7 Jours

Faim de vivre de Jérôme Ferrer

Jérôme Ferrer est un chef cuisinier hors pair. Mais derrière, il y a aussi un homme avec une histoire touchante et inspirante. Il y a environ sept ans, Jérôme et sa conjointe espéraient fonder une famille. Une première fausse couche survient, puis une sec

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Ce pan de votre vie dont vous témoignez est à la fois triste et lumineux...

L’écriture a été difficile pour moi. Mais au final, malgré les épreuves de la vie, je voulais que la personne qui le lirait sache que ce qui est important, c’est d’aimer et d’être aimé. Écrire ce livre, pour moi, c’était de pouvoir passer le message que la vie peut être chienne parfois. Quand elle décide de ne pas nous faire de cadeaux, elle ne nous en fait pas. Mais il ne faut pas arrêter de croire, d’espérer que la vie est belle malgré tout. Jamais je n’aurais pensé l’écrire. Mais ça fait six ans et demi que Virginie est décédée et, l’année dernière, je sentais qu’il était temps pour moi de tourner la page. Ç’a été difficile. Au début, je n’y arrivais pas. Mais entre la mi-janvier et le 13 février, date de sa mort, je me suis répété: «C’est le bon moment. Je vais vivre toute cette commémorat­ion, je vais le faire comme si c’était un journal.» Je l’ai écrit pendant ce mois où je vivais tout ça. Je voulais témoigner à quel point, même si on arrive en fin de vie, il y a une faim de vivre. Je me suis fait opérer, j’ai perdu 140 livres. Le poids était pour moi une descente aux enfers, ma façon de partir de ce monde en douceur parce que je n’arrivais pas à faire ce deuil. Je me suis dit: «Prends une décision. Va-t’en ou reste. Mais si tu restes, recroque dans la vie à pleines dents.»

Qu’est-ce qui vous a fait basculer du côté de la vie?

Ça vient te chercher, le regard des gens qui t’aiment, qui comprennen­t que tu n’es plus toi-même. Quand tu ne te reconnais plus toi-même, tu prends conscience de quelque chose. Un matin, tu te réveilles et tu réalises que tu es en train de te laisser partir et qu’il est temps de prendre une décision.

Qu’avez-vous appris en accompagna­nt Virginie?

Je suis cuisinier. Je ne connaissai­s pas le cancer au quotidien, les changement­s de goût, d’odorat... Et j’ai découvert beaucoup de choses. Par exemple, quand ça va mal, on a envie de se faire du bien. Les plats qui nous ramènent à des souvenirs d’enfance où tout allait bien, aussi simples soientils, font du bien. Et ç’a fonctionné pour Virginie. Le plaisir de manger reste malgré tout, il ne disparaît pas.

Qu’espérez-vous pour ce livre?

J’ai envoyé le manuscrit à quelques amis très proches. Beaucoup ont apprécié en me disant que ce serait utile pour ceux qui sont malades, pour avoir l’heure juste, et aussi pour ceux qui les accompagne­nt. Si ce livre peut aider à accompagne­r quelques personnes, je vais être heureux. Parce que j’étais démuni, comme tout le monde, et ce livre m’aurait aidé. Il n’y a rien de pire, quand il y a un chrono qui s’enclenche, que de savoir que la mort va arriver sans savoir quand. C’est horrible. Tu en arrives à préférer que ce soit un accident, un infarctus. Au moins, il y a de la dignité. J’aurais aimé être mieux préparé. Heureuseme­nt, j’ai eu des personnes qui m’ont donné l’heure juste. C’est important.

Vous aidez Pierre Bruneau et la Fondation Charles-Bruneau depuis six ans. Pourquoi?

Parce que son enfant est mort du cancer et que, moi, deux fois j’ai perdu un enfant à cause du cancer. On a remis plus de 450 000 $ à la Fondation. Avec les droits d’auteur de ce livre, je voudrais offrir quelque chose de symbolique à cet organisme. Ça, pour moi ça va être important.

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