7 Jours

Patrick Hivon

« J’AI OUVERT MES HORIZONS »

- PAR PATRICK DELISLE- CREVIER • PHOTOS: JULIEN FAUGÈRE

Patrick, que peut-on dire de ton personnage dans L’Échappée cette saison?

Ça brasse en tabarnouch­e! Les textes sont tellement bien écrits, et j’ai bien de la viande après l’os en ce qui concerne mon personnage. On va mieux comprendre David et on va se mettre un peu plus dans sa peau cette saison. On a pu le juger de l’extérieur et, maintenant, on va mieux le comprendre de l’intérieur.

En quoi ce personnage te ressemble-t-il?

Je ne sais pas en quoi il me ressemble, mais il a le côté calme et posé que j’aimerais avoir. Je m’exerce à l’être, mais j’ai beau essayer, ça ne marche pas.

Pourquoi? Es-tu plutôt du type nerveux?

Oui; ça ne paraît pas? Je suis vraiment un gars stressé et, quand vient le temps de prendre des décisions ou de faire quelque chose, je suis plutôt spontané. Je suis incapable de planifier. J’ai appris à me modérer depuis la naissance de mes enfants, mais je suis vraiment impulsif, je ne calcule pas. Même au travail, j’y vais toujours avec le premier feeling que j’ai.

Si tu ne sens pas un rôle ou un personnage, arrives-tu à dire non, à le refuser?

Ça m’arrive, mais c’est rare que je dise non. En général, si je ne le sens pas pour une raison ou une autre, je tente de trouver pourquoi et, ensuite, j’essaie de voir ça comme un défi. Ce n’est pas toujours heureux avant et pendant le tournage, car j’angoisse pas mal. Je me demande comment le monde va me trouver, si je vais rendre le personnage comme il se doit. Je me préoccupe aussi de ce que les gens vont dire si je me plante.

Après autant d’années à faire ce métier, tu n’as pas encore complèteme­nt confiance en tes moyens?

Non; il m’arrive encore de douter beaucoup. Je suis conscient que tout est fragile dans la vie et dans le métier aussi. Avec le temps, je me rends compte que rien n’est garanti. La santé n’est pas garantie, le travail ne l’est pas non plus. Je me vois vieillir et je me pose des questions. Il n’y a jamais rien d’acquis, et encore moins dans le travail.

Comment se traduit cette angoisse?

Par exemple, j’ai pris un mois de congé cet été. J’ai passé mon temps à me demander si c’était correct de faire ça ou si, au contraire, ça allait nuire à ma carrière, si j’allais manquer quelque chose. Je me demande aussi parfois si je vais savoir me renouveler en tant que comédien. Dans ce métier, tu ne peux pas t’asseoir sur tes lauriers et regarder passer la parade. Il faut toujours travailler et s’améliorer. J’ai encore cette peur d’être dépassé et que le téléphone ne sonne plus. Mais je vois ça de façon positive, puisque ça me pousse à m’améliorer.

De quoi es-tu le plus fier jusqu’à maintenant dans ta carrière?

En 17 ans de métier, je dirais que, ce dont je suis le plus fier, c’est d’être encore là. En début de carrière, je me suis découragé parce que ça n’allait pas comme je le voulais et qu’on me proposait des choses que je n’avais pas envie de faire. J’avais une idée bien précise de ce qu’allait être ma carrière, j’avais un petit côté puriste. Ça m’est revenu dans la face et ç’a été la meilleure chose qui pouvait m’arriver! Il y a des médias que je snobais complèteme­nt: je ne voulais faire que du cinéma, pas de télévision. J’ai eu une bonne leçon, et ça m’a fait le plus grand bien.

Pourquoi refusais-tu de faire de la télévision?

Je ne sais pas trop. J’étais l’idéaliste, le romantique de l’école de théâtre. Je me voyais avoir une carrière un peu comme celles de James Dean et de Marlon Brando, à ne faire que des films et à jouer de temps à autre au théâtre. Finalement, c’est loin d’être ce qui m’est arrivé, et c’est bien correct.

Qu’est-ce qui t’a ramené à l’ordre?

