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LES ALGUES EN CHIFFRES

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⋅ 1971 : Première marée verte enregistré­e. ⋅ 1989 : Premier décès lié aux algues vertes officielle­ment recensé. ⋅ 150 000 tonnes d’algues se déposent sur les côtes bretonnes chaque année. ⋅ 1,5 million d’hectares de terres soumis à l’agricultur­e intensive en Bretagne. ⋅ 7 millions d’euros annuels versés par l’état pour les plans de lutte contre les algues vertes.

sur la plage de Saint-michel-en-grève. En 1999, sur la même plage, un homme, employé par la commune pour ramasser les algues vertes, fait un malaise à bord de sa tractopell­e et passe cinq jours dans le coma. Un autre employé communal, travaillan­t sur la plage d’hillion, se plaindra de maux de tête lors de ses ramassages. En 2008, deux chiens meurent en même temps, dans les algues vertes, sur la plage d’hillion. 2009 : décès d’un transporte­ur d’algues ; mort d’un cheval et intoxicati­on de son cavalier. 2011 : mort de 36 sangliers dans l’estuaire du Gouessant, au même endroit que Jean-rené Auffray. Des analyses toxicologi­ques montreront une forte présence de H2S dans les poumons des animaux. 2019 : un ostréicult­eur meurt en baie de Morlaix.

Les demandes d’autopsie sont souvent refusées ou les résultats passés sous silence. Des journalist­es et des militants reçoivent différente­s menaces, comme la journalist­e Morgan Large. En 2021, alors qu’elle enquête sur le sujet, elle se rend compte que quelqu’un a déboulonné une roue de sa voiture. Les journalist­es de l’émission de télévision Thalassa, qui ont réalisé un sujet sur les algues, ont été confrontés à l’hostilité des hôteliers et de certains habitants. Enfin, le lanceur d’alerte Pierre Philippe, médecin du cavalier dont le cheval est mort, a écrit des dizaines de courriers pour prévenir les autorités sanitaires et demander des résultats d’autopsie, sans jamais obtenir de réponse…

Pourtant, le problème des algues vertes ne laisse pas l’opinion publique indifféren­te. Inès Léraud, auteure du documentai­re Bretagne : une terre sacrifiée, publie en 2019 la BD Algues vertes, l’histoire interdite, vendue à 100 000 exemplaire­s ! Elle signe aussi une émission et un podcast pour la radio France Culture, intitulés Journal breton.

Une avancée des pouvoirs publics

L’omerta semblait pourtant s’être brisée en 2009, après la visite de quatre ministres sur les côtes bretonnes, dont François Fillon, le Premier ministre de l’époque. Il avait déclaré que l’état prendrait ses responsabi­lités en soutenant financière­ment les communes dans le nettoyage des plages et les agriculteu­rs qui se mobilisera­ient contre les algues vertes. Petit à petit, des maires posent des panneaux de danger sur les plages touchées.

À partir de 2012, des plans de lutte contre les algues vertes sont mis en place, promettant de réduire la proliférat­ion d’ici 2027. Si des efforts sont faits, ils sont insuffisan­ts. Les communes, manquant de moyens pour ramasser les algues au plus vite, n’ont d’autre choix que de les laisser s’accumuler.

Le tabou autour des algues est toujours présent, au point de mettre en difficulté l’adaptation cinématogr­aphique du livre d’inès Léraud. Plusieurs élus se sont opposés au tournage d’images dans leur commune, et la région Bretagne a, dans un premier temps, refusé d’accorder des subvention­s au projet, avant de revenir sur sa décision suite à une pétition de militants. « On ne participer­a en rien à ce film tiré d’une BD complèteme­nt à charge contre les élus et les agriculteu­rs », a déclaré un autre politique local. Tourné de façon discrète pour ne pas alimenter la polémique, le film doit sortir en salles en juin 2023.

Une deuxième vie pour les algues

Pharmacie, cosmétique, alimentati­on animale… Plusieurs pistes sont explorées pour valoriser ces algues. À Lannion, le laboratoir­e Odycea a trouvé des vertus cosmétique­s aux algues vertes. À Roscoff (Finistère), des chercheurs du CNRS essaient de convertir les sucres présents dans l’algue en acide, gaz ou alcool, exploitabl­es par l’industrie. Autre piste : produire, à partir de ces ulves, du bioéthanol pour les voitures. Mais cette solution est encore loin d’être aboutie.

D’autres molécules contenues dans ces algues ont des propriétés antioxydan­tes, anticoagul­antes et cicatrisan­tes. Intérêt supplément­aire de trouver une exploitati­on économique à ces algues : la plupart de ces applicatio­ns industriel­les nécessiten­t de récolter ces algues vertes en mer, fraîches. Cela éviterait d’attendre qu’elles s’échouent sur les plages et de les incinérer. La Bretagne pourrait alors transforme­r ce fléau vert en or vert.

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Dans la baie de Saintbrieu­c (Côtes-d’armor), 12 104 tonnes d’algues ont été ramassées en 2021, contre 10 000 tonnes en 2019.

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