7 Jours

«J'ai eu les meilleurs parents du monde»

MÉLISSA BÉDARD

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Mélissa, dans quel contexte es-tu arrivée ici?

J’ai été adoptée à l’âge de neuf mois par des parents québécois, Daniel Bédard et Lise Dubé. Mes parents avaient déjà un fils, Stéphane, et ils ne pouvaient plus avoir d’enfants. Ils se sont donc tournés vers l’adoption. En Haïti, on leur a proposé une fille ou un garçon jumeaux, c’est-à-dire mon frère et moi. Mes parents ont décidé de ne pas nous séparer, et c’est ainsi qu’ils nous ont adoptés tous les deux. Je suis arrivée ici plus tard que mon frère, car je suis tombée malade. Je suis arrivée chez mes parents trois mois après lui. J’ai grandi à Charlesbou­rg, et tout s’est très bien passé.

As-tu eu l’occasion de retourner en Haïti?

Non. Il m’est arrivé de vouloir retrouver mes racines, mais il est inscrit dans mon dossier d’adoption que ma mère est décédée à ma naissance et que mon père est «absent». Je suis consciente que ça risque d’être difficile de retrouver des membres de ma famille. De plus, à cause du tremblemen­t de terre, je présume que bien des archives ont été détruites. À l’école, des élèves d’origines haïtienne et africaine me demandaien­t pourquoi je n’avais pas l’accent ni la culture haïtienne. Au fond de moi, je sens que j’ai quand même hérité de belles valeurs de ma culture d’origine. Lorsque les gens me parlent de mon pays, ça me touche.

Sais-tu si tu as des frères et des soeurs là-bas?

Je ne le sais pas, mais moi, je crois que oui. En Haïti, les familles sont souvent grandes. Mon frère et moi avons été mis à l’orphelinat à l’âge d’un jour. Je ne sais pas grand-chose sur ma naissance. Mon père m’a dit qu’à l’époque il y avait des conflits en Haïti.

Ta personnali­té a-t-elle été influencée par le fait que tu as été adoptée?

Je crois que tout ce que j’ai vécu jusqu’à maintenant m’a rendue plus forte. En même temps, je me dis que, si je vis des émotions aussi intensémen­t, c’est peut-être à cause de ça. J’ai une grande sensibilit­é. J’ai eu la chance d’avoir les meilleurs parents qui soient. Quand on adopte un enfant, on a la volonté de lui offrir une meilleure qualité de vie, et c’est ce que mes parents ont fait. Je suis heureuse que ma présence a contribué à combler de bonheur un couple qui n’arrivait plus à avoir d’enfants. Je le répète, j’ai eu les meilleurs parents du monde.

Tu as perdu très tôt ta mère adoptive. Comment as-tu surmonté cet autre deuil?

J’ai perdu ma maman à l’âge de 10 ans. Elle est décédée dans un accident de voiture. Je crois que, lorsqu’on est enfant, on ne le réalise pas tout de suite. C’est au moment où surgissent les épreuves de la vie qu’on prend conscience de ce qui nous manque. Lorsque j’ai eu ma fille, ça m’a attristée de ne pas pouvoir la présenter à ma mère. Il y a certains moments difficiles que j’aurais souhaité passer avec ma mère, mais les affronter seule me rendue plus forte. Tous les jours, je prie ma mère.

Quelle incidence cette perte a-t-elle eue sur ta propre vie de mère?

J’ai perdu ma mère brutalemen­t. Je n’étais pas préparée et je n’ai rien vu venir. Lorsque j’ai eu ma fille, j’ai été tout de suite une mère hyper protectric­e. Côté sécurité, je serais prête à lui mettre un GPS quand elle se promène dans la maison… (rires) Je veux toujours savoir ce qu’elle fait, où elle va, où elle est. Que ce soit ma fille ou une personne que j’aime, j’ai toujours peur de la perdre du jour au lendemain…

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«Mon frère et moi avons été mis à l’orphelinat à l’âge d’un jour.»
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Mélissa et son frère jumeau
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