JE NE VEUX PAS HYPNOTISER MES PROCHES
— MESSMER
Messmer, la prochaine saison s’annonce chargée pour vous: vous devez présenter des spectacles en France et mener une tournée au Québec. Êtes-vous impressionné par votre succès?
Mon horaire est chargé depuis 10 ans. Je donne environ 200 spectacles par année. C’est beaucoup de travail, mais j’en profite. Il y a maintenant 25 ans que je pratique ce métier en vue d’arriver à ça et, puisque j’ai atteint mon but, je travaille avec plaisir. Je viens de commencer une série de plus d’une soixantaine de représentations à Paris. Je présente là-bas le même show qu’au Québec; il est adapté au Québec et à la France. Là-bas, le spectacle est simplement un peu plus court — une représentation de deux heures et demie, c’est trop long pour les Français, à cause du métro parisien, qui s’arrête trop tôt.
Utilisez-vous les mêmes techniques en France et au Québec?
Oui. J’ai adapté mon langage, cependant. Je parle un peu plus lentement pour que les gens me comprennent mieux. Ce qui est marrant, c’est que je prends l’accent français rapidement quand je suis là-bas; j’ai tendance à parler comme les Français. Ce n’est pas que je le veuille absolument, c’est un mimétisme qui se fait tout seul. Pour le reste, ça se passe de la même façon. J’utilise la même technique face à une personne, par exemple quand je l’endors. Mon but est d’aller chercher l’imaginaire des gens. Un Québécois pure laine réagit d’une certaine façon, et quelqu’un d’une autre nationalité réagit de façon différente. C’est ce qui fait la beauté de mon spectacle.
Que pensent votre femme et vos enfants de ce que vous faites?
Ils m’ont vu évoluer. Je suis avec ma conjointe depuis 22 ans et, la première fois que j’ai donné un spectacle rémunéré, elle était là. C’est la même chose pour mes enfants: ils m’ont toujours vu faire ça. Pour eux, c’est normal. Lorsque j’ai commencé à faire de l’hypnose, quand j’étais enfant, je pensais que c’était normal. Je ne comprenais pas pourquoi les gens me regardaient bizarrement. Ma famille a baigné dans cet univers. Mon grand-père et mon père pratiquaient aussi l’hypnose. Quand je me suis aperçu que les gens autour de moi me regardaient étrangement, j’ai refoulé tout ça. J’ai gardé ça en moi pendant des
années, avant d’arriver avec le personnage de Messmer, en 1995.
Montez-vous parfois des numéros avec vos enfants?
Non, jamais. Je ne veux pas hypnotiser mes proches. J’ai peur qu’ils pensent que je les manipule et que, dans une situation donnée, je pourrais les influencer. Je n’ai jamais touché à ça avec ma famille, que ce soit ma femme, mes enfants, mon père ou ma mère. S’ils veulent suivre une thérapie, je les adresse à un bon thérapeute, pas à moi.
Par contre, les amis de vos enfants doivent être impressionnés, non?
Disons qu’ils me regardent assez étrangement. Il y a aussi une certaine fascination dans leur regard. Je bouge un bras, et ils m’observent en se demandant ce qui va arriver. Ils essaient de comprendre. Ils seraient fascinés de savoir comment je m’y prends pour endormir les gens. Je joue avec ça aussi parfois. (rires) Je prends de grandes respirations, je ferme les yeux et je vois qu’ils deviennent craintifs. En même temps, quand je
suis en maillot de bain dans une piscine, je suis moins impressionnant.
Quand vous croisez les gens dans la rue, y en a-t-il qui ont ce genre de réaction?
Ils ne changent pas de trottoir, mais je vois qu’ils sont craintifs. J’ai encore un côté mystérieux que j’aime alimenter. Pourtant, sur scène, j’essaie de démystifier tout ça. Ce n’est pas un don, ce sont des sciences qui s’apprennent. J’ai eu la chance de m’y initier jeune et de développer mes propres techniques pour arriver là où je suis aujourd’hui. Mais il y a encore des personnes qui ne comprennent pas ce que c’est et qui éprouvent une certaine peur. Elles craignent que je rentre dans leur tête. (rires)
Est-ce que vos enfants ont envie d’exercer le même métier que vous?
J’ai deux enfants; ils ont 18 et 21 ans. Mon plus jeune a commencé dernièrement. Il a sorti les vieux livres que mon grand-père m’avait donnés et il s’est plongé dedans. Je le laisse aller, je ne sais pas ce que ça va donner. Je n’ai jamais été poussé dans ce milieu, alors je ne le pousse pas non plus. Quant à mon garçon de 21 ans, il a déjà un fils qui a 4 ans et qui joue à donner des spectacles dans sa chambre en tant que Messmer. Il se construit même des décors, avec ses camions et ses jouets. D’après moi, c’est peut-être lui qui va aller le plus loin dans cet univers. Quant à son père, il aime
MON PETIT-FILS, QUI A QUATRE ANS, JOUE À DONNER DES SPECTACLES DANS SA CHAMBRE EN TANT QUE MESSMER.
aussi la scène, mais de façon différente: il fait de la musique.
Comment votre famille voit-elle votre évolution?
Quand mes enfants étaient plus jeunes, je les emmenais souvent avec moi pour qu’ils découvrent mon métier et les gens que je côtoie. Aujourd’hui, ils ont chacun leur vie. Ils me suivent un peu moins, mais ils reconnaissent mon succès et ils sont contents pour moi. Ils viennent aux premières et participent à divers événements. On a une bonne «chimie». Ils ne m’ont jamais reproché de ne pas être assez présent en tant que père. J’essaie toujours d’être là pour eux quand je suis à la maison. Je pense qu’on a réussi à créer un équilibre entre mon métier et ma vie personnelle.
Est-ce que votre conjointe vous accompagne en France?
On vit au Québec. Il faut qu’il y ait un pilier pour gérer notre vie familiale ici. Elle va peut-être venir en France pendant quelque temps.
Ça ne vous fait pas peur de vous retrouver seul à Paris?
Je vais voir. Depuis que je suis tout jeune, je me vois faire des spectacles à Paris; je me sens bien lorsque j’y suis. Ça devrait bien se passer. Je vais jouer au théâtre Bobino le temps de 62 représentations puis, l’été prochain, je devrais partir en tournée dans toute la France. C’est encore un marché en développement.
Aimeriez-vous faire carrière aux États-Unis?
Ce n’est pas dans mes intentions à court et à long terme. La francophonie m’interpelle beaucoup plus. D’abord, le français est ma langue maternelle, et c’est plus facile pour moi de performer dans cette langue. Et puis, je ne veux pas délaisser le Québec; je vais continuer à donner des spectacles ici. Je serai d’ailleurs en tournée à compter de janvier 2013. Je verrai par la suite. Je me laisse guider par la vie; ça m’a toujours mené au bon endroit.
Pour toutes les dates de spectacles, visitez messmer.ca.