Ma blonde. Un jour, je suis revenu d’une audition et je n’étais pas de bonne humeur parce que ça n’avait pas été comme je le voulais. Elle m’a dit de changer soit d’attitude, soit de métier. Elle n’avait pas envie d’endurer ça. C’était au début de notre relation, ça m’a remis les deux yeux en face des trous. Peu de temps après, j’ai su que j’allais être père, et je me suis dit que je ne voulais pas être un parent amer parce qu’on ne me proposait pas ce que je voulais. J’ai donc ouvert mes horizons et changé mon attitude face au métier. Finalement, je peux dire aujourd’hui que j’ai la carrière que j’ai toujours souhaitée, et je ne changerais de place avec personne.

Si je te demandais de retenir un de tes rôles marquants, lequel serait-ce?

Je dirais mon rôle dans le film L’origine d’un cri, de Robin Aubert. Il y avait quelque chose de très spirituel pour moi sur le plateau. Avant le tournage, j’avais réglé plein d’affaires avec ma vie et avec mon passé. Je pense même que je n’aurais pas pu jouer ce rôle si je ne m’en étais pas occupé. J’étais un jeune père, j’étais en amour avec ma blonde, et ma vie allait bien. En même temps, je pense que chaque rôle est important à sa façon. Si je n’avais pas fait Providence, je n’aurais peut-être pas eu tel ou tel rôle. C’est une belle roue qui tourne.

Est-ce difficile pour toi de vieillir?

À 42 ans, le temps file, mais la quarantain­e est pas mal du tout. Je ne

« Ma famille est très importante pour moi, et j’en suis très fier.»

« J’étais l’idéaliste, le romantique del’écolede théâtre. »

déteste pas les années qui passent. Je ne voudrais pas d’une vie éternelle ni rester jeune à tout prix. Je veux vivre pleinement et sans regret. Je pourrais mourir demain, car je n’en ai aucun. Quand j’aime quelque chose, je me plonge complèteme­nt dedans. Ma famille est très importante pour moi, et j’en suis très fier. Autrement, je savoure chaque instant des petites choses de la vie. Je me passionne d’ailleurs pour la pêche à la mouche. Je lis plein de choses là-dessus, cette activité rassemble tout ce que j’aime: le contact avec la rivière, les paysages, la nature, les poissons. J’aime y aller seul ou à deux.

Est-ce que vieillir à l’écran est plus difficile selon toi?

C’est certain que je me vois vieillir quand je retombe sur quelque chose que j’ai fait il y a 10 ans. Au début de l’été, À l’origine d’un cri a passé à la télévision, et j’ai eu un choc. C’est fou comme ça passe vite! Mes deux enfants ont déjà 8 et 10 ans. Mon fils est déjà en train de devenir un petit homme. Ça me touche de les voir grandir et ça me touche aussi de voir qu’ils ne ramassent pas mes défauts, comme mon impatience.

Quels sont tes autres engagement­s?

Je suis de la série Catastroph­e. Je joue aussi dans la nouvelle série Faits divers. Je suis de la distributi­on du premier film de Monia Chokri, dans lequel j’interprète le frère du personnage principal, incarné par Anne-Élisabeth Bossé. Je me sens privilégié de jouer dans de si belles production­s et je me croise les doigts pour que ça continue.

En conclusion, que peut-on te souhaiter pour le reste de ta quarantain­e?

J’aimerais que tout reste comme c’est en ce moment, parce que je suis heureux. Mais je sais que tout bouge et que les choses vont changer un jour. Et à ce moment, je veux juste avoir la force de m’adapter à ces changement­s.

L’Échappée, lundi 20 h, à TVA. Faits divers, lundi 20 h, à Radio- Canada.

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 ??  ?? Avec ses enfants, Victor et Clémentine, en 2014.
Avec ses enfants, Victor et Clémentine, en 2014.
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EN VEDETTE DANS L’ÉCHAPPÉE ET DANS FAITS DIVERS
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 ??  ?? Avec Guy Nadon, dans Faits divers. Dans L’Échappée, aux côtés d’Isabelle Brouillett­e.
Avec Guy Nadon, dans Faits divers. Dans L’Échappée, aux côtés d’Isabelle Brouillett­e.

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