7 Jours

CLAUDE LEGAULT

«J’ai appris à respecter mes limites»

-

Claude, tu demeures quelqu’un de très pudique par rapport à ta vie personnell­e. Est-ce que ç’a été difficile de te convaincre de faire une biographie?

Mon agent d’édition chez Goodwin, Patrick Leimgruber — que je connais bien —, avait déjà évoqué l’idée par le passé, mais je n’en voyais pas l’intérêt. Ç’a été long avant de me convaincre, mais à un moment donné, on en a reparlé. On discutait d’improvisat­ion. Moi, je suis issu d’un courant d’impro, comme il y a eu des courants au cinéma, en peinture. Au Québec, il y a eu clairement une déferlante qui est venue de l’improvisat­ion, et j’en fais partie. Je suis un enfant de l’impro tout comme Martin Drainville, Réal Bossé... Alors, Patrick m’a dit: «On peut partir de là!» Et je lui ai répondu: «OK, ça peut être le fun!»

La LNI, c’est ce qui t’a permis de te faire connaître...

Oui! L’improvisat­ion te permet de sortir de ta coquille, de découvrir en fait que tu es un acteur, ou un auteur, ou un metteur en scène... Le petit PierLuc Funk a fait de l’improvisat­ion tout jeune et il est devenu extraordin­aire. Ç’a lancé tout un courant dont je suis fier. Heureuseme­nt que l’improvisat­ion est entrée dans ma vie. Je ne savais pas du tout ce que j’allais faire dans la vie. Je n’en avais aucune «crisse» d’idée! J’étais vraiment perdu. En entrant à la LNI, j’ai rencontré ce qu’on pourrait appeler un guide; avant ça, j’étais comme un bateau en perdition. Donc, j’ai suivi ça, et hop! Voilà!

Dans ta bio, tu abordes certains moments difficiles de ta jeunesse, le côté sombre qui t’habitait déjà enfant. Ce faisant, est-ce que tu voulais t’adresser à des jeunes qui vivent un peu ce que tu as traversé?

À des jeunes, mais aussi à des plus vieux. Il y a des bouts rough dans mon livre, mais c’est aussi plein de positif et d’anecdotes drôles. Mais oui, quand on

«À un moment donné, je me suis dit: “Je vais vivre! Je vais honorer la chance que j’ai eue d ’avoir été à 5 ou 6 pi plus loin du camion.”»

se livre à un exercice comme celui-là, on espère toujours que ça va aider ne serait-ce qu’une personne. J’ai souvent dit que, à 17, 18 ans, et même au début de l’âge adulte, ce n’est pas grave si on ne sait pas ce qu’on veut faire dans la vie, si on n’a pas la réponse à tout. On nous pose des questions auxquelles on n’a pas toujours les réponses. Est-ce qu’on peut répondre: «Je ne le sais pas»? Je pense que oui. De mon côté, c’est la LNI qui m’a inspiré. Quand j’ai découvert l’impro, c’est comme si un décapsuleu­r m’avait «levé le couvert»!

Tu t’es trouvé...

Je me suis trouvé. En fait, j’ai suivi une voie dans laquelle je n’étais pas certain de réussir, mais qui m’attirait. Quand j’étais jeune, je rêvais d’être un astronaute. Mais grâce au métier que j’ai choisi, j’ai pu aller dans l’espace, avec le Romano Fafard. Je suis comblé. Même chose pour la police avec 19-2. Je voulais faire ce métier, mais à l’époque, on ne prenait pas les gars de moins de 5 pi 8 po. Ils prenaient de très bons policiers, mais ils en laissaient filer aussi d’excellents à cause de leur petite taille.

L’auteur a rencontré ta mère, qui occupe deux emplois: agente de sécurité dans un grand hôtel et signaleuse sur des chantiers. En lisant ça, on comprend mieux d’où vient une partie de ton tempéramen­t fort.

