Lise Payette
Dans le documentaire Lise Payette: Un peu plus haut, un peu plus loin, la dame d’influence se confie à sa petite-fille Flavie sur sa vie de femme, de mère et d’épouse. De son côté, Sophie Thibault discute avec elle de sa carrière de ministre, du téléroma
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Madame Payette, qu’est-ce que cela vous fait de voir votre vie dans un documentaire?
Je trouve ça très touchant. Surtout le parallèle entre ma vie et l’évolution de la société québécoise. J’avoue que c’est très audacieux. Je n’aurais pas fait cela moi-même: je n’aurais pas pensé à mettre tout cela ensemble, même si je l’ai vécu. C’est la première fois que quelqu’un se donne la peine de situer mon action à moi et l’avancement du Québec, et c’est certain que tout cela m’ébranle un peu.
En revoyant ainsi votre vie, est-ce qu’il y a des choses que vous referiez autrement aujourd’hui?
Oui, c’est certain. Il y a une grande fierté, mais il y a aussi quelques déceptions. Je me dis que parfois j’aurais pu faire mieux ou à certains moments faire un peu plus attention. Revoir sa vie défiler sur un écran, oblige à avoir un certain regard, à faire un certain bilan et aussi de petites remises en question. Ça m’a permis d’être comme à bord d’un avion et de faire un survol de ma vie, un survol qui se veut positif et qui me rend heureuse au bout du compte.
Lorsque vous regardez tout ce que vous avez accompli, de quoi êtes-vous le plus fière?
J’ai envie de vous dire que je suis très fière de Flavie, ma petite-fille, qui y est pour beaucoup dans la réalisation de ce document. Je suis aussi heureuse parce que je m’étais donné un objectif le jour où on me l’a mise dans les bras pour la première fois. J’ai un attachement profond pour ma grand-mère Marie-Louise. J’ai tout appris avec elle, elle m’a montré la base de ma vie, de mes choix et de mes convictions, et je voulais jouer ce même rôle avec ma petite-fille. Je pense que je peux dire: mission accomplie!
Avez-vous toujours pensé à votre grand-mère quand venait le temps de prendre des décisions?
Oui, et je le fais encore aujourd’hui. Je me dis chaque fois: «Qu’est-ce que Marie-Louise M il i aurait itf fait, it elle, ll dans d cette situation?» Si je suis face à un problème que j’ai de la difficulté à résoudre, je pense toujours à ce que ma grand-mère m’a dit un jour ou un autre... Et chaque fois, cela m’éclaire et m’aide à prendre une décision. Ç’a souvent été déterminant dans ma vie.
Je me suis toujours sentie privilégiée
d’avoir pu rencontrer des gens et les écouter.
Dans le documentaire, on revient aussi sur votre parcours à la télévision: qu’est-ce que vous en retenez?
Le plaisir d’un travail que j’aimais beaucoup. Faire des entrevues, c’est ce qui m’a habitée toute ma vie. J’ai eu la chance de faire plusieurs entrevues dans ma carrière et je garde un bon souvenir de la plupart d’entre elles. Je me suis toujours sentie privilégiée d’avoir pu ainsi rencontrer des gens et les écouter.
On a failli vous perdre il y a quelques mois à la suite d’ennuis de santé. Comment allez-vous maintenant?
Je vais très bien, mais il me reste deux grands objectifs à atteindre. Tout ça a commencé par une fracture de d la lh cheville. ill J’ J’avais i 80 ans, et t on m’a ’ couchée dans un lit pendant six mois. J’ai eu beaucoup de mal à me relever. De petits bobos sont apparus et, un jour, le docteur m’a dit qu’il me restait deux jours à vivre. J’étais prête: tous mes papiers étaient en règle, et j’avais eu une belle vie. J’acceptais la mort, elle fait partie de la vie. Mais ma petite-fille Flavie n’était pas prête, elle...
C’est elle qui vous a retenue?
Oui, j’ai fait un contrat avec elle qui disait que j’allais faire tout ce que je pouvais pour m’en sortir, alors qu’elle, elle devait faire tout ce qu’elle pouvait pour penser un jour à me laisser partir. On a réussi toutes les deux, je crois. Aujourd’hui, j’ai remonté la pente et j’ai encore deux objectifs: le premier est de remarcher avec une canne, comme je le faisais avant, et j’aimerais aussi pouvoir conduire ma voiture. Pour les gens de mon âge, une voiture, c’est la liberté. J’aimerais pouvoir sortir un peu plus; ça fait plus d’un an et demi que je suis clouée à ce fauteuil, et je compte bien m’en sortir. Dominique Michel dit toujours que, quand on vieillit, l’important est de rester dans la parade. Si tu t’assois sur le bord du trottoir pour regarder passer la parade, t’es fait. Je tente donc de rester dans la parade. L’écriture me permet de me sentir vivante et de rester en contact.