7 Jours

Pour un moment AVEC MARIE-CHANTAL PERRON

- PAR ANNIE-SOLEIL PROTEAU • MAQUILLAGE-COIFFURE: VALÉRIE QUÉVILLON • PHOTOS: PATRICK SÉGUIN

Elle est sur nos écrans depuis déjà une trentaine d’années. De Chop-suey à Blanche, en passant par Histoires de filles et Nos étés, la comédienne aux yeux étincelant­s nous a fait passer par toute la gamme des émotions. Celle qui n’avait jamais voulu d’enfant se confie sur sa relation avec la petite Rose — la fille de son conjoint —, sur la nouvelle liberté qu’elle a trouvée et sur son rôle troublant dans Unité 9.

Marie-Chantal, l’automne prochain, tu joueras au théâtre dans Tanguy, qui raconte l’histoire d’un jeune homme qui refuse de quitter le nid familial. As-tu réfléchi longtemps avant d’accepter le rôle?

Je n’ai eu aucun doute. À l’époque, c’était visionnair­e, et il y a une pertinence à monter ça au théâtre en ce moment. Ç’a été écrit il y a une vingtaine d’années, mais c’est très actuel.

Il y a tellement d’enfants qui ne partent plus de chez leurs parents: ils attendent d’avoir assez d’argent, de trouver le bon appartemen­t... Ça pose aussi un paquet de questions. C’est quoi la responsabi­lité des parents là-dedans? Est-ce de la surprotect­ion? Gâtent-ils trop leurs enfants? Et est-ce qu’ils se sentent coupables de vouloir que leurs enfants partent, même s’ils les aiment?

Ça te ramène aussi à la comédie, avec le ton comique qu’on te connaît.

Le film était hilarant, et la pièce l’est aussi! On a fait une première lecture et on a déjà ri beaucoup. Ça fait 30 ans que Normand D’Amour et moi nous connaisson­s, mais on n’avait jamais joué ensemble. Tout d’un coup, on se retrouve sur deux projets où on joue un couple, alors on va passer les deux prochaines années à se côtoyer, ce qui nous fait plaisir! (NDLR: Normand D’Amour et Marie-Chantal Perron joueront dans la série Demain des hommes.) En plus, c’est du bonbon, ce rôle. Je n’ai pas revu le film récemment, car je dois me l’approprier. Je ne veux pas imiter l’actrice française, je veux développer moi-même mon personnage.

Dans Unité 9, tu joues une IPL qui est très rigide. Ça amène une cassure par rapport à tes projets précédents. Souhaitais-tu ce changement?

C’est un petit miracle qu’on ait pensé à moi pour ce rôle. J’ai même été étonnée qu’on m’appelle en audition. Je ne pensais pas pouvoir dégager l’autorité de cette femme, parce que j’ai l’air de Minnie Mouse! (rires) Je m’amuse beaucoup avec ce personnage. Au début, par contre, j’étais complèteme­nt hors de ma zone de confort. Je me suis souciée de ma crédibilit­é, et il y avait des aspects techniques aussi, par exemple quand je dois passer des menottes à une prisonnièr­e. Ce n’était pas facile non plus de bardasser mes camarades! Quand je rentrais chez moi après les tournages, j’étais épuisée. Puis j’ai fini par trouver mon aisance là-dedans. Maintenant, je plonge et je suis inspirée, j’ai arrêté d’être dans la crainte. Ce que j’aime particuliè­rement dans Unité 9, c’est qu’on a l’impression que chaque personnage est d’une certaine couleur, puis ça se transforme. J’ai toujours hâte de savoir ce qui va arriver. Même comme actrice, je ne le sais pas longtemps à l’avance. La série est très suivie, donc il ne doit pas y avoir de fuites. Tout est gardé confidenti­el le plus longtemps possible.

Tu as étudié à l’École nationale de théâtre. Comment perçois-tu le fait que des gens sans formation obtiennent des rôles?

La vie se transforme rapidement, et on doit s’adapter. Refuser ça, ce serait ne pas s’adapter... Ma conclusion, c’est que, quel que soit le parcours d’une personne, ce qui compte le plus, c’est sa façon de travailler. Si le talent et le travail sont là, si je sens qu’on me donne bien la réplique, je ne vois pas de problème.

Ton amoureux travaille en gestion de crise pour une grosse entreprise. Est-ce qu’il n’y a que des avantages à être avec quelqu’un qui n’est pas du tout dans ton domaine?

Mon chum et moi, on est ensemble depuis trois ans, et il est très compréhens­if par rapport à mes horaires et à ma vie chaotique. Lui aussi a des horaires atypiques. Évidemment, il n’a pas la même connaissan­ce artistique que moi, mais il a envie de découvrir des choses, il est intéressé. C’est nécessaire, puisque le fait d’être une actrice, de créer, ça fait partie de moi. C’est au-delà d’un métier, c’est qui je suis. Il n’est jamais dérangé par la lumière que ce métier apporte. Je dirais même

«Mon chum et moi, on est ensemble depuis trois ans, et il est très compréhens­if par rapport à mes horaires et à ma vie chaotique.»

qu’il aime ça. Il est content quand mes affaires vont bien. Je l’emmène à des spectacles qu’il n’aurait jamais vus de sa vie! J’ai la même attitude avec sa fille de huit ans, Rose. Je l’emmène au musée, au théâtre, je lui ai aussi installé une applicatio­n de cinéma sur son téléphone. Je suis quelqu’un qui partage ses passions. Avec la maturité, j’ai compris que mon chum ne peut pas accomplir tous les rôles à 100 %, et moi non plus d’ailleurs! Quand il me parle de son travail, parfois j’ai l’impression que c’est du serbo-croate! (rires) Mais on s’intéresse tous les deux à ce que fait l’autre, même si ça nous sort de nos champs d’expertise.

Tu as choisi de ne pas avoir d’enfant, mais tu vis maintenant avec la petite puce de ton chum. Est-ce que ç’a été déstabilis­ant au début?

Ce n’est pas toujours évident de tomber en amour avec quelqu’un qui a un enfant. Notre rencontre a été très belle, mais je suis consciente que, pour certaines personnes, ça peut être problémati­que. Rose et moi, on s’appelle «copine», on s’amuse et on est proches. Je n’ai jamais voulu d’enfant, mais l’arrivée de cette petite fille dans ma vie a été fantastiqu­e. On a plusieurs points en commun. J’aime prendre soin d’elle.

Est-ce qu’elle comprend ton métier? Elle t’a vue dans Mademoisel­le C?

«La couture m’a apporté quelque chose de primordial: j’ai compris que je peux créer sans demander la permission. Je vais chercher une autre branche de liberté là-dedans, je n’attends pas qu’on me choisisse.»

Elle regarde justement les films ces jours-ci! Elle m’a volé les DVD et elle les regarde à l’école le midi. C’est drôle, parce qu’à la fin, Mademoisel­le C quitte l’endroit où elle est pour aller aider ailleurs, et Rose était dans tous ses états en voyant ça. Elle pensait que j’allais m’en aller! (rires)

Tu as 51 ans. Sens-tu un poids lié à l’âge, dans ton milieu?

Ça existe, même si je suis chanceuse et que je n’ai jamais arrêté de travailler. C’est un milieu où on est beaucoup dans le regard de l’autre. Depuis quelques années, je me permets d’initier des projets. Les gens ont une écoute et ils ont envie de développer mes idées, ce qui est un privilège. Par exemple, je vais bientôt lancer un roman graphique, en collaborat­ion avec des personnes formidable­s. Mais je sens une pression, car ça va vite... Hier, j’avais 30 ans, demain je vais en avoir 72. C’est le revers d’avoir une belle vie remplie. C’est comme lorsqu’on passe une belle soirée: on n’a pas le temps de s’ennuyer tellement on s’amuse, mais ça passe trop rapidement. J’ai une urgence de faire ce que je souhaite. La couture m’a apporté quelque chose de primordial: j’ai compris que je peux créer sans demander la permission. Je vais chercher une autre branche de liberté là-dedans, je n’attends pas qu’on me choisisse. D’ailleurs, j’ai toujours foncé. Quand je vois passer un projet qui m’intéresse, j’écris à la personne responsabl­e ou je l’appelle. Je me manifeste pour qu’on pense à moi. Des fois, ça marche, des fois, non. Mais j’ai fait ma job, alors je ne regrette jamais de ne pas avoir fait de démarche! Le pire qui peut arriver, c’est qu’il ne se passe rien.

Il y a quelques années, tu as lancé Dandine, une collection de jupes que tu créais toi-même. En fais-tu encore?

Je couds régulièrem­ent, mais je ne sais pas si je vais en refaire pour en vendre. Je ne veux pas que ça devienne une entreprise avec des employés. Ça ne m’intéresse pas de me lancer en affaires; ce n’est pas mon moteur dans la vie. Ce que j’aime, c’est créer, travailler de mes mains et inventer des choses.

Tu parlais de tes horaires chaotiques. As-tu un rituel pour décrocher et penser à toi?

On a acheté un chalet, mon chum et moi. Il fonctionne à l’énergie solaire, et on chauffe au bois. On n’a pas branché internet, ce qui me permet de redécouvri­r le plaisir de lire. Je lis des romans, et je suis une grande fanatique de bandes dessinées. On aime aussi recevoir des amis, marcher dans les sentiers, faire du ski de fond. On est tout près du parc de la Matawinie. C’est un endroit magnifique!

T’obliges-tu à respecter une certaine discipline pour rester en forme?

À Montréal, je vais souvent marcher sur le mont Royal. Je vis au pied de la montagne, et l’hiver, elle est de plus en plus entretenue pour le ski de fond également. Un jour, j’ai lu une phrase de la danseuse Louise Lecavalier qui m’a marquée: elle disait que l’exercice, c’est l’électricit­é du corps. Dans mon cas, c’est vrai que ça se reflète sur ma santé, sur les plans mental et physique. Je fais aussi du yoga chaud deux fois par semaine. Le gym, ce n’est pas ma tasse de thé, par contre. Les machines, je ne suis pas heureuse avec ça, et j’ai compris que, pour rester motivée, je dois aimer ce que je fais. J’ai aussi acheté un ElliptiGO et j’adore ça! C’est un croisement entre un exerciseur elliptique et une bicyclette.

Marie-Chantal jouera dans la pièce Tanguy, du 17 au 21 octobre 2018. Pour info: tanguy.ca

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«C’est facile de sentir une connexion avec Marie-Chantal. À travers ses éclats de rire, elle est chaleureus­e et accueillan­te. Sa joie de vivre déteint partout autour, et on se sent tout de suite bien avec elle.» — Annie-Soleil

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