Il y en a une bonne partie qui vient de

là. Ma mère est partie de son village quand elle avait 13 ans pour venir travailler à Montréal. Les grandes familles, c’était ça. Elle a quitté le Nouveau-Brunswick en train pour venir rejoindre sa soeur. Elle a habité avec elle pendant quelques années avant de rencontrer mon père et de se marier très jeune. Ils créaient des familles très tôt à l’époque. À 17, 18 ans, les femmes étaient mariées, elles avaient des enfants... Mon père aussi est un «bûcheux». Il a travaillé très fort. Il a travaillé dans la constructi­on, il a fait du taxi. Mes parents, c’est une combinaiso­n de personnes pas paresseuse­s. Moi, mes frères et ma soeur, on a hérité de ça: on n’est pas des fainéants!

Parmi ceux qui t’ont aidé à raccrocher, ta première blonde, la comédienne Martine Francke, a eu une influence majeure sur toi. De quelle manière?

Martine, elle m’a valorisé. J’avais de la misère à le faire par moi-même. Je ne m’aimais pas, je n’étais pas bien dans ma peau. Et cette fille, en tombant amoureuse de moi, en me choisissan­t... C’est une sacrée belle fille! Ça m’a absolument valorisé de savoir qu’elle pouvait jeter son dévolu sur moi. Et puis, elle m’a éveillé à plein de choses. J’avais des goûts quand même assez variés côté musique, mais elle m’a ouvert au classique, à des choses comme ça. Martine, c’est une femme très intelligen­te et extrêmemen­t émotive. Moi aussi, j’étais plutôt émotif. Alors, parfois, ça faisait des flammèches assez extraordin­aires! Mais en général, on avait beaucoup de plaisir ensemble. Il y a eu des bouées comme ça un peu partout dans ma vie. La LNI en a été une, Martine aussi. Et entre les deux, il y a eu l’École Marie-Anne pour les décrocheur­s; ça m’a ramené dans le droit chemin.

Tu décris la mort de ton ami Denis, qui s’est fait frapper par un camion sous tes yeux quand tu avais cinq ans. La noirceur dont tu parles, elle était là avant ou elle est apparue à ce moment-là?

J’étais jeune... Je ne sais pas si avant j’étais comme ça. Ma mère m’a dit que j’étais un enfant qui riait beaucoup, que

je ne braillais pas souvent. Peut-être que j’avais cette part d’ombre en dedans de moi et que ça l’a exacerbée, mais peut-être pas. On ne saura jamais!

Adolescent, étais-tu prompt, impulsif?

J’étais impulsif, mais j’étais vraiment quelqu’un d’agréable. Je n’étais pas violent avec les autres. Mais j’avais quelque chose en dedans de moi que je traînais comme une barre de fer. C’est clair que la mort de Denis, ç’a fait partie de mon mal, mais ça allait sans doute plus loin que ça.

Tu t’en voulais?

Clairement. Tu t’en veux inconsciem­ment d’avoir survécu à la chose. Je n’y pensais pas tout le temps, mais c’était là. Ç’a pris un certain temps avant que je m’attarde à ça, mais quand j’ai commencé à bouger par rapport à ça, ça s’est mis à se bousculer dans ma tête. Je me demandais ce qu’il y avait derrière tout ça. Et quelqu’un me l’a fait dire. On m’a demandé: «Te sens-tu coupable d’être en vie?» J’ai répondu: «Oui! On dirait que c’est ça!»

Pourtant, tu n’avais pas à te blâmer pour quoi que ce soit...

Ce n’est pas si simple que ça. On parle d’émotions. Ce n’est pas une question de logique. C’est de l’instinct. Moi, je savais que Denis allait habiter en moi toute ma vie. Mais à un moment donné, je me suis dit: «Je vais vivre! Je vais honorer la chance que j’ai eue d’avoir été à 5 ou 6 pi plus loin du camion.» C’est comme ça que j’ai réussi à assimiler ça et à m’en sortir.

Après avoir été très présent au cinéma et à la télé, on a l’impression que tu as eu besoin d’une période pour prendre du recul. C’était nécessaire pour toi?

J’étais fatigué. J’étais drainé bien avant 19-2. Je me suis embarqué làdedans sans avoir écouté les signes de fatigue. J’aurais dû prendre une pause avant d’embarquer dans ce projet, mais je ne l’ai pas fait. J’y ai mis toute mon énergie. Ç’a été une période de fou, mais je ne regrette pas d’avoir fait ce projet. Après, j’étais vidé physiqueme­nt et mentalemen­t aussi, alors je me suis éloigné de tout ça. Le milieu est intéressan­t, agréable, il y a plein de gens super allumés, mais j’étais fatigué d’être aussi exposé. Qui propose s’expose... Il y a donc un danger là. J’ai fait une couple de pas en arrière et je me suis dit: «Je vais m’asseoir, je vais respirer et voir si l’air rentre encore!» Il fallait que je le fasse.

Tu as eu besoin de retrouver tes points de repère après le tourbillon.

Ç’a été une sage décision. J’ai laissé passer plein d’offres super intéressan­tes.

«J ’étais drainé bien avant 19-2. Je me suis embarqué là-dedans sans avoir écouté les signes de fatigue.»

Mon corps aussi était fragilisé. J’ai eu des blessures énormes, causées par le stress, qui m’ont empêché de faire des tournages. En même temps, c’était peut-être une bonne chose. Ma tête voulait y aller, mais mon corps me disait: «Non, tu n’y iras pas, sinon, je vais te briser une jambe!» Et c’est ça qui m’est arrivé. À un moment donné, mon mollet a déchiré. Une blessure de stress. J’ai eu une crise de zona qui a duré deux mois... Mon corps me parlait. C’est arrivé pendant que je tournais Fatale-Station. J’ai souffert pendant ce tournage! À l’hiver, je devais faire un film avec un réalisateu­r que j’admire, mais finalement, j’ai été obligé de lui dire non à la dernière minute. Si j’avais accepté, ça ne lui aurait pas rendu service.

Surtout avec les horaires exigeants des tournages aujourd’hui...

Exactement. Alors, j’ai eu une sagesse qui se cultive au fil des années et qui a finalement servi! Mais avant d’en arriver là, je me suis posé des questions. On ne peut pas toujours être dans l’action. Parfois, il faut réfléchir à ce qu’on veut faire. Et je n’ai pas fini de réfléchir.

Nous savions que le comédien était en couple depuis quelque temps. Mais ce n’est que tout dernièreme­nt, sur le tapis rouge du film Pieds nus dans l’aube, que celui-ci a présenté l’élue de son coeur aux médias. Il s’agit de l’auteure-compositri­ce-interprète Gaële. Ils filent le parfait amour depuis maintenant deux ans et demi. Par Patrick Delisle-crevier

Claude, tu incarnes le personnage de Bérubé dans le film. Que peut-on dire de lui?

C’est un beau personnage et ce fut un beau trois jours de tournage. Ç’a été une belle invitation de la part de Francis Leclerc que je ne pouvais pas refuser. Mon personnage est celui du forgeron du village. Pour moi, faire partie d’un film sur la vie de Félix Leclerc, c’est un honneur! J’avais envie d’être là. C’est un beau personnage qui passe comme une étoile filante, mais qui a une belle trame.

Félix Leclerc, il représente quoi pour toi?

C’est comme René Lévesque et Maurice Richard: ils sont les trois piliers du Québec de cette époque. J’ajouterais La Bolduc dans ce lot. Ce sont des piliers, des personnage­s historique­s qui représente­nt notre couleur et notre âme. Félix, on sent qu’on a un lien de paternité avec lui.

Ce soir, tu es accompagné de la femme de ta vie, Gaële. Depuis combien de temps êtes-vous ensemble?

On est ensemble depuis plus de deux ans maintenant; je dirais deux ans et demi. Je suis vraiment en amour. On s’est rencontrés il y a six ou sept ans; c’était lors d’une soirée pour la Fondation Dédé Fortin. J’étais l’animateur de la soirée, et elle était l’une des chanteuses. Ç’a cliqué entre nous, mais sans plus, car nous étions tous les deux en couple à cette époque. Puis, nous nous sommes revus plusieurs années plus tard et nous étions désormais célibatair­es tous les deux. Ce fut une belle surprise, et nous sommes ensemble depuis. Je suis en amour solide.

Qu’est-ce qu’elle t’apporte dans la vie?

C’est une fille extraordin­aire. Elle est non seulement très belle, mais aussi drôle. On se complète bien sur beaucoup de choses. On se comprend. Je ne suis pas quelqu’un de facile dans la vie, elle le sait, et ça ne semble pas lui faire peur du tout. Tout va bien. On se retrouve beaucoup dans l’humour. On se fait rire l’un l’autre.

Dernièreme­nt, vous êtes allés tous les deux visiter son coin de pays en France...

Oui, nous sommes partis un mois. J’ai pu rencontrer ses parents, sa famille et ses amis. Elle vient d’un endroit vaste où il y a des montagnes à perte de vue. C’est un beau coin. J’ai adoré ça! Ses parents sont adorables. Ensuite, nous sommes allés nous balader un peu partout en France. Gaële dit qu’elle a redécouver­t son pays grâce à moi. Ce furent vraiment de belles vacances en amoureux. Elle est ici au Québec depuis 17 ans et elle est loin de son monde. Ça m’a ému de la voir renouer avec ses racines.

Est-ce que tu connaissai­s la musique de Gaële avant de la rencontrer?

Non, je ne connaissai­s rien. Et la première fois que je l’ai rencontrée, elle a chanté du Dédé Fortin. Ce n’est que plus tard que j’ai pu découvrir son univers musical qui est très beau. J’aime beaucoup sa musique.

Quels sont tes projets à toi présenteme­nt?

Je tourne dans les séries Mensonges et Fugueuse. Disons que ça occupe pas mal mon automne. Je suis aussi en période d’écriture avec Pierre-Yves Bernard pour un nouveau projet.

Claude Legault: Improvisat­ions libres

est actuelleme­nt offert en magasin. Pieds nus dans l’aube est présenteme­nt en salle, et Junior Majeur sera en salle dès le 23 novembre.

Fugueuse, à TVA, et Mensonges,

à addikTV, seront présentées cet hiver.

Pour plus d’informatio­n sur la LNI, qui célèbre cette année ses 40 ans, visitez son site, lni.ca.

 ??  ??
 ??  ?? Claude accompagné de Salomé Corbo, Réal Bossé, Michel Duchesne, Maryvonne Cyr, Charles Lafortune et Sophie Caron lors de son dernier match à la LNI en 2003. Les Orange, qui venaient tout juste de remporter la coupe Charade, ont plus tard été nommés Meilleure équipe de tous les temps.
Claude accompagné de Salomé Corbo, Réal Bossé, Michel Duchesne, Maryvonne Cyr, Charles Lafortune et Sophie Caron lors de son dernier match à la LNI en 2003. Les Orange, qui venaient tout juste de remporter la coupe Charade, ont plus tard été nommés Meilleure équipe de tous les temps.
 ??  ?? Ginette et Jean, les parents de Claude, étaient, semble-t-il, d’excellents danseurs. Cet hiver, on retrouvera Claude aux côtés de Lynda Johnson dans la série Fugueuse, à TVA. Depuis toujours, la musique est une passion pour Claude et un aspect essentiel de sa vie. À la fin des années 1970. Cheveux longs, moustache et look d’enfer... complèteme­nt assumé! Photos:collection­Personnell­e Photo:MarlèneGél­ineauPayet­te
Ginette et Jean, les parents de Claude, étaient, semble-t-il, d’excellents danseurs. Cet hiver, on retrouvera Claude aux côtés de Lynda Johnson dans la série Fugueuse, à TVA. Depuis toujours, la musique est une passion pour Claude et un aspect essentiel de sa vie. À la fin des années 1970. Cheveux longs, moustache et look d’enfer... complèteme­nt assumé! Photos:collection­Personnell­e Photo:MarlèneGél­ineauPayet­te
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada