Ecoute

Rencontre avec un intime du pouvoir

Serge Moati, Journalist, Regisseur, Schriftste­ller und 1971 Berater von François Mitterrand über den ehemaligen Präsidente­n und seine Beziehung zu ihm.

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J’ai rencontré François Mitterrand en 1971 au congrès d’épinay. Je n’avais pas encore 25 ans. C’est au cours de ce congrès que François Mitterrand va être élu premier secrétaire du Parti socialiste (PS). Il a 54 ans et je suis très intimidé. Puis, tout d’un coup, j’entends Mitterrand qui dit : « Je ne connaissai­s pas le camarade Serge Moati ». Mon sang n’a fait qu’un tour. Être reconnu ainsi par Monsieur Mitterrand, c’était incroyable ! À partir de ce moment-là, je l’ai accompagné jusqu’à sa mort, sur les plateaux de télévision, d’abord. Je le conseillai­s car, de son propre aveu, il détestait ça. Il détestait la télévision. Un jour, il m’a demandé conseil pour « bien passer » à la télévision. Je lui ai suggéré d’imaginer les jeunes filles qui allaient être séduites par lui. Il a compris que la télévision n’était une arme de persuasion qu’à travers la séduction. Il était très perspicace, très intelligen­t.

Le débat de la présidenti­elle en 1981

Je pense que le débat de l’entre-deuxtours de l’élection présidenti­elle de 1981

a été un des moments les plus forts de ma vie. Et de la sienne aussi. Il était très tendu. Espace qui sépare les candidats, températur­e sur le plateau, dimension de la table, profil à filmer, date et durée du débat… Tout cela, ce sont des règles pour lesquelles nous avons été moqués, jusqu’à être qualifiés de défenseurs d’une « télévision nord-coréenne » ! Mitterrand avait été traumatisé par le débat de 1974 face à Valéry Giscard d’estaing, et il a fallu le tranquilli­ser. D’où l’établissem­ent de règles avec l’équipe de Giscard, tout simplement ! Ce qu’on a inventé en 1981 a fait jurisprude­nce. Nous sommes allés ensemble négocier toutes les règles avec le camp adverse. Je me souviens de l’avoir retrouvé dans sa loge, pour qu’il soit maquillé, avant le débat. Il m’a alors parlé du film Le Mépris, de Jean-luc Godard, avec Brigitte Bardot. Il y a cette scène incroyable : Brigitte Bardot est nue et demande à son amant s’il aime, une par une, toutes les parties de son corps. Mitterrand disait donc les répliques : « Et mes fesses, tu les aimes mes fesses ? ». C’était un moment unique. Pour aider quelqu’un dans sa communicat­ion publique, c’est simple : la première règle est de respecter et d’aimer cette personne. Il y a beaucoup de cabinets de conseil en communicat­ion aujourd’hui, mais ça ne peut pas être la même chose. J’ai suivi et conseillé François Mitterrand pendant 25 ans. C’est un homme superbe et admirable pour lequel j’ai eu un immense respect jusqu’à aujourd’hui. Je lui serai loyal jusqu’à ma mort.

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 ?? ?? Débat de 1981 entre François Mitterrand et Valéry Giscard d’estaing. Derrière F. Mitterrand : Serge Moati (à gauche) et Robert Badinter, futur ministre de la Justice
Débat de 1981 entre François Mitterrand et Valéry Giscard d’estaing. Derrière F. Mitterrand : Serge Moati (à gauche) et Robert Badinter, futur ministre de la Justice
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