gâteau au chocolat, Louise, comme à chaque rencontre familiale, se mit au piano demi-queue qui trônait dans le salon, suivie de Laure qui prenait des photos. Le silence se fit autour d’elle. Elle ferma les yeux et attaqua la ballade de Chopin avec laquelle elle avait gagné le premier prix du Conservato­ire de Paris. Christine, très émue de la qualité musicale du jeu de sa mère malgré son grand âge, se rapprocha pour l’enregistre­r avec son portable. Après ce premier morceau, un homme d’une quarantain­e d’années vint rejoindre Louise avec son violon.

« Lucas Farge va maintenant m’accompagne­r pour jouer la sonate pour piano et violon n° 1 de Fauré. C’est le compagnon de Sophie, une très bonne amie de Christine. Et il a la gentilless­e de

venir jouer régulièrem­ent avec la vieille dame que je suis.

– Tout le plaisir est pour moi, chère Louise », répondit le musicien avec modestie.

Louise échangea un regard avec Lucas et attaqua l’allegro.

Après de chaleureux applaudiss­ements, Louise passa sans transition à une valse musette qu’elle entonna d’une voix gouailleus­e : «Je ne sais pourquoi j’allais danser à Saintjean, au musette, mais il m’a suffi d’un seul baiser pour que mon coeur soit prisonnier...» Des couples se mirent à danser en chantant le refrain avec Louise : « Comment ne pas perdre la tête, serrée par des bras audacieux... »

Les photos de mariage et les portraits d’enfants posés sur le piano tremblaien­t à chaque accord, l’ambiance battait son plein.

« Alors, il paraît que tu as offert un scooter à Christine ? On peut savoir pourquoi ? Pour la remercier d’habiter à Paris et de venir te voir plus souvent que moi ? »

Isabelle se tenait devant sa mère, menaçante malgré sa petite taille. Tous les invités étaient partis, Louise était épuisée et ne demandait qu’à se coucher. D’une voix lasse, elle expliqua :

«Ça devient de plus en plus difficile de circuler dans Paris en voiture, alors je lui ai fait ce cadeau.

– Parce que moi, à Lyon, je n’ai pas le même problème ?

– Pourquoi tu es jalouse comme ça, alors que je me suis tellement occupée de tes enfants quand ils étaient petits ?

– Oui, et tu en as profité pour mettre dans la tête de Corentin que j’étais une mauvaise mère ! »

La voix de Louise se fit ferme :

« Maintenant ça suffit ! Sors de ma chambre et laisse-moi me coucher ! »

Isabelle poussa violemment sa mère et sortit sans un regard pour elle. Celle-ci perdit l’équilibre, recula d’un pas et se cogna contre la commode. Elle s’agrippa au bord de la plaque de marbre, le regard plein d’effroi et la respiratio­n haletante. Dans le salon, Isabelle se jeta en larmes dans les bras de son mari.

« Elle me déteste, elle m’a toujours détestée ! »

Suite au prochain numéro